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Hugo Lloris, une histoire de France

Par Maxime Brigand
Hugo Lloris, une histoire de France

Devenu le joueur le plus capé de l’histoire de l’équipe de France lors du Mondial au Qatar, Hugo Lloris, capitaine du navire depuis plusieurs années, a décidé de se retirer, à 36 ans, des bois bleus et de stopper son compteur à 145 sélections.

Il était l’un des rares qui avaient accepté de marquer une pause, le 18 décembre dernier, dans l’un des nombreux couloirs du Lusail, à Doha, plus d’une heure après la deuxième finale de Coupe du monde de sa vie. Aux aguets, les journalistes présents avaient tendu l’oreille et laissé ce morceau d’histoire – 145 sélections, quatorze années de vie chez les Bleus – dérouler la difficulté de trouver des mots pour « soulager la douleur ». Propulsé dans les cordes par une Argentine venue souffler sur l’invraisemblable rêve de deuxième titre suprême d’une équipe de France qui aura mis 80 minutes à véritablement jouer la quatrième finale de Mondial de son histoire, Hugo Lloris avait également lâché : « C’est douloureux, mais avec tout ce qu’il s’est passé lors de notre première semaine ici, on a réussi à montrer un très beau visage. Ça ne se joue pas à grand-chose. Cette compétition aura également été un passage de témoins entre deux générations, avec un Kylian (Mbappé) au rendez-vous dans le leadership, que ce soit sur le tournoi et surtout lors de la finale. Maintenant, je ne veux pas répondre ce soir au sujet de mon avenir avec les Bleus. J’ai besoin de prendre du recul. » Moins d’un mois plus tard, et deux jours après l’annonce du maintien au poste pour quatre années supplémentaires de Didier Deschamps, que l’on imaginait bien repartir avec celui qui est son capitaine depuis toujours (121 capitanats au total), Lloris a finalement tranché. Devenu au Qatar le joueur le plus capé de l’histoire du pays, le portier de Tottenham a décidé de stopper son compteur et de rendre son brassard, avouant dans un grand entretien donné à L’Équipe être « arrivé au bout », mais aussi agir par « sens de la responsabilité », ce qui est un joli clin d’œil à l’heure où d’autres n’en ont rien à secouer. Ainsi se tourne une page d’histoire, ainsi une nouvelle, avec Mike Maignan dans les bois, s’apprête à être écrite.

Garant de l’équilibre

Une scène du dernier Mondial d’Hugo Lloris revient ici en mémoire. Le quart de finale face à l’Angleterre, au bout duquel le portier de Tottenham a rendu une copie monstrueuse, vient de se terminer, et il faut le voir tomber dans les bras de ses deux partenaires gantés, Steve Mandanda, à qui il a fermé à double tour les portes d’une tout autre carrière internationale, et Alphonse Areola. Interrogé quelques jours plus tôt sur le record de sélections qui arrivait, il disait : « Oui, ce n’est pas rien, et je suis très honoré de ces chiffres, très fier, mais je pense que c’est quelque chose que j’apprécierai davantage une fois la compétition terminée. » L’heure est donc venue de se retourner sur la carrière internationale d’un homme qui, à 36 ans, laissera l’image d’un gardien de tournoi immense. Un gardien que l’un des spécialistes du poste, Thierry Barnerat, instructeur auprès de la FIFA, classait cet hiver « sans débat parmi les cinq meilleurs du monde dans la défense de son but et de l’espace », et qui aura réussi à résister à tous les vents malgré ses défauts (un jeu au pied friable, une incapacité à relancer avec son pied droit, une faiblesse longuement documentée dans l’exercice du penalty). Après le sacre de l’été 2018, Lloris n’avait pas caché sa difficulté à repartir psychologiquement au combat et à redescendre du nuage, mais il avait su le faire, revenant au niveau qui était le sien et retrouvant rapidement son autre fonction : celle de capitaine.

C’est ici que les regrets viennent, car durant douze ans, le Niçois a été désigné comme visage des Bleus post-Knysna et a ainsi souvent refusé de se mêler à certains combats, préférant souvent couvrir les suiveurs de sciure lors des conférences de presse de veille de match et n’acceptant de se lâcher pleinement qu’après les rencontres, dans les différentes zones mixtes. Lloris aura tenu tout au long de la période la ligne de son sélectionneur, Didier Deschamps, et de son président, Noël Le Graët, et ce jusqu’au Qatar, où il a de nouveau refusé d’emmener le foot loin du gazon pour ne pas « déséquilibrer » le groupe, et notamment d’enfiler le brassard arc-en-ciel adopté par sept autres fédérations européennes présentes au Mondial avant que la FIFA ne l’interdise. Sa justification ? « Quand on accueille les gens en France, on attend d’eux qu’ils adoptent nos règles. J’en ferai de même au Qatar. » Plus tôt, à Clairefontaine, il avait noirci le regard face aux nombreuses questions demandant aux internationaux français de davantage s’engager – ils l’ont fait via le fonds de dotation Génération 2018 – sur les questions extrasportives liées à la Coupe du monde au Qatar. On avait également appris à cette période qu’une interview donnée par le capitaine sur l’homophobie dans le foot avait été bloquée par la FFF, Lloris étant « à côté de la plaque » sur le sujet selon Yoann Lemaire, le président de l’association de lutte contre l’homophobie Foot ensemble auteur de l’entretien.

 Avoir été le gardien de l’équipe de France pendant quatorze saisons et demie, c’est fort, mais c’est épuisant, aussi, sur le plan mental.

« Je n’ai pas envie de m’approprier la chose »

Revenons au terrain, là où Hugo Lloris a toujours voulu qu’on le juge et nulle part ailleurs et où il laisse derrière lui un monument construit à la force de ses bras. Pourquoi le quitter maintenant ? Réponse livrée, toujours dans L’Équipe, ce lundi soir : « Il faut savoir passer la main. Je n’ai pas envie de m’approprier la chose. J’ai toujours dit et répété que l’équipe de France n’appartenait à personne, et on doit tous faire en sorte que cela soit le cas, moi le premier. Je pense que derrière, l’équipe est prête à continuer, il y a un gardien qui est prêt et moi, de mon côté, j’ai besoin d’avoir un peu de temps pour moi, pour ma famille, pour mes enfants. Avoir été le gardien de l’équipe de France pendant quatorze saisons et demie, c’est fort, mais c’est épuisant, aussi, sur le plan mental. » Partant, Lloris quitte les Bleus pour ouvrir une porte à Maignan et pousser un peu plus loin une carrière déjà riche, intense, toujours traversée dans la peau de numéro un, ce qui est un luxe rare, mais aura également naturellement fait de lui une cible à critiques. Il aura toujours su s’en sortir par une parade, un arrêt monumental à l’instant T, et aura pris le temps d’échanger avec son père, sa femme, Fabien Barthez et Joël Bats avant de trancher. Une histoire géante s’arrête : celle d’un monstre de son poste, de son sport, de son pays, qui aura souvent volé dans les grands cols et été à la hauteur sur les cimes. « Quatorze ans, cela passe trop vite. C’est injuste », conclut-il dans son entretien à L’Équipe. On retiendra tout de même qu’Hugo Lloris, qui aura toujours cultivé « une très haute idée de l’équipe de France, a toujours été tourné vers le collectif et a toujours mis le collectif en avant, parfois même à son détriment » selon Didier Deschamps, aura soigné jusqu’à sa dernière sortie. Rare, là aussi.

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