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Hugo Picard : « J’espère que les numéros 10 perdureront »
Devenu à 21 ans le dépositaire du jeu guingampais depuis l’arrivée de Sylvain Ripoll cet été, le jeune Hugo Picard dévoile sa perception du poste. Rencontre avec un « faux ailier » qui se verrait bien en Florian Wirtz français.
Cet été, tu as pris le numéro 10, que représente ce numéro pour toi ?
Le 10, c’est le numéro le plus prestigieux, porté en général par de grands joueurs. Je n’étais même pas spécialement à fond là-dessus. On me l’a proposé à la suite du départ de Mehdi Merghem. Au début, j’ai réfléchi. Je me demandais si à 21 ans, c’était à moi de le prendre. Puis je me suis dit pourquoi pas. Je suis au club depuis un certain temps et au fond, ça ne change pas grand-chose, ce n’est qu’un numéro.
Ça ne rajoute pas un peu de pression ?
Non, je me dis que je ne suis « qu’à Guingamp », je ne suis pas le 10 du Real ou du Barça. Je ne me dis pas que je dois faire plus. Je suis le même Hugo Picard avec le 10 qu’avec le 20.
Sens-tu que les regards ont changé depuis que tu portes le numéro 10 ?
Peut-être un peu, c’est vrai, mais je ne regarde pas du tout les réseaux sociaux et ce qui peut se dire sur moi. Je pense d’ailleurs que c’est mieux, que ça a plutôt tendance à tirer vers le bas qu’autre chose. Après, j’ai conscience de la chance que j’ai d’être un peu le chouchou à Guingamp. À moi de rendre cette affection sur le terrain.
Pour toi, c’est quoi, un numéro 10 ?
Un joueur de poche très technique. Personnellement, je pense tout de suite à Lionel Messi, qui est mon idole. Pour moi, il n’y a pas meilleur dans l’histoire du foot.
Aujourd’hui, te définis-tu davantage comme un ailier ou comme un 10 excentré ?
Comme un faux ailier. L’an dernier, j’avais tendance à rester sur le côté gauche et à « manger la ligne ». Là, le coach Ripoll me demande de rentrer davantage dans l’axe pour venir me mettre entre les lignes. C’est dans ce rôle que je me sens le mieux. C’est comme ça que j’ai quasiment toujours évolué pendant ma formation, à Nantes notamment.
C’est toi qui as demandé au coach Ripoll d’avoir ce rôle-là ?
Pas forcément. Ça fait partie de ce qu’il veut mettre en place pour avoir la possession et le contrôle du ballon, ce qui m’amène à me retrouver plus dans l’axe pour laisser le couloir à mon latéral. J’ai tout de suite adhéré au projet de jeu du coach. Ça colle à mes qualités. D’ailleurs, on s’entend très bien, on échange beaucoup. En ce moment, il ne nous reste qu’à être plus tueurs devant le but.
Pour un joueur de petite taille (1,68 m) pas aussi rapide que certains ailiers, c’est plus facile d’exister dans l’axe que sur le côté ?
Je n’ai jamais vu ma taille comme un défaut. Cela m’a obligé à élargir ma palette, à développer mon intelligence de jeu, mes petits appuis, mes changements de direction. Pas besoin d’être vraiment rapide ou grand pour dribbler quelqu’un ou sortir de certaines situations. Je suis aussi content d’avoir été amené à évoluer beaucoup côté gauche pour me développer.
Si tu as quitté Nantes à 16 ans, c’est parce qu’ils t’ont jugé trop petit ?
Non. J’ai souvent entendu ça, mais la vérité, c’est que je ne me voyais pas passer pro et durer à Nantes. Quand Guingamp est venu me chercher, j’ai apprécié le projet et la confiance témoignée. Je me disais aussi que j’aurais plus d’opportunité de me montrer en Ligue 2. C’est le meilleur choix que j’ai fait de ma vie.
Te vois-tu te stabiliser au poste de numéro 10 ?
J’aimerais bien, oui, même s’il y a de moins en moins de 10 dans le football actuel. Les équipes jouent de plus en plus en 4-3-3, en 4-4-2 avec plus de places pour les 8. De toute façon, dans le rôle qui est le mien aujourd’hui, je me sens quand même presque comme un 10.
Pour toi, y a-t-il encore de la place en 2024 pour les numéros 10 purs ?
Oui, beaucoup de joueurs sont encore en mesure de le faire. Et j’espère que les 10 perdureront. C’est pour ces joueurs-là qu’on regarde du foot. C’est eux qui te font dire « putain, ce qu’il vient de faire là, quel joueur ! »
Quel est le dernier joueur pour lequel tu t’es dit ça ?
Mercredi, je suis allé voir Brest-Leverkusen à Roudourou. J’ai beaucoup regardé Florian Wirtz, et franchement, c’est impressionnant. En plus, comme moi, il part beaucoup de la gauche.
Qu’est ce qui t’a le plus impressionné chez lui ?
Il a le même âge que moi, mais au niveau de la maturité, c’est bluffant. Il contrôle le match, sait quand aller de l’avant, quand calmer. Sa première touche fait souvent la différence, il est monstrueux techniquement. C’est un joueur de classe mondiale. C’est motivant de voir de tels joueurs. Tu te dis « j’ai encore énormément de travail, mais c’est là que je veux arriver ».
Et le niveau Ligue des champions, c’est un autre monde par rapport à la Ligue 2 ?
C’est différent. En Ligue 2, même si ça s’améliore d’année en année, ça reste beaucoup de combats. Tu n’as pas trop le temps, on te rentre tout de suite dedans. J’ai déjà eu la chance d’échanger avec Maxence Caqueret. Lui me disait qu’en Ligue 1, tu as plus le temps pour jouer qu’en National 2, par exemple. C’est plus posé, plus tactique. En revanche, devant, ça va à 10 000 à l’heure, et à la moindre erreur, ça fait but. La différence se situe là par rapport à la Ligue 2.
Regardes-tu beaucoup de foot ?
Oui. De la Ligue 1, de la Liga, un peu de Bundesliga. Je suis pro-Barça à fond depuis tout petit. Ce qu’ils font cette année avec une équipe de joueurs formés au club, ça fait plaisir. Je suis aussi toujours ce que fait Messi en MLS. Souvent via les résumés parce que les matchs sont tard, mais à 37 ans, ce qu’il continue de faire est incroyable. Ok, c’est la MLS, mais quand même.
Est-ce un regret de ne pas avoir pu l’affronter ?
Un regret, non. Mais ça aurait été un rêve, c’est clair.
Y a-t-il d’autres joueurs que tu aimes particulièrement ?
Bernardo Silva. Là encore, son profil se rapproche du mien. Ce n’est pas le joueur le plus rapide, mais il ne perd jamais le ballon, joue simple, fait tourner les défenseurs. Comme quoi, pas besoin d’être un monstre athlétique pour performer. En Ligue 1, Rayan Cherki fait plaisir à voir parce que techniquement, en technique pure, c’est incroyable. Très peu de joueurs sont capables de faire ce qu’il fait. Sinon, même si ce n’est pas un 10, j’adore João Neves. Les petits joueurs comme ça, techniques au milieu, ça me fait kiffer.
Pour toi, quelle est la qualité majeure à avoir pour être un bon numéro 10 ?
J’en donnerai trois. L’intelligence de jeu, la science du déplacement et la capacité à contrôler le tempo du match. C’est d’ailleurs un domaine dans lequel je dois progresser. J’ai encore trop tendance à être un peu feu follet, à vouloir attaquer tout le temps. À certains moments, je devrais mettre plus le pied sur le ballon, conserver. Mais je suis jeune, je n’ai qu’un an et demi en pro derrière moi. Avec l’expérience, tu analyses mieux les choses. Ça va venir petit à petit.
Qu’est-ce que tu aimes le plus faire sur le terrain ?
Toucher le ballon, marquer, faire marquer. J’aime quand mon équipe a la possession, qu’on arrive à trouver des combinaisons. Ce sont des choses simples, mais qui font kiffer. D’ailleurs, comme disait Cruyff, le plus dur dans le foot est de jouer simple.
Plutôt but ou passe décisive ?
Peu importe, l’avant-dernière passe me va aussi. Si je ne marque pas dans un match, ce n’est pas grave, je suis un joueur de collectif. Tant que je suis influent dans le jeu, ça me va. Je ne suis vraiment pas un mec qui ne pense qu’à ma gueule. Ça peut d’ailleurs être un défaut, parfois.
Quel rapport as-tu aux stats, justement ?
Ces dernières années, on juge trop sur les stats. Si tu ne regardes pas les matchs, tu peux te dire que le mec qui n’a pas de stats est nul. Or, tu n’as pas besoin de stats pour être un super joueur. Pour ça aussi, les réseaux sociaux sont un problème. Les gens font confiance à ce qu’ils peuvent y lire et ne prennent plus le temps de se faire leur propre avis. C’est un peu dommage, mais c’est comme ça.
Avec quel numéro 9 aimerais-tu jouer ?
Il n’y a pas un attaquant que j’idolâtre. J’aime jouer avec les gens avec qui j’ai des affinités, avec mes potes. Par exemple, j’adorerais jouer avec Matthis Abline. Je le connais depuis petit, mais n’ai jamais eu l’occasion de jouer avec lui. On a très souvent joué l’un contre l’autre, quand j’étais dans mon premier club à Torfou et lui à Landemont, puis quand j’étais à Nantes et lui à Rennes. Je suis persuadé que ça pourrait faire une belle association.
De quelle carrière rêves-tu ?
Aujourd’hui, j’ai 21 ans et suis en Ligue 2. Forcément, aller plus haut me fait envie, mais je ne suis pas pressé. J’ai le temps. J’espère déjà faire de belles choses avec Guingamp, confirmer. Si je suis bon, ça viendra étape par étape. Mais c’est sûr que jouer une Coupe d’Europe, ça fait rêver.
Propos recueillis par Adrien Cornu