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Ici, c’est qui ?
Le PSG est à la croisée des chemins cet été. Mais au-delà de ses limites sportives, Paris semble manquer d'une direction claire qui lui permettrait, à défaut de gagner, au moins de perdre avec panache. En clair, QSI ne semble pas savoir quelle identité donner à son équipe. Et il n'y a peut-être rien de pire.
C’est le début d’un feuilleton qui durera peut-être tout l’été, sait-on jamais. Lundi, le nouveau patron du secteur sportif parisien, Antero Henrique, a rencontré Donato Di Campli à Milan. L’occasion pour l’agent de Marco Verratti d’indiquer que son client voulait quitter le PSG cet été, pour répondre à une sollicitation du FC Barcelone, prêt à mettre cent millions d’euros sur la table selon la Gazzetta dello Sport. Un gros caillou balancé dans le jardin du club de la capitale, car même si le contrat de l’Italien – jusqu’en 2021 – place Henrique en maître décideur sur le dossier, question image, cela fait tache : après une saison de recul sportif concret entre la seconde place en Ligue 1 et le fiasco du Nou Camp, Paris est officiellement ramené au statut de club de seconde zone par son enfant chéri. Pas forcément choquant tant il est évident que QSI a dû mal à élever son PSG au niveau de ses très grandes ambitions. Mais gênant alors que le club est à un tournant sportif et a plus que jamais besoin de se trouver un vrai projet. Une nouvelle identité, aussi.
Le PSG pas assez novateur ?
Car cet été 2017 est important pour Paris à double titre : il faut reconquérir la Ligue 1, redevenir crédible sur la scène européenne et, surtout, gommer les doutes sur les compétences des décideurs parisiens. Nasser Al-Khelaïfi en tête, de plus en plus souvent remis en cause dans les médias. Il faut dire que depuis 2011 et sa prise de pouvoir, la direction qatarienne a eu ses réussites. Mais depuis au moins deux ans, elle n’avance plus. Le projet de jeu « inspiré du Barça » a pris du plomb dans l’aile avec l’arrivée d’Unai Emery, le recrutement n’a plus donné lieu à une vraie belle trouvaille depuis Marco Verratti en 2012, et la dernière vraie grosse star, Ángel Di María, a été débauché il y a deux ans à Manchester United alors qu’il était en situation d’échec. En clair, sur le modèle qu’il voulait suivre – une marque internationale avec des top players – le PSG n’a pas vraiment d’avenir. Son plan B ? Aucun, semble-t-il, tant la direction du club semble se contenter de recycler des recettes qui ont marché ailleurs : Unai Emery devait faire passer un cap européen fort de ses trois titres en Ligue Europa, comme Antero Henrique doit transformer Paris en FC Porto du riche. Il n’y a pourtant aucune garantie que ce qui a fonctionné dans un contexte précis fasse ses preuves dans un autre totalement différent. Ce qui donne aujourd’hui la triste impression d’un club sans idée, sans capacité à innover et surprendre, comme peuvent le souligner le positionnement tardif sur le dossier Kylian Mbappé ou la récente prolongation, presque par défaut, accordée à Thiago Motta. Un joueur pour lequel Paris ne semble pas avoir d’alternative – tout comme le poste d’arrière gauche d’ailleurs – alors que dans tout club ambitieux qui se respecte, le successeur devrait avoir été désigné depuis six mois minimum…
Le PSG doit-il être plus humaniste ?
Le cas Thiago Motta porte néanmoins sa part de positif. Avec un projet de reconversion inclus au nouveau bail, l’Italo-Brésilien se verrait offrir un rôle d’entraîneur des équipes de jeune après 2018. Une approche qui, à terme, peut avoir son intérêt dans un club qui a jusqu’à présent péché à vouloir aller trop vite et donc à négliger le facteur humain. Après les premières années « réussies » de Leonardo – arrivées de Pastore, Verratti, Ibrahimović –, l’ensemble du monde du foot voyait Paris sur le toit de l’Europe dans les trois-quatre années à venir. C’était surestimer le modèle choisi par le Brésilien : recrutement massif à l’étranger, remise en question du savoir-faire français et des valeurs historiques du club. Quatre ans après son départ, le travail de « Léo » n’a pas laissé de réel héritage. Seulement de mauvaises habitudes comme penser que les solutions miracles viendraient d’une recrue – Pepe, James Rodríguez, voire le fantasme inaccessible Neymar – et qu’il n’y avait rien de mal à mettre au rebut les joueurs jugés trop faibles, quand bien même ils avaient une vraie attache émotionnelle avec le club. Mamadou Sakho, Nenê et plusieurs autres sont ainsi partis par une plus petite porte qu’ils ne méritaient.
Areola/Trapp, un symbole de l’indécision parisienne
Une approche pas assez bienveillante et respectueuse de l’avant-QSI qui, aujourd’hui, se heurte à un double écueil : le PSG n’a pas l’attractivité des plus grandes cylindrées comme le Real Madrid, le Barça, le Bayern Munich, la Juventus ou encore Manchester United. Et il lui manque également une vision à long terme sur les joueurs qui peuvent et doivent incarner son identité. Pepe serait en approche ? Au mieux, il remettrait en question le statut de Thiago Silva. Au pire, il freinerait la progression de Presnel Kimpembe, l’une des plus belles réussites récentes de la formation parisienne. Une maladresse dans les ressources humaines qui a déjà plombé la saison 2016-2017 sur le poste des gardiens, mais n’a visiblement donné lieu à aucun mea culpa : Paris avait deux bons éléments, Trapp et Areola, tous deux remplaçants en sélections allemande et française. À force de ne pas vraiment choisir, Emery en a fait deux portiers en plein doute. Le mercato à peine commencé, le club n’a pas daigné en conforter un seul, alors que la recherche d’un numéro un de classe mondiale est une mission quasi impossible. Car le PSG ne peut plus se mentir : ni Neuer ni De Gea et encore moins Buffon ne viendront avant fin août. Comme Ronaldo, Messi et Neymar avant eux.
Paris doit être local
Avant de jeter ou brader les erreurs de casting – Krychowiak, Jesé, Ben Arfa… –, Paris devrait donc s’assurer qu’il y a mieux ailleurs, et accessible. Ou alors apprendre à donner du temps, comme Monaco qui a laissé plus d’une saison à Tiémoué Bakayoko ou Radamel Falcao, et laissé s’épanouir ses produits maison comme Mbappé ou Germain. S’appuyant sur le plus grand vivier de talents en Europe, l’Île-de-France, le PSG n’a aucune excuse. L’ASM a également su miser sur du local – Lemar, Mendy, Sidibé –, quand Paris cherchait le bonheur ailleurs, et souvent sans succès. Aujourd’hui, Marco Verratti souhaite plier bagages ? Autant faire confiance à Adrien Rabiot. Thiago Silva décline ? Pourquoi ne pas mettre Presnel Kimpembe sur le devant de la scène, lui qui avait si bien tenu son rang contre le FC Barcelone ? Aucun gardien de niveau mondial ne veut venir ? Pourquoi ne pas relancer Alphonse Areola, ancienne grande promesse qui serait prétendument devenu une arnaque en deux mois ? À force de se sentir plus grand qu’il ne l’est vraiment, le PSG de QSI en a oublié l’importance de se créer une identité, de miser en priorité sur les hommes du cru – et d’aller chercher des plus-values sur les postes non pourvus –, et aussi la nécessité, parfois, de laisser du temps et des secondes chances. Avant de penser à gagner la Ligue des champions, les grands patrons du PSG devraient déjà se demander quelles valeurs, quel jeu et quelle identité ils veulent pour leur club. Les victoires, si elles viennent, n’en seront que plus belles.
Par Nicolas Jucha