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Ibrahima Diallo : « Fier de faire ce film pour parler de la binationalité »
Ibrahima Diallo peine à dissimuler son sourire au moment d’entamer sa première campagne de promo. Il incarne Ousmane Diallo, personnage principal de Numéro 10, film de David Diane, qui doit choisir entre les sélections française et sénégalaise. Le néoacteur est également boxeur professionnel et particulièrement concerné par la binationalité.
Comment as-tu décroché le rôle principal du film Numéro 10 de David Diane ?
Je traînais un peu sur Insta et une fille, que je ne connais pas, m’a partagé l’annonce du casting en me disant qu’il fallait que je postule parce que ça me correspondait. J’ai toujours rêvé d’être acteur, mais je n’en attendais pas grand-chose. J’ai enchaîné les appels avec Ilyes (Djadel, qui joue le personnage du meilleur ami) pour voir s’il y avait une vraie complicité possible entre nous deux. Quand David m’a rappelé, en novembre 2022, j’étais en vacances en Guinée, et mes yeux se sont écarquillés. J’ai failli crier au téléphone, mais je me suis retenu et j’ai tout extériorisé au moment de raccrocher. Le rêve de mon après-carrière est arrivé à 25 ans, je peux remercier cette fille maintenant !
Au-delà de ton nouveau métier d’acteur, tu es boxeur professionnel. Comment tu t’organisais avec ces deux casquettes ?
On tournait beaucoup de scènes de nuit, donc je partais courir vers 6 heures du matin et j’allais à la salle en fin d’après-midi. C’était hard, une maquilleuse me disait toujours : « Mais t’es fou, nous, on va dormir, toi tu vas courir ! » Il fallait quand même que je m’entraîne sept heures par jour. La boxe ne permet pas de se reposer pendant six mois, au moment de remonter sur le ring, le mec en face est capable de te tuer. J’ai fait un combat avant le tournage, le prochain est en mars. Après ma carrière, je me consacrerai vraiment au cinéma.
D’ailleurs, on peut se demander pourquoi avoir choisi un boxeur pour jouer un footballeur.
C’est sûr que la différence de gabarit peut interpeller. Je suis dans la catégorie super-welters (entre 66 et 70 kilos environ), donc je suis loin d’être un poids lourd. Surtout qu’il y a très peu de scènes de foot, tout est tourné autour de la vie d’un jeune footballeur.
T’as déjà tapé dans le ballon quand même ?
Ah oui, carrément ! J’ai joué au RWD Molenbeek jusqu’en U15. C’était au niveau régional, et j’étais plutôt bon, mais j’ai un peu été dégoûté du foot, c’est un milieu cruel où on te met rapidement des bâtons dans les roues. Il y a quelque chose qui revient dans le film, ce sont les parents qui mettent la pression à fond sur leurs enfants. Mon père détestait ça, donc il ne venait jamais me voir, ça m’a frustré. Ensuite, j’ai eu la maladie d’Osgood-Schlatter et je suis passé à la boxe.
Dans le film, tu incarnes un Franco-Sénégalais, alors que tu es belgo-guinéen. Tu as déjà été tiraillé par la question de la binationalité ?
C’est une notion qui m’est chère, donc j’étais très fier de faire ce film pour parler de ce thème. On ne peut pas me demander de choisir entre mon père, guinéo-sénégalais, et ma mère, belge. Je me suis reconnu dans le personnage d’Ousmane en tant que boxeur binational. Mais comme lui, je ne me suis jamais senti seulement belge ou seulement guinéen. Pour un métis, je pense que c’est encore plus compliqué parce qu’en Belgique, on me considère comme un Africain, alors qu’en Guinée, on me dit que je suis blanc.
Ça se caractérise comment dans la boxe ?
Ce n’est pas comme au foot, j’ai le droit d’avoir mes deux drapeaux. Je n’ai pas de choix à faire et heureusement. En amateur, je n’étais quasiment qu’en Belgique, c’est là que je suis né et que j’ai appris la boxe. Quand je suis passé professionnel, j’ai pu avoir le drapeau de la Guinée et représenter mes racines africaines. Les vraies questions d’identité sont venues durant l’adolescence, je me demandais pourquoi on m’avait dit que j’étais trop foncé pour un Belge. Ensuite, comme dans le film, il y a eu des coups de pression de certains pour que je boxe uniquement pour un pays. Les potes du quartier te disent : « En Belgique, tu resteras un noir qui s’appelle Ibrahima, rien d’autre. » Et de l’autre côté, un agent va vouloir que tu restes en Europe pour être plus bankable.
Dans Numéro 10, ton personnage dit aimer le Sénégal sans jamais y être allé et sans connaître un mot. C’est habituel pour les sportifs binationaux ?
J’ai grandi à Ixelles (un quartier de Bruxelles), mais j’ai beaucoup voyagé en Guinée et au Sénégal. Je considère que j’ai vraiment les deux cultures. Pendant les vacances d’été, je partais deux mois en Guinée, et là, on me considérait vraiment comme le « petit blanc ». D’autres sportifs choisissent un pays africain parce qu’ils n’ont pas le niveau pour jouer dans leur sélection européenne et je trouve dommage de sacrifier une identité pour des résultats.
Ousmane a le poster de Sadio Mané époque Southampton dans sa chambre. Qui était affiché sur ton mur de gamin, toi ?
Ahhh, c’était Thierry Henry à Arsenal en 2006, maillot bordeaux manches longues, sponsor O2, numéro 14. Tu connais, c’était trop fort. (Rires.)
Ce jeune joueur fictionnel commence à Metz, puis réalise ses premiers exploits à l’AC Milan. C’est ça, ta carrière de rêve ?
Non, moi, je voulais absolument devenir le numéro 10 d’Arsenal, j’aime trop ce club, Henry, Gilberto Silva, Ashley Cole. Je suis de nouveau content ces dernières années d’ailleurs. Ma carrière de rêve commence à Molenbeek, derrière je pars à l’AS Monaco. Tu sens la filiation ? Ensuite, Arsenal évidemment, et je termine au Real. Pas mal, non ?
→ Le film Numéro 10 est disponible à partir du 26 janvier sur Prime Video.
Propos recueillis par Enzo Leanni