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Hugo Moyáno, de la CGT à Independiente

Par Léo Ruiz, à Buenos Aires
6 minutes
Hugo Moyáno, de la CGT à Independiente

Secrétaire général de la CGT et proche du pouvoir politique en Argentine, Hugo Moyáno, 71 ans, est aussi devenu président d'Independiente l'année dernière, quand le club remontait de D2 et croulait sous les dettes. Sur le papier, El Rojo, qui joue ce soir le retour du Clásico d'Avellaneda contre Racing, va nettement mieux aujourd'hui. Les conditions du renouveau sont toutefois particulièrement troubles. À l'image du personnage.

« Quels barras ? Je ne sais pas s’il y a des barrabravas à Independiente. » La réponse – osée – est celle offerte par Hugo Moyáno, élu président du Club Atlético Independiente le 6 juillet 2014 avec près de 70% des voix, au journal La Nacion. Quelques jours avant l’interview, El Bebote (Pablo Álvarez, le très médiatique chef de la barrabrava d’El Rojo) et ses hommes avaient reçu de Moyáno les clés du Libertadores de América, le stade du club argentin aux sept Copa Libertadores, pour un asado et un petit foot entre eux. Dimanche dernier, Independiente recevait dans ce même stade le voisin, l’ennemi juré : le Racing de Diego Milito (suspendu pour l’occasion). L’été approchait dans l’hémisphère sud, Boca Juniors avait déjà été sacré champion, mais Rojo et Academia s’affrontaient à l’occasion de la manche aller de la Liguilla Pre-Libertadores, des plays-offs dont le vainqueur décroche son ticket pour la plus prestigieuse des coupes latino-américaines. Pour assister au match, les supporters s’étaient pointés au stade dès 5h du matin le jeudi précédent. Ouverture des guichets à 11h. Officiellement. La queue, interminable, ne commençait finalement à bouger qu’à 12h30. « Des centaines de billets sont d’abord distribués aux barrabravas, explique José, socio du club arrivé à 6h de Wilde, quelques kilomètres plus au sud de la banlieue de Buenos Aires. Nous, on passe après eux. C’est scandaleux, mais on s’y est presque habitués. »

Une histoire de balais

Dans les clubs argentins, les barras font ce qu’ils veulent. À Independiente, un homme a pourtant essayé de changer les choses. Élu président en 2011, Javier Cantero a fait son premier discours un balai à la main. Il assurait qu’il ferait le ménage dans le club, pour mettre fin à la corruption. Son prédécesseur, Julio Comparada, soutenu et accompagné par Hugo Moyáno et El Bebote, avait fait disparaître des caisses du club une bonne partie de l’argent des ventes d’Agüero (20 millions d’euros à l’Atlético), de Germán Denis (9 millions à Naples) et d’Ustari (8 millions à Getafe). Comment ? Entre autres en rénovant le stade, pour lequel des fausses factures exorbitantes se sont enchaînées. Les travaux ont commencé en 2007. L’inauguration a eu lieu en 2009, dans un stade à moitié construit. Aujourd’hui, il n’est toujours pas terminé. En arrivant à la tête du club, Cantero a pris des mesures drastiques : plus un peso pour la barrabrava, des interdictions de stade pour El Bebote et les siens. Malheureusement pour lui, sa gestion sportive a été moins efficace. En 2013, Independiente est descendu pour la première fois de son histoire en deuxième division. Un affront pour les supporters. Endetté jusqu’au cou, le club n’arrivait plus à payer ses employés et à nourrir les gamins du centre. Hugo Moyáno, 71 ans, secrétaire général de la CGT, dans le syndicalisme depuis ses 18 ans, supporter et proche du club depuis des années, sent l’aubaine. Agressé chez lui par la barrabrava et lors d’une assemblée générale par les hommes de Moyáno qui lui lancent des chaises, Javier Cantero finit par démissionner. De nouvelles élections sont organisées en pleine Coupe du monde brésilienne. Moyáno l’emporte et El Bebote dépose un balai au siège du club, avec une pancarte : « Cantero, n’oublie pas ton balai. »

Un club relooké

Avec River-Boca et Central-Newell’s, le Clásico d’Avellaneda est l’un des plus importants d’Argentine. Le match aller est programmé à 18h15, mais dès 16h, le stade se remplit. La rue Alsina, qui longe le Libertadores de América, est envahie par les banderoles « Bebote Presidente » . Le chef de la barrabrava, qui traîne autour du stade avec ses yeux rougis par la drogue et qui réclame « un gros chèque » pour accepter de parler à la presse, a désormais d’autres ambitions : la présidence du club (les prochaines élections auront lieu en 2017). Au croisement des rues Alsina et Bochini, ses hommes entrent sans passer par les contrôles, la plupart porte des tee-shirts « Camioneros, Moyáno Conduccion » (Hugo Moyáno vient du syndicalisme du transport). Un policier leur ouvre une porte latérale. Les bétonneuses et les ouvriers sont au repos, mais les travaux ont bien avancé : la partie haute de la « Bochini » est terminée et la quatrième garganta del diablo, drôle de tribune qui sépare popular (kop) et platea (tribune latérale), est montée. À Wilde, Villa Dominico, le centre d’entraînement, a aussi été repeint et équipé, tout comme le siège du club sur l’avenue Mitre, au centre d’Avellaneda. « Tous les salariés du club sont payés en début de mois, se jacte Hugo Moyáno. On m’a dit que cela n’arrivait plus depuis 15 ans. » Et ce n’est pas tout : l’équipe, remontée il y a un an, est redevenue compétitive, avec des renforts de qualité, comme le Cebolla Rodríguez, qui n’empêchera toutefois pas Racing de s’imposer 2-0 lors de cette première manche.

Alliances politiques stratégiques

La question qui se pose est : d’où vient l’argent ? À la fin de l’ère Cantero, Hugo Moyáno, déjà, payait via son groupe Agrupacion Independiente des salaires en retard au club. De quoi montrer les muscles et s’assurer la victoire aux élections. « Regardez aussi comment ils ont gagné ces élections, avec des faux carnets de socios, assure Florencia Arietto, chef de la sécurité du club sous Cantero et en campagne contre les barrabravas. Dans la barra se trouve le chauffeur personnel et le garde du corps de Moyáno. Avec Grondona (président de la fédé jusqu’à sa mort le 30 juillet 2014), ils ont foutu le bordel à Independiente pour après pouvoir jouer aux sauveurs et s’assurer tous les droits. » Interrogé sur la provenance de l’argent, Moyáno assure avoir renégocié les contrats avec tous les sponsors. Fin politicien, l’homme sait s’entendre avec tout le monde : longtemps dans le clan des Kirchner (centre-gauche), il est passé dans l’opposition et s’est affiché dans la campagne avec Mauricio Macri (droite), tout juste élu président d’Argentine. Le leader de la CGT a déplacé l’argent du syndicat vers Banco Ciudad, banque qui dépend de Macri et… sponsor maillot d’Independiente depuis l’arrivée de Moyáno à la tête du Rojo. Il a aussi intégré Cristian Ritondo, du camp Macri, dans la direction du club, où l’on trouve également Pablo Moyáno, son fils. Facundo, un autre de ses fils, est lui député national du Frente Renovador, le parti de Sergio Massa, « le troisième homme » de la dernière campagne présidentielle, aussi un ancien du camp Kirchner et en position politique idéale pour l’avenir. En Argentine, partout où il y a du pouvoir, les Moyáno ont leurs pions. Sur le terrain, Independiente pourrait rapidement en profiter. À condition de ne pas trop enquêter sur les coulisses.

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