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I. Traoré : « Je voulais être écrivain »

Propos recueillis par Ali Farhat
I. Traoré : « Je voulais être écrivain »

Le hasard a bien fait les choses pour Ibrahima Traoré. Devenu pro à une époque où il aurait aimé publier sa prose, le natif de la région parisienne aligne aujourd'hui les kilomètres et les dribbles pour le VfB Stuttgart. Actuellement capitaine de l'équipe nationale de Guinée, investi à fond contre le virus Ebola, c'est peu dire que le petit (1,72m) Ibrahima est devenu grand.

Tu as grandi dans la région parisienne, et tu es parti très tôt en Allemagne…

Je suis né à Villepinte, j’ai grandi à Charenton-le-Pont, dans le 94. Ma famille vit aujourd’hui à Pantin. Je suis parti à 18 ans en Allemagne. Ce fut vraiment un hasard. On jouait en bas, dans mon quartier, je faisais la misère à mes potes (rires), et il y a un agent qui est venu me voir pour me dire que j’étais un bon joueur et qu’il pouvait m’aider. Au début, je croyais que c’était un mytho. Il a insisté à plusieurs reprises, il m’a même payé le billet. Ma mère m’a poussé à y aller, sinon je ne serais pas parti. Je me suis retrouvé à Berlin, au Hertha. J’ai fait un essai avec les U19, puis la réserve. Et puis au bout de deux entraînements, ils m’ont pris.

Tu jouais en club à l’époque, non ?

Ouais, je jouais à Levallois. Mais si on n’était pas venu me chercher, je n’aurais pas bougé. Je jouais en CFA, je faisais des études. J’ai eu un bac L, d’ailleurs. Je voulais devenir écrivain.

Et comment ça se passe, le fait de débarquer dans un pays qui t’est complètement étranger ?

À partir du moment où je suis arrivé au Hertha, je me suis mis dans la tête qu’il fallait que je passe professionnel. Re-mis dans la tête, plutôt. Plus jeune, c’était une obsession. J’avais même fait des essais dans des clubs, mais ils ne m’avaient pas pris. Alors ça m’a refroidi. Quand je suis arrivé à Berlin, je n’étais plus aussi obsédé. Mais je me suis remis dans le bain.

Tu as fait des essais où ?

À West Ham, au Mans et à Amiens.

Et pourquoi tu n’as pas été pris ?

Parce qu’ils estimaient que j’étais trop petit. J’ai fait un essai à Clairefontaine, aussi, où on m’a dit que je n’étais pas assez bon.

Et ça n’a pas été trop dur, l’adaptation en Allemagne ?

Quand je suis arrivé, je ne me suis pas dit que je pourrais avoir le blues. De toute façon, je n’étais jamais vraiment tout seul. Au début, j’étais à l’internat du Hertha, et il y avait un Canadien avec qui je traînais beaucoup, on parlait anglais. Quand j’ai déménagé, mon frère est venu me rejoindre. Sinon, je me suis bien évidemment mis à fond dans le foot. Je me suis aussi mis à fond pour apprendre la langue. Résultat : je parlais couramment au bout de sept mois. C’est à ce moment-là que j’ai signé mon premier contrat pro.

T’étais pas dégoûté de ne faire qu’un seul match de Bundesliga avec le Hertha, le club qui t’a donné la chance de devenir pro ?

Oui, c’est vrai que j’étais un peu dégoûté. Mais regarde le hasard du football : le coach de l’époque (Lucien Favre, ndlr) ne m’a pas fait jouer, il m’a dit que je n’avais pas le physique pour jouer en Bundesliga, et aujourd’hui, c’est lui qui me fait venir à Mönchengladbach. C’est fou comme les chemins se recroisent, non ? (rires) Mais d’un autre côté, c’est un mal pour un bien : je sortais beaucoup, je faisais beaucoup la fête, je ne savais pas ce que c’était, être pro. Je n’avais pas encore pris conscience de tous les efforts que ça demandait. Mentalement, je n’étais pas prêt.

Par la suite, tu es allé à Augsburg, en D2. Tu penses que ça a servi ta carrière que de passer par l’antichambre de la Bundesliga ?

Je pense que ce qui m’a vraiment aidé, c’est d’arriver dans une équipe qui voulait monter pour la première fois de son histoire. Ils avaient recruté beaucoup de joueurs de D1, donc le niveau était très élevé. De plus, le coach (Jos Luhukay, ndlr) m’a laissé énormément de libertés, je faisais ce que je voulais.

À Augsburg, vous jouez la montée à l’issue de la saison 09/10. En barrages, vous jouez Nuremberg. Vous perdez 1-0 là-bas, et au retour, tu te fais expulser…

On fait une super saison, et en barrages, ça part en sucette. Je m’embrouille avec un type (Juri Judt, ndlr), il insulte ma mère, j’insulte sa mère, on s’embrouille, j’ai perdu mes nerfs parce que je sentais que c’était mort (au moment où Traoré se fait expulser, à la 56e, Nuremberg menait déjà 1-0, ndlr). Mais le rouge n’a étonné personne : ils savaient que j’étais un peu impulsif (rires). Je me suis calmé depuis.


Et puis tu enchaînes, tu te retrouves à Stuttgart.

En fait, ils voulaient me prendre juste après cette saison. Il me restait un an de contrat. Augsburg m’a gardé. Je leur ai dit que je partirais en fin de saison, quoi qu’il arrive. Au début, je n’ai pas beaucoup joué, et à la fin, je me suis blessé pour quatre mois. Et puis je suis arrivé à Stuttgart, blessé, mais dans un gros club qui me voulait vraiment.

Et là, c’est un autre niveau.

Imagine, je me suis retrouvé à jouer à l’entraînement contre Khalid Boulahrouz, c’était vraiment chaud au début !

Et puis, dans un gros club comme le VfB Stuttgart, champion à plusieurs reprises, c’est plus exigeant.

Je m’étais habitué au fait de ne plus défendre. À Augsburg, le coach faisait tout pour que je me concentre uniquement sur l’attaque. À Stuttgart, j’ai dû réapprendre tout ça. Au VfB, les ailiers courent environ 11 kilomètres par match. Ça n’existe pas en France, ça! Dans un premier temps, c’était compliqué de courir partout, de répéter les efforts tout en gardant de la lucidité. La deuxième saison, j’ai fait une bonne préparation, je n’ai plus eu de pépins physiques, et ça s’est vu.

Tu as pas mal joué avec Bruno Labbadia, mais après son éviction, ça s’est moins bien passé avec Thomas Schneider. Pourquoi ?

Une incompréhension totale. Il comptait sur moi, mais il ne me faisait pas jouer. Gladbach est venu en décembre pour me prendre au mercato d’hiver contre une somme d’argent (il me restait un peu plus de six mois de contrat), mais ils ont refusé, arguant qu’ils avaient besoin de moi. Mais je n’ai pas beaucoup plus joué pour autant. Incompréhensible.

Ce qui est vraiment incompréhensible, c’est comment une équipe comme Stuttgart, avec beaucoup de joueurs de qualité (Maxim, Harnik, Ibišević, sans oublier le jeune Timo Werner) se retrouve à jouer le maintien ?

Quand tu vois notre effectif, quand tu vois notre banc, on doit jouer les places européennes. C’est ce qui était prévu en début de saison. Par la suite, il y a un changement de coach, donc de concept. Et puis, là, on a encore un nouveau coach (Huub Stevens, ndlr). Et puis, là où on n’a pas fait attention, c’est qu’on ne s’était jamais dit que c’était critique, jusqu’à ce qu’on se retrouve vraiment dans l’Abstiegskampf.

Le vrai problème, c’est que vous avez beaucoup mené au score cette saison, et qu’à la fin, vous avez fait soit match nul, soit perdu. Vous avez perdu 30 points comme ça…

… et je crois qu’on a pris 15 buts dans le dernier quart d’heure. Un truc de dingue. Regarde, lors du dernier match contre Gladbach, on prend un but à la 89e… Si on avait gagné ce match, on ne serait pas sauvés, mais ça nous aurait fait du bien mentalement, avec quatre points d’avance sur la 16e place. On enchaîne les records négatifs, notamment une série de huit défaites, alors qu’on jouait contre des équipes à notre portée.

Ton départ en fin de saison au Borussia Mönchengladbach était un secret de polichinelle. Néanmoins, il a été officialisé il y a quelques jours seulement. De ton côté, tu n’as jamais rien dit. Pourquoi ?

Parce que j’ai du respect pour mon club. Même si j’aurais dû partir avant. Je devais signer à Schalke cet hiver, mais ça s’est pas fait. Puis Gladbach me voulait dès cet hiver, le coach ne m’a pas laissé partir. Alors je me suis tu et j’ai signé pour la saison prochaine. En attendant, je donne tout ce que j’ai pour Stuttgart.

Tu es international guinéen, tu as été nommé capitaine il y a quelque temps. La Guinée, en ce moment, on en parle beaucoup à cause du virus Ebola, qui a tué une centaine de personnes depuis janvier. Comment tu t’es organisé à l’annonce de ce drame ?

Au début, je n’avais pas pris conscience de l’ampleur du virus. Puis quand j’ai compris que c’était très sérieux, et avec mon coéquipier Antonio Rüdiger (de mère sierra-léonaise, ndlr), on a fait un don via ma fondation en Guinée. Et puis mon frère – qui est aussi mon attaché de presse – est allé voir les autres joueurs internationaux guinéens et on a fait des vidéos qu’on a mis sur une page Facebook. On va voir comment la situation évolue, si le virus est sous contrôle ou non. J’ai demandé aux internationaux qu’on se rassemble pour faire un don commun.

Il y a aussi des joueurs du continent comme André Ayew ou Yaya Touré qui disent qu’il faut se mobiliser contre le virus. Mais concrètement, comment ça se traduit ?

C’est bien d’envoyer des messages de soutien, ça poussera sûrement les gens à faire des dons. Mais nous, les joueurs du pays, c’est notre devoir d’aider les nôtres, ceux qui nous adulent. Bon après, ça met en lumière le problème plus que ça ne le résout fondamentalement. C’est risqué de se rendre en Guinée en ce moment. Je devais y aller en fin de saison, mais je n’ai pas le droit.

En début d’interview, tu m’as dit que tu avais fait un bac L et que tu voulais devenir écrivain. Tu peux m’en dire plus ?

J’aimais jouer au foot, c’est une chose. En L, j’avais des tas de livres à lire. Beaucoup de mes camarades de classe trouvaient ça relou, mais moi, j’ai lu des bouquins qui m’ont passionné. Je suis devenu un grand fan de Frédéric Beigbeder et de Françoise Sagan. Ils m’ont donné l’envie d’écrire. J’ai gratté quelques trucs que j’ai montré à mes profs, ils m’ont dit qu’il y avait de la qualité, et qu’il fallait que je travaille quelques aspects. Je voulais devenir écrivain, en faire un métier. Aujourd’hui, j’écris encore quelques trucs, je fais le lover, j’écris essentiellement des poèmes pour ma femme (rires).

Il y a des livres qui t’ont marqué ?

J’aime beaucoup L’égoïste romantique. Aimez-vous Brahms… aussi, parce que ça raconte une histoire entre la folie et la raison. Sans oublier Bonjour tristesse. Dans mon quartier, je les rendais dingue. À la fois parce que j’étais fort au foot, mais aussi parce que je lisais des livres (rires).
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Propos recueillis par Ali Farhat

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