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- 28 octobre 1975
Hugo Sotil : la grande évasion
Le 28 octobre 1975, Hugo Sotil surgit dans l'histoire de la Copa América, à l'improviste. Alors que personne ne l'attendait, l'attaquant péruvien du Barça sera le héros de la finale. Récit d'une victorieuse escapade.
Le Péruvien Hugo « El Cholo » Sotil a vécu toute l’épopée de sa sélection en Copa América à distance. Triste et amer. Son sélectionneur le voulait, mais le Barça n’entendait pas libérer l’un de ses trois étrangers, avec Johan Cruyff et Johann Neeskens. Quand bien même Sotil passait de plus en plus de temps sur le banc du Camp Nou. Contraint à une relation à distance, le Péruvien apprend ainsi depuis la Catalogne que sa sélection a éliminé l’ennemi chilien en phase de poules et qu’elle affrontera le Brésil en demi-finales. Cette Copa América 1975 se disputait selon un nouveau format. Sans pays hôte, elle s’étalait sur quatre mois, et ses participants étaient répartis en trois groupes de trois. Les premiers de chaque poule devaient en découdre en demi-finales, stade où l’Uruguay apparaissait, privilège de tenant du titre. Le match aller entre Brésil et Pérou se dispute à Belo Horizonte, où la Blanquirroja crée la sensation (1-3). Au passage, Teofilo Cubillas, grand spécialiste de l’exercice, inscrit un coup franc d’exception. Pour le Brésil, il s’agit alors de l’une des plus grandes humiliations de son histoire, après le Maracanazo. Reste que la Seleção parvient à refaire son retard à Lima. La qualification se jouera donc… au tirage au sort, et la main innocente sera celle d’une fille d’un dirigeant péruvien, qui envoie, par le plus grand des hasards, Cubillas et consorts en finale.
Doté de la meilleure génération de son histoire, le Pérou s’avance en favori pour la deuxième finale de son histoire, après son succès à domicile, en 1939. Ce, malgré l’absence de Sotil. La Blanquirroja est opposée à la Colombie de Willington Ortiz ou Diego Umaña, des joueurs qui n’avaient pas grand-chose à envier à Valderrama et consorts selon les témoins de l’époque. Malgré des chevilles martyrisées lors de la demi-finale retour, à Montevideo, les Colombiens sont passés et disputent la première finale de leur histoire. Le 16 octobre, à Bogota, les Cafeteros s’adjugent la finale aller (1-0), et Hugo Sotil suit toujours cela de loin. Une semaine plus tard, le Pérou, autoritaire à Lima, tient sa revanche (2-0), mais ne lève pas pour autant la Copa. Le règlement de la compétition ne tenant pas compte du nombre de buts inscrits, un troisième match doit être disputé sur terrain neutre pour séparer les deux finalistes. Pérou et Colombie se retrouveront le 28 octobre, à Caracas.
Un accouchement et une grosse cuite
C’est à ce moment de l’histoire qu’El Cholo Sotil fait son apparition. En costard-cravate, l’attaquant du Barça débarque à l’aéroport de Caracas avant de rejoindre ses coéquipiers qui ne l’attendaient pas. Après tout, le fantasque ailier avait séché toute la Copa América. « On disait que je n’étais plus péruvien, déclara-t-il à So Foot, que le Cholo du peuple avait disparu. Même ma mère était énervée, elle croyait que je ne voulais plus jouer pour mon pays. » Débarqué à l’improviste, Sotil est parti en loucedé de Barcelone, sans que ses dirigeants ne soient au courant, et alors que sa femme s’apprête à mettre leur premier enfant au monde. « Quand j’ai appris qu’on jouait un troisième match, j’ai dit à ma femme Guillermina : « Achète les billets et prépare les valises », contera Sotil, elle m’a appuyé même si elle était enceinte. » « En fait, le sélectionneur, Marcos Calderón, m’avait convoqué dès le premier match, poursuit l’idole du peuple péruvien, mais le Barça a refusé de me laisser partir. »
Le 28 octobre, El Cholo Sotil devient enfin acteur de la Copa América. Et tant qu’à faire, il campera le rôle principal. C’est à la 24e minute que tout se joue. Teofilo Cubillas qui, lui aussi, avait quitté le FC Porto sans prévenir, frappe au but. Un défenseur interrompt la course du ballon, mais Sotil surgit alors, légèrement derrière le point de penalty, pour envoyer le ballon au fond du filet d’une frappe instantanée. Le Barcelonais, qui n’aurait pas disputé une seule minute de la Copa América si la finale aller-retour avait suffi à départager Pérou et Colombie, en est finalement le héros. Mais à peine le match terminé, Sotil doit quitter le Venezuela pour revenir à Barcelone. Enfin, l’attaquant grandi dans les bidonvilles de Lima s’offre tout de même une petite célébration comme il les aime avant de reprendre l’avion. « On s’est enfermé dans l’hôtel, se souvient-il, il y avait du vin, de la bière, du whisky. Le lendemain, on a dû soudoyer le gérant d’un magasin, pour le dévaliser comme il se doit en alcool. J’ai pris une sacrée cuite (rires). » Sotil, marginalisé du onze du Barça depuis l’arrivée de Johann Neeskens en 1974, et qui avait vu son rendement décliner en Catalogne à cause de ses sorties trop fréquentes, ne retrouvera jamais en second souffle en blaugrana. Mais il restera à jamais un héros pour son pays. L’homme qui a donné à son Pérou sa seule Copa América conquise hors de ses frontières, pendant que son enfant naissait à Barcelone…
Par Thomas Goubin
Sources : Historia y Leyenda del Club Alianza Lima, Tras el equipo de Ensueño