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Il était une fois : Muriel, femme autoritaire jusqu’au bord du terrain
2,8 millions. Tel est le nombre de vues sur Youtube du reportage « Être une femme autoritaire (en entier) » passé dans l'émission Ça se discute de Jean-Luc Delarue en 2004. Il narre l'histoire d'un couple, Muriel et Olivier, ou plutôt la relation de domination extrême de madame envers monsieur. Et s'amuse à les suivre dans la cuisine de leur salon jusqu'à la rambarde du terrain de foot belge de monsieur : l’USV Treignes. On a retrouvé quelques-uns des protagonistes de cette séquence culte du foot amateur, pour raconter les dessous de cette vidéo. Qui fait encore parler dans les environs.
Le reportage commence assez fort avec Muriel qui réveille le quartier pour demander une baguette à Olivier, son mari. Mais les monteurs de Réservoir Prod, la boîte de production de Jean-Luc Delarue, ont gardé le meilleur pour la suite. La troisième minute. Quand Muriel, accoudée à la rambarde sur le bord du terrain de l’USV Treignes, hurle à pleins poumons des conseils avisés à son homme, à ses coéquipiers, et surtout à l’arbitre de la rencontre de foot district entre Treignes et l’US Pesche, dans la province de Namur. C’est là le climax du reportage : « Allez, un rouge, là-dessus! » Le sourire ironique de Ludovic, posté aux côtés de Muriel, est celui que tout internaute arbore en regardant la vidéo. On croirait entendre Fred Antonetti dans ses mauvais jours, mais c’est bien un petit bout de femme d’à peine 1 mètre 60 aux cheveux roux qui fait vivre l’enfer à toutes les personnes présentes ce jour-là, sur comme en dehors du terrain. « Je sais pas si on peut appeler ça encourager… », commente Ludovic, son voisin sur la touche.
Nostalgie, pitbull… et divorce
Il faut éliminer le suspense dès maintenant : non, Olivier et Muriel ne sont plus ensemble, et ce, depuis « au moins dix ou quinze ans ». C’est d’ailleurs le principal obstacle à la quête d’anecdotes et d’informations sur cette histoire. Parmi les membres du staff de l’USV Treignes interrogés, tous ont esquivé les questions, soucieux de « ne pas remuer le couteau dans la plaie » à propos d’une affaire dont « Olivier a marre d’entendre parler ». Pour autant, quel que soit l’interlocuteur, l’évocation de cette histoire ravive toujours une nostalgie amusée. Des employées de mairie aux anciens coachs, tous disent « se souvenir de cette histoire », même si, au moment de rappeler la date de diffusion – 2004 -, certains hallucinent : « Déjà ? Oh, le coup de vieux… »
Ludovic, le voisin de Muriel sur la touche, s’est amusé à décrire l’attitude de celle que les habitants de la commune appellent « le pitbull », en insistant sur le côté comique de la situation : « Bien sûr, ça a fait rire tout le monde, je ne vais pas vous le cacher. » Surtout que la réputation du couple n’était pas exactement celle décrite dans le reportage, selon Ludovic, qui connaissait bien Olivier : « C’est quelqu’un qui a du caractère, il s’est complètement écrasé pour le tournage. » Côté USV Treignes, donc, l’évènement avait suscité l’amusement de la bourgade, même si l’impact sur le club était minime. Connue de toutes et tous, Muriel n’avait pas tant étonné que ça lorsqu’elle a ramené les caméras de Ça se discute. Les locaux racontent plutôt une péripétie parmi tant d’autres à ajouter dans l’escarcelle de la supportrice, qui a plus desservi Olivier que l’USV Treignes en lui-même. « Il a eu pas mal de soucis par rapport à son travail, révèle Ludovic. Il travaillait à EDF et on lui faisait des commentaires. »
« Mes joueurs pensaient qu’elle en avait après eux »
Pourtant, Olivier n’aurait pas dû être sur le terrain sur ce jour-là. À l’époque, celui qui était l’entraîneur de l’équipe première de l’USV Treignes s’est greffé à la réserve pour affronter les voisins de Pesche. Double défaite pour le personnage principal, puisque c’est ce sont les adversaires de l’US Pesche qui ont gagné le match à domicile. Que retiennent d’ailleurs les joueurs et le staff adverse de ce personnage qui a fasciné des millions de personnes ? Immédiatement, la première question qui vient en tête, c’est celle de l’ambiance pendant le match. L’entraîneur des visiteurs à l’époque, Étienne : « Pendant le match, j’essayais de faire le vide dans ma tête, parce qu’elle criait vraiment trop. Elle criait tellement que je me suis éloignée d’elle, à l’autre bout de la touche. Moi, je voulais juste coacher mon équipe. » Pour les joueurs de l’US Pesche, le calvaire a duré 90 minutes :« Mes joueurs pensaient qu’elle en avait après eux, mais ensuite, ils se sont rendu compte qu’elle engueulait l’équipe de son mari, se rappelle Étienne. Ça les a déstabilisés au début, mais une fois qu’ils ont compris que c’était pas contre eux, ils se sont remis à jouer normalement. »
Jouer, puis discuter. L’affaire, exacerbée par la présence des caméras, devient le sujet de discussion principal entre les coéquipiers. « Avec les joueurs, on trouvait que c’était révoltant qu’une femme parle comme ça à son mari, avoue Étienne. Encore, qu’elle le fasse chez elle, ok, mais là, devant tout le monde… C’était gênant parce que les clubs de Treignes et de Pesche étant assez proches, Olivier était connu par un peu tout le monde au club. Là, devant tout le monde, il ne se faisait pas respecter. » Véritablement pris en grippe par sa femme pendant les dix minutes du reportage, on prendrait presque Olivier en pitié, lui, le Calimero de cette mise en scène qui grossit tous les traits de cette relation amoureuse.
Femme autoritaire, mais aussi actrice
Et le spectacle proposé par le personnage principal de cette comédie potache ne s’est pas arrêté aux bords du terrain. Dans le reportage, quelques images de la traditionnelle troisième mi-temps, à la buvette de l’US Pesche, dépeignent l’attitude presque « gênante » de Muriel. Mais ce qui n’est pas montré dans le sujet de l’époque, c’est l’épisode précédent, dans les vestiaires. Étienne partage une confidence : « Après le match, elle est passée devant les vestiaires et s’est arrêtée à celui de Treignes, pour crier encore plus. Depuis le nôtre, on entendait tout, et mes joueurs se marraient. » Un travail à plein temps, donc, qui ne saurait – pour reprendre la linguistique locale – se limiter au champ de la caméra. Même si, selon plusieurs sources interrogées, Muriel aurait « exagéré pour les caméras ». Ludovic est aussi de cet avis : Muriel « avait tendance à gueuler sur le bord du terrain, mais comment elle parle à Olivier, ce n’était pas la réalité. Du moins pas à ce point-là… » Avant d’avouer : « Les scènes sont refaites sept, huit, dix fois. Ils ne prennent que les parties les plus clash du reportage. »
Les talents de comédienne de Muriel étaient connus des habitants du village. Qui n’ont pas été dupes face à sa performance télévisuelle. Certes, le « pitbull » était autoritaire, mais « elle gueulait autant que les parents qui viennent voir leurs enfants au foot », estime Ludovic. C’est sans doute pour cette raison que les véritables retentissements de l’affaire ont été minimes. Tabou ou pas, à Treignes, à Viroinval et dans les environs, personne ne se souvient d’un engouement particulier autour du couple à la suite du reportage. Un commerçant du village, Philippe, élude : « Tout le monde l’a vu, il y a eu des échos, mais la plupart des gens les laissaient tranquilles. » Trop exagérée, l’attitude de Muriel n’a pas été prise au premier degré par ceux qui la connaissaient déjà. Tout le contraire de certains internautes dont les réactions ont obligé la chaîne Youtube officielle de Ça se discute à désactiver les commentaires. Détracteurs ou aficionados peuvent toujours en découdre sur les nombreux forums à son sujet. La Muriel a même une page Facebook sobrement intitulée « Les fans de Muriel, La femme autoritaire » , prouvant que si ça n’a pas été le cas pour Olivier, 226 téléspectateurs eux ont eu le véritable coup de foudre.
Par Agathe Ferrière et Alexandre Lejeune
Tous propos recueillis par Agathe Ferrière et Alexandre Lejeune.