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Il est venu le temps des rires et Deschamps
Didier Deschamps semble repousser le temps, immortel parce qu'en réussite. Mais après avoir touché le Graal en 2018, qu'est-ce qui pousse encore ce bonhomme à mener la barque bleue ? Et surtout jusqu'à quand ?
Groupe F, comme « Fossile » ? En étant assigné aux côtés de la France, l’Allemagne et le Portugal, la Hongrie va traverser ses trois matchs de groupe comme une excursion à Jurassic Park. Parce que le jeunot Marco Rossi, sélectionneur italien aux 27 matchs avec le Magyar Nemzeti 11, va croiser tour à tour trois dinosaures des bancs de touche. En entrée : Fernando Santos, champion d’Europe en titre et 82 matchs au compteur depuis 2014. En plat : Didier Deschamps, champion du monde en titre et 111 rencontres dirigées depuis 2012. En dessert : Joachim Löw, champion du monde 2014 et 190 parties depuis 2006. Le podium de cet Euro est là, et personne dans les autres groupes ne fait mieux, la médaille en chocolat étant attribuée à Vladimir Petković, avec ses 71 matchs sur le banc de la Suisse depuis 2014.
Didier, (bientôt) le dernier dinosaure
En embuscade dans ces charts, Didier Deschamps sait aussi qu’il n’a plus qu’à patienter pour prendre naturellement la place de numéro un. En effet, son vieux rival Joachim Löw rendra les clés de la Nationalmannschaft à la fin de la compétition pour les laisser à son ancien adjoint Hansi Flick. Le boss des Bleus n’aura plus qu’à laisser tourner le chrono, lui qui a déjà terrassé la concurrence nationale dans le domaine de la longévité : les 3015 jours de feu Michel Hidalgo ont été dépassés par le Basque en octobre dernier. Reste à savoir si DD a envie de poursuivre l’aventure.
Le quatre à la suite…
Alors que son contrat court jusqu’au 31 décembre 2022, soit après le Mondial au Qatar, Didier Deschamps pourrait encore se voir offrir une nouvelle prolongation. C’était en tout cas la promesse de Noël Le Graët lors de sa campagne pour sa propre réélection à la tête de la FFF. De quoi décourager ceux qui se verraient un jour prendre sa succession (coucou ZZ !). Hormis énorme séisme, que pourrait-il arriver au double champion du monde ? Même s’il rentre de cet Euro les bras vides, il semble avoir à sa botte son groupe de joueurs, sa fédération, mais aussi l’opinion française. En décembre, selon un sondage Odoxa pour RTL et Groupama, 83% des Français adoubaient leur sélectionneur. Un chiffre grimpant jusqu’à 93% chez les amateurs de football.
Dans les pas de Schön et Del Bosque
Jusqu’ici, il n’y avait finalement qu’un caillou dans sa chaussure : le cas Benzema. Alors qu’il restait inflexible sur sa position, Deschamps a mis de l’eau dans son vin en rappelant le Madrilène après cinq ans et demi de ban. Cette réhabilitation peut être analysée de deux manières. Soit c’est un énorme coup pour finir de convaincre son monde, pour montrer qu’il n’a même plus besoin de diviser pour régner. Soit c’est une manière de s’ajouter un poil plus de difficulté, de se confronter à ses démons, face à ce qui aurait pu rester le seul point noir de sa mandature. Après tout, pourquoi se lancer dans une arène où des taureaux n’auraient pas de cornes ? Deschamps a là quelque chose à prouver, forcément, sur ses qualités managériales. « Je suis un être normal, confessait-il au moment de l’annonce de sa liste. J’ai des responsabilités, bien évidemment, mais j’ai aussi mes qualités, mes défauts, mes sensibilités. »
Il y a aussi et surtout un objectif sportif, historique. Après avoir intégré le club très fermé des individus ayant remporté la Coupe du monde en tant que joueur et en tant qu’entraîneur (avec Mario Zagallo et Franz Beckenbauer), le Français a la possibilité de succéder à Helmut Schön (vainqueur de l’Euro 1972 et du Mondial 1974) ainsi qu’à Vicente del Bosque (vainqueur du Mondial 2010 et de l’Euro 2012) au palmarès des sélectionneurs ayant remporté les deux plus grandes compétitions internationales. Voire même d’être unique, car qui d’autre pourra un jour se targuer, en cas de succès le 11 juillet prochain à Wembley, d’avoir remporté deux Mondiaux et deux Euro ? Dans le cas Deschamps, au-delà de la gloire personnelle, il y a aussi un dévouement sans faille à son pays, un sacerdoce par rapport à la mission. « Quand vous êtes au poste qui est le mien, c’est la France ! C’est représenter la France. C’est l’équipe de France, clamait-il. Je suis là, mais je suis de passage. Même si le passage est plutôt long et agréable, qu’il puisse se poursuivre le plus longtemps possible. Mais personne, je peux vous l’assurer, ne pourra me faire perdre ma tranquillité et ma sérénité. » Et c’est certainement ça, la clé Deschamps.
Par Mathieu Rollinger
Propos de DD recueillis par MR