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Hugo Lloris est-il un capitaine trop lisse ?
Face à la Suisse, ce dimanche soir, Hugo Lloris deviendra le joueur ayant porté le plus grand nombre de fois le brassard en équipe de France, à égalité avec Didier Deschamps. Pas mal pour un type que beaucoup voyaient trop fragile pour assumer un statut de capitaine.
Trop timide, pas charismatique, pas assez grande gueule… Hugo Lloris capitaine des Bleus, ça a toujours fait jaser. Et on peut le comprendre : le gardien des Spurs n’a pas vraiment le profil du capitaine idéal tel qu’on se le représente habituellement. Du moins pour nous, les gens de l’extérieur. Car si Hugo Lloris est un homme sans fracas, il n’est pas seulement le garçon placide des plateaux télé et des conférences de presse d’avant-match. « On m’a souvent collé une image quand j’avais 20 ans. Celle d’un garçon timide, effacé… Mais ce n’est pas moi » , affirmait-il au Parisien à la veille de l’Euro. Il a raison. Dans l’intimité d’un vestiaire, l’ancien gardien de l’OL sait hausser le ton quand il le faut. Comme ce soir d’avril 2011 où son équipe se fait remonter deux buts en toute fin de match face à Nice, provoquant une colère passée à la postérité.
La force du capitaine Lloris est d’être avare de paroles : c’est pour cela qu’il est écouté, et entendu, lorsqu’il décide de la prendre. « Il ne parlait pas beaucoup, mais tout le monde l’écoutait quand il était chez nous. C’était un peu le sage, mais parfois il savait gueuler. C’est pour ça que je ne suis pas surpris qu’il soit capitaine » , appuie le directeur du centre de formation de l’OGC Nice, Alain Wathelet, interviewé par Goal. En imposant cette double personnalité, et au fur et à mesure des grands rendez-vous (capitaine des Bleus à l’Euro 2012, puis à la Coupe du monde brésilienne), le Pierre Palmade des gardiens de but est parvenu à faire taire tous ceux qui réclamaient pour les Bleus des capitaines au leadership plus flagrant. Évra, Mexès, Alou Diarra, Sakho ou même Benzema.
Depuis ses cages, Lloris les a vus entrer, puis sortir de l’équipe de France à tour de rôle. Lui y est resté, brassard enroulé autour du biceps gauche. Calmement.
Un capitaine normal
Hugo Lloris capitaine des Bleus, c’est l’histoire d’un mariage de raison survenu grâce à un timing parfait. Au lendemain de Knysna, Laurent Blanc reprend le groupe France dans un climat ultra tendu, et veut tirer un trait sur la tonne de sales histoires qui ont éloigné l’équipe de France de son public. Reconstruire une sélection capable de gagner des matchs, oui, mais capable aussi de se remettre les Français dans la poche. Quoi de mieux, pour réussir cela, qu’ériger en capitaine celui qui leur ressemble le plus ? Car oui, Hugo Lloris est un homme normal. Il a la gueule d’un mec normal. Il s’habille comme un mec normal. Quand les jeunes licenciés dans des clubs de foot vont chez le coiffeur, ils ne demandent pas la coupe d’Hugo Lloris. Dans un milieu où l’excentricité est devenue reine, lui se distingue par sa normalité.
Fils d’un banquier et d’une avocate niçois, Lloris sait inspirer confiance. Il sait protéger son vestiaire par une communication sans aspérité, mais sait aussi lui mettre un coup de tatane quand il va de travers.
De son éducation pudique, il a gardé cette modestie qui le rend incapable de se voir aussi grand qu’il n’est vraiment. Il en a donné une nouvelle fois la preuve, lors de la conférence de presse de samedi après-midi, à l’heure de commenter ce record qui lui tend les bras : « Ça ne reste que des statistiques. C’est plaisant, mais loin de moi l’idée de me comparer à mon sélectionneur, qui reste une référence. » Pourtant, du haut de ses 54 capitanats en équipe nationale, Hugo Lloris aussi en est une. Mais n’attendez surtout pas de lui qu’il change cette façon de penser, car c’est ce qui en fait le meilleur capitaine pour ces Bleus-là.
Par Albert Marie