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Ian Charters, le révolutionnaire de Manchester
Souhaitant récolter des fonds pour une association, Ian Charters a mis aux enchères la passion de son nourrisson pour l'un des deux Manchester. Une idée folle qui divise un peu plus la ville à quelques jours du derby. Récit.
Une couleur à défendre, un camp à aduler, l’autre à détester. À raison de deux fois par an minimum, Manchester s’arrête. La règle est connue et est la même qu’à Rome, Milan ou encore Munich. Entre le bleu et le rouge, il faut choisir. Ou subir, car dans toute ville à deux têtes, c’est avant tout la filiation qui fait le travail. City ou United, c’est une histoire de père en fils. Une affaire de famille. Alors, quand vient la semaine tant attendue, on se réunit entre clans, on pronostique, et on ne manque pas de chambrer ses collègues ou amis qui ont pactisé avec l’ennemi. Jusqu’au jour fatidique, où en fonction du résultat, on va boire pour célébrer la victoire ou pour noyer ses larmes.
Un bébé, eBay, et les deux Manchester
Pourtant, cette année, un homme a bouleversé les codes. Se décrivant lui-même comme « pas vraiment fan de foot » , Ian Charters, 30 ans, a révolutionné en quelques clics le petit monde du derby mancunien. À l’origine ? Une récolte de fonds pour l’association Bliss, visant à aider les enfants nés prématurément et une idée un peu saugrenue, comme il l’explique lui-même : « Eddie est né prématurément en mars dernier, de 5 semaines et demie. Il a passé 4 semaines à l’hôpital avant qu’on puisse l’accueillir chez nous. Donc je voulais juste rendre un peu à une association qui nous a beaucoup aidés pendant cette période. Je vais courir le marathon de Londres pour eux en avril. Je dois récolter des fonds pour cela. J’essaye de trouver plein d’idées différentes dans ce but-là. » Parmi ces nombreuses idées, lui vient un jour le projet d’échanger la passion de son fils pour un des deux Manchester contre un don pour l’association. Un coup de génie qu’il explique très logiquement : « J’ai vu tous ces posts sur Facebook, où l’on voit de jeunes parents habiller leurs enfants avec des maillots de Manchester United ou City. Je me suis alors dit qu’ils choisissaient tous l’équipe qu’allait supporter leur enfant. Donc pourquoi est-ce que quelqu’un d’autre ne pourrait pas choisir, en échange d’un don pour une œuvre de charité ? » De l’idée au projet, il n’y a qu’un pas que Ian franchit en postant une enchère très sérieuse sur eBay, enchère qui se termine le jour du derby, bien évidemment. La promesse ? Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour faire en sorte qu’Eddie supporte le même club que le vainqueur de l’enchère : « J’achèterai à Eddie le maillot de l’équipe concernée, et je l’emmènerai aux matchs lorsqu’il sera un peu plus vieux, afin qu’il ait des souvenirs d’enfance au stade, en espérant que ce soit l’équipe qu’il soutiendra toute sa vie ! » Et si le petit décide de changer de camp ? « Je ne peux pas le forcer, et puis, c’est bien précisé que l’argent sera reversé à une œuvre de charité. J’ai écrit cela sur l’offre eBay, donc j’espère que les gens l’auront bien vu. »
« Ma femme n’a pas vraiment compris ! »
Au sein de sa famille, sa femme, première concernée, reste d’abord dubitative quant à l’efficacité de la démarche : « Ma femme n’a pas vraiment compris ! Elle ne saisit pas trop le fait que quelqu’un puisse payer pour qu’un enfant supporte son équipe de foot. Mais bon, elle m’a dit que si c’était pour une œuvre de charité, une bonne cause, pas de problèmes. » Pourtant, l’idée surprend tellement en Angleterre que la petite famille est rapidement médiatisée, et les offres s’enchaînent sur le site d’enchères, comme le raconte Ian : « Je n’avais pas réalisé que j’étais le premier à le faire. Bien sûr, j’ai été surpris que cela soit aussi médiatisé, mais c’est plutôt drôle au final. » Du côté des fans, on raffole de l’histoire, et on se mobilise pour que le petit Eddie rejoigne son camp plutôt que l’autre. Malgré tout, certains internautes n’hésitent pas à se montrer virulent envers le papa, pointant du doigt une atteinte à la liberté de l’enfant, ce qui ne manque pas de faire réagir Ian : « Les réactions sont majoritairement positives. Il y a eu quelques critiques mais les gens doivent réaliser que c’est juste une bonne blague. Je ne le forcerai jamais à supporter une équipe. Je vais seulement l’encourager à le faire, comme le font beaucoup de parents dans le monde. Et si vous récoltez des fonds pour une œuvre de charité, je ne vois aucun mal là-dedans. » Et lorsqu’on lui demande s’il a une préférence secrète pour son fils, le père se livre a une petite confidence : « Je vais te dire, pour l’instant, la personne qui mène l’enchère est un supporter d’un petit club bien plus local, Stockport County. Je serai assez heureux que ce soit eux car le stade est à deux pas de chez nous ! Nous sommes dans le Sud de la ville, Old Trafford à l’Ouest, et l’Etihad à l’Est. Par contre, je peux me rendre au stade de Stockport County à pied ! » Et si un club de sixième division raflait le derby de Manchester ?
Par Paul Piquard