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Huracan, sur un air de tango triste

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Huracan, sur un air de tango triste

6 Juillet 2009. Ambiance de fin du monde à Buenos Aires. Des glaçons gros comme des poings tombent du ciel. La grippe A partout, écoles, bars et universités fermées. Et à l'ouest de la capitale, au milieu du stade de Velez, des tambours battent le rythme de chants guerriers. Lynchage sanglant sur la place publique. Au milieu de la pelouse gît un corps mutilé, celui du beau football, celui d'Huracan. C'est un dimanche de tango triste. «Quelle envie de pleurer en cet après-midi gris».

Cela devait pourtant être un beau dimanche. Une journée entièrement dédiée à la grande messe du football. Imaginez plutôt : après l’incroyable triangulaire de l’année passée, la dernière journée du championnat argentin offrait, hasard du calendrier, une “finale” inédite entre Velez et Huracan, 1er avec un point d’avance et porté par tout le pays. C’était écrit. Cela devait être l’apothéose pour le “Globo” d’Angel Cappa, équipe au Tiki-Tiki envoûtant qui devait, ce dimanche-là, donner son ultime récital, jouer sa plus belle partition.

Mais comme l’orange mécanique de 74, comme la Hongrie de 54, comme le Brésil de 82, tous enterrés dans la même fosse commune du beau football, l’Huracan de Cappa a perdu. Et salement, très salement : 1-0, but à la 83ème minute après une faute énormissime de Larrivey sur Monzon, le gardien du Globo. Après un but injustement annulé à la 8ème minute. Après un penalty oublié. Mais peu importe. Car, comme le dit Angel Cappa lui-même, « dans le football, on oublie les résultats, seules les émotions restent » . Et quelles émotions, Dios Mio.

Pour mieux saisir le parcours accompli, il faut bien comprendre d’où l’on part : revenir un instant sur le passé, plonger au fond du fond, dans la boue du Parque Patricio, quartier populaire et chargé d’histoire du sud de Buenos Aires, coincé entre les maisons colorées de la Boca et les putes paraguayennes à 15 pesos de Plaza Constitucion. Le quartier du modeste club d’Huracan, le logo le plus ridicule de l’AFA, un seul titre en 100 ans d’histoire. Depuis 73 et l’épopée glorieuse d’une équipe emmenée par Russo, Houseman, Basile et dirigée par un certain César Menotti, rien ou pas grand-chose : des relégations en seconde division, d’éphémères moments d’émotion, un titre perdu, déjà, à la dernière journée en 1994, quelques bastons épiques gagnées par la barra brava. Sous la pluie et devant un public éparse, le Globo termine la saison 2008 à une tristement habituelle 17ème place.

Un magicien nommé Angel Cappa

Et puis l’arrivée d’Angel Cappa, ancien assistant de Valdano au Real Madrid, poète du football, ex militant d’extrême gauche, exilé lors de l’ultime dictature. Angel Cappa, ses petites moustaches de lecteur de Borges, ses légendaires envolées lyriques à base d’ « Hijos de mil putas » et de « Pelotudos de mierda » , sa favorite.
Angel le magicien. Prenant en main plus ou moins le même effectif que celui qui termine 17ème, Cappa transforme le crapaud en prince charmant, la citrouille larvée en carrosse royal. Le “Narizon” impose sa patte dès la pré-saison et surprend ses joueurs, accoutumés au travail à l’européenne. Fini les interminables séances de muscu, les longs joggings sans ballon, le culte du corps et de la préparation physique. Avec Cappa c’est balle au sol, coup de sifflet et jeu à une, deux touches de balle pendant une heure, une heure et demie. Angel ouvre sa galerie à deux jeunes artistes underground, Pastore et De Federico, du talent plein les pieds, et file le poste de conservateur général à Bolatti, grand blond rapatrié du FC Porto, meilleur n° 5 du pays, un milieu à l’ancienne, qui récupère et qui organise.

Surtout, Cappa se la joue menottiste et applique les principes du maître à la lettre. « On joue comme on vit, on vit comme on joue » : Cappa est un rêveur qui bannit l’individualisme réac, remet au goût du jour l’idéal collectif, l’amour pour le ballon et le respect du public. Et ça marche, preuve qu’on peut jouer mieux pour gagner plus. Le Globo enchaîne les victoires, flanque des raclées à Lanus (3-0), Racing ou Argentinos (4-1) et se permet d’enfiler les buts comme les perles (35 au final, meilleur attaque) avec un numéro 9 comme Nieto, grand bûcheron style Guivarc’h 98. En apothéose, le 4-0 infligé à River le 16 mai dernier avec deux joyaux finement taillés par le petit Pastore, les côtes saillantes et la technique aiguisée.

Football, bohème, quartier, tango

Mieux encore, les “Anges de Cappa” réussissent l’improbable exploit de faire l’unanimité dans un pays oxymorique, terre des divisions séculaires entre fédéralistes et centralisateurs, Boca et River, Buenos Aires et la province, péronistes et anti-péronistes, Los Redondos et La Renga : Huracan devient l’équipe du peuple, de toute l’Argentine. Certains matchs se transforment en récitals, odes au toque saluées par les olés de la hinchada du Globo et, parfois même, par les applaudissements de l’adversaire. Avec son jeu léché à une touche de balle, ses relances courtes, ses redoublements de passes et ses coups d’accélérateur meurtriers, Huracan remplit les stades, fait lever les foules et comble l’orgueil du quartier de Parque Patricio. Un jour, raconte Cappa, un petit vieux du quartier qui ouvrait les portes des taxis au Patio Bullrich pour ramasser quelques pesos (un des centres commerciaux les plus huppés de Buenos Aires) et auquel il ne restait pas la moindre dent, aperçoit l’entraîneur moustachu de l’autre côté de la rue, et, plein d’émotion, lui crie « Angelito, qu’est-ce qu’on est grands ! On ne fait même pas un centre » . Grand, en effet.

Cet Huracan renoue aussi avec l’idiosyncrasie du club et du football argentin et, comme le répète fièrement son entraîneur, incarne le « football, la bohème, le quartier, le tango » : le tiki-tiki, les moustaches de Cappa, l’élégance de Bolatti, la douceur du toque réveillent la nostalgie d’un football identitaire, propre à l’Argentine. Celui de 1978, de Menotti, le football du romantisme rioplatense, des tangos de Discepolo, des contes de Fontanarossa et de Soriano. C’est également un football contestataire, qui va à l’encontre de la modernité, de la loi de l’argent et du culte des trois points. C’est la revanche du pauvre sur le riche, des valets sur les maîtres, la révolte des petits contre les grands. Et ça, en Argentine, on kiffe.

Alors, finalement, cette défaite injuste, cette finale perdue, cette faute oubliée étaient inscrites dans l’Histoire. Il n’y a pas de romantisme sans morts passionnelles, pas de tango sans bandonéon. Mais, heureusement, comme l’écrit le chanteur Andres Calamaro dans un poème adressé à Huracan, « l’histoire a aussi de la place pour les rêveurs, pour les peines mexicaines oubliées dans la Tequila, pour ceux qui ont traversé la mer à la nage et se sont noyés à deux mètres du rivage, pour les finales perdues injustement, et pour les tangos tristes » .

Le match contre River

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