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Il était une fois le derby du Soleil
Le Napoli retrouve ce dimanche l'AS Roma à partir du 18h. Un horaire inhabituel par mesure de sécurité en raison des fortes tensions entre les deux équipes et surtout leurs tifosi. Ainsi le secteur visiteur du stadio San Paolo sera laissé vide. Pourtant, il y a un peu plus de 25 ans, Napolitains et Romanisti entretenaient une réelle amitié. Un temps où le derby du Soleil justifiait vraiment son nom.
SSC Napoli contre AS Roma. Le 3e de Serie A qui reçoit le 4e. La troisième meilleure attaque du championnat contre la première ex-aequo (avec la Fiorentina). Malgré la forme très moyenne des Giallorossi actuellement, l’opposition a tout pour faire saliver et se disputera dans un stadio San Paolo à guichets fermés. Le spectacle promet donc d’être au rendez-vous aussi bien sur la pelouse qu’en tribunes. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser qu’il manquera dans tous les cas quelque chose. Ce quelque chose, ce sont d’abord les tifosi de la Roma, interdits de déplacement par mesure de sécurité. Ce quelque chose, c’est aussi ce secteur visiteurs qui restera vide, puisque la demande du Napoli de revendre les places à ses propres tifosi a été rejetée. En fait, ce quelque chose, c’est ce sentiment de fête un peu gâchée quoi qu’il arrive. Surtout lorsqu’on ouvre le grand livre d’histoire du football italien au chapitre « derby du Soleil » . Un chapitre clos depuis plus d’un quart de siècle. Car de soleil, il n’y en a plus depuis bien longtemps entre le Napoli et la Roma. Deux équipes pourtant liées d’une forte amitié, fut un temps lointain.
Un jumelage, des transferts et un bras d’honneur
Il faut effectivement remonter approximativement au milieu des années 70, pour trouver trace de la naissance du jumelage entre les tifoserie du Napoli et de l’AS Roma. C’est à cette époque que l’appellation « derby du Soleil » prend vraiment tout son sens. Napolitains et Romanisti se rapprochent alors et incarnent une sorte de contre-pouvoir footballistique face à la Juventus, au Milan et à l’Inter. Telle une analogie grossière avec la géopolitique de la Botte, le modeste Centre-Sud s’oppose au Nord tout puissant. Chaque match entre le Napoli et la Roma devient une véritable fête. Les supporters des deux camps se mélangent en tribunes et chantent à la gloire des deux clubs. Les tifosi napolitains copient même leurs homologues romanisti, reconnus pour leurs chants et tifo. Mieux, les tifosi du Napoli peuvent ainsi supporter une équipe en capacité de mettre à mal l’hégémonie du Nord et de gagner le Scudetto « pour deux » . Un titre que la Roma finit d’ailleurs par décrocher en 1983.
Seulement, le Napoli veut également jouer de lui-même dans la cour des grands, et Diego Maradona débarque ainsi à Naples lors de l’été 1984. Puis c’est Bruno Giordano, prolifique buteur mais surtout laziale pur souche, qui est recruté l’été suivant. Un transfert qui passe très mal auprès des tifosi romanisti qui chahutent, en octobre 1986, l’attaquant du Napoli. Ce à quoi répondent les tifosi napolitains avec des chants à l’encontre de Bruno Conti, légende de la Roma. L’amitié entre les deux équipes bat de l’aile, d’autant plus que le Napoli remporte le premier Scudetto de son histoire cette saison-là, et qu’il y a donc désormais une vraie rivalité sportive avec la Roma. En octobre 1987, le jumelage ne tient ainsi plus qu’à un fil avant le déplacement du Napoli au stadio Olimpico. Un fil qui ne va pas tarder à rompre. Avant la rencontre, le supporter de la Roma chargé d’échanger les fanions des deux équipes – comme c’est la tradition en cas de jumelage – refuse de le faire. La physionomie de la rencontre se charge du reste. Réduit à 9, le Napoli parvient effectivement à arracher le point du match nul (1-1). Un point que Salvatore Bagni, milieu de terrain du Napoli, fête avec un bras d’honneur en direction de la Curva Sud de la Roma. C’en est fini du derby du Soleil.
De l’amitié à la haine
Depuis ce derby d’octobre 1987, les supporters des deux équipes se détestent ouvertement. Ainsi, dans les années 1990, les retrouvailles entre les deux camps sont quasiment systématiquement marquées par de grosses échauffourées. Pis, la violence monte encore d’un cran en juin 2001 lors de l’avant-dernière journée du championnat. Le déplacement de la Roma – qui joue le titre et finira d’ailleurs championne – à Naples provoque une véritable guérilla urbaine qui fait plus de soixante-dix blessés. Même un banal tour de Coupe d’Italie entre les deux équipes, en décembre 2005, dégénère. Environ une quinzaine de policiers est blessée, près d’une trentaine d’ultras napolitains arrêtée et le commissariat de police du San Paolo est pris d’assaut. L’amitié a laissé place à la haine, et le plus grave va malheureusement se produire quelques années plus tard.
En marge de la finale de Coupe d’Italie 2014 à Rome, entre la Fiorentina et le Napoli, Ciro Esposito, un jeune supporter napolitain, est abattu par Daniele De Santis, un ex-ultra de la Roma, d’un coup de pistolet. Une affaire qui n’a toujours pas été complètement élucidée plus d’un an et demi plus tard. Pas plus qu’une réelle prise de conscience n’ait eu lieu ou que les tensions entre les deux camps se soient apaisées. Les supporters de la Roma ont par exemple exposé la saison passée une banderole à l’encontre de la mère de Ciro Esposito, qui coûtera un match de suspension à leur Curva Sud. Quand ceux du Napoli ont dégainé une menace en bonne et due forme, également via une banderole. Triste. Très triste… À défaut d’un retour du soleil, espérons au moins qu’il ne puisse jamais faire plus sombre encore. Décidément, il manquera bien quelque chose à ce Napoli-Roma, et sûrement à tous les suivants.
Par Eric Marinelli