- France
- Ligue 1
- PSG/Reims
Hubert Fournier, la tête pensante
Belle promesse d'un début de saison où on attendait Bastia dans le rôle du promu-surprise, le Stade de Reims se déplace au Parc des Princes samedi. Avec des certitudes dans le jeu, dans son effectif et dans son ADN, en partie grâce à la tête pensante du staff technique, qui grandit à mesure que son club progresse, Hubert Fournier.
Hubert Fournier. Un blase qui fleure bon le maillot Pathé de la fin des nineties ou le Roudourou plein à craquer. C’est aussi le blase du plus jeune entraîneur de L1. Mais sûrement pas le plus manchot. Sorti major de sa promo au DEPF, l’homme de 45 ans est aujourd’hui le coach de l’équipe surprise de ce début de saison. Encore jeunot, ses huit matchs sur un banc de L1 en attestent, l’ancien défenseur de Mönchengladbach ne n’a pas vraiment le même CV qu’un Ancelotti, son vis-à-vis de samedi. Mais Fournier inspire déjà le respect par ses résultats et sa méthode. Ce ne sont pas ses hommes, morts de faim et adeptes de son discours sportif comme de l’homme, qui vont le remettre en question. « Nos destins se sont rapidement liés. Et d’après moi, qui l’ait connu il y a quelques année, il a une faculté d’apprentissage du métier très rapide » explique un Johann Ramaré qui parle en connaissance de cause. Il a connu son coach actuel à Boulogne-sur-Mer, lorsque celui-ci débutait en second, sous la houlette de Philippe Montanier, son mentor pendant quatre ans.
C’est en 2004, une fois sa dernière saison comme numéro 5 bouclée à Rouen, que l’Auvergnat rejoint le Nord et apprend le goût de la victoire, du beau jeu ou des montées successives sur un banc de touche au contact d’une génération gagnante qui passera de la CFA à la L1. Un Graal atteint sans lui toutefois, l’intéressé préférant partir tenter sa chance en solo à Gueugnon en 2008/2009 pour se faire la main en National. A l’époque, le navire pas encore tenu par les Vairelles tangue déjà sérieusement, drivé par un président qui opère… depuis le Brésil. L’expérience tourne mal, Fournier comprend très vite qu’il n’est pas question de remontée immédiate en L2 vu la chienlit et fait ses bagages six mois plus tard, lourdé comme quatre autres confrères en cinq ans, malgré des qualités évidentes et un sens du relationnel qui plaisent déjà.
Un commandant proche de ses troupes
Sans doute vexé et en proie au doute, c’est dans le rôle de l’homme de l’ombre que cousin Hubert rebondit à Reims en 2009, pour seconder Marc Collat dans l’opération remontée d’un club que Luis Fernandez n’a pu sauver. Il réapprend ses gammes, reste toujours ce chambreur invétéré. Car Fournier est du genre austère qui se marre. Mais ses joueurs le décrivent d’abord comme perfectionniste et toujours à la recherche de la meilleure formule. « Déjà, à Boulogne, il nous taquinait souvent ou avait cette attirance pour le beau jeu. Sauf que maintenant, à Reims, il a pris du recul et demande plus d’agressivité et de rigueur que lorsqu’il assistait Montanier » , souligne Johann Ramaré. Ceci suffit à convaincre le président Caillot et les dirigeants à refuser Régis Brouard et à l’installer de nouveau dans la lumière, une fois Collat parti après sa mission de remontée en L2 menée à bien. Le revoilà dans ce rôle de manager, qui prend du recul la semaine pour penser, repenser et peaufiner son équipe avant d’entrer dans la lumière du week-end et de bouillonner dans sa zone réservée le long de la touche.
Mais voilà que de nouveau dans le rôle du fusible, Fournier est en mauvaise posture. L’équipe joue mal, récolte difficilement dix-neuf points à la trêve en L2 et semble aimantée de nouveau vers la division inférieure. Fournier prend les choses à bras le corps et convoque un stage pour se ressourcer à Marcoussis en janvier 2011. C’est à ce moment-là que sa proximité avec ses joueurs, aujourd’hui très marquée, se dessine encore un peu plus. Discussions collectives, individuelles, longs moments d’écoute, rectifications, l’homme aux 254 matchs de première division veut mettre des mots sur les maux pour retrouver une dynamique et reste droit dans ses bottes. « Il n’hésite pas à nous dire ce qui peut clocher. Il n’explique pas toujours ses choix, mais va le faire sans problème et en toute honnêteté si on en a besoin. Ce sont de bons rapports humains » raconte Nicolas Fauvergue, arrivé cet été de Sedan. Sa recette marche. Dans la foulée, Reims réalise l’un des meilleurs parcours sur la phase retour, se paye un quart de finale de coupe avant de monter la saison d’après dans l’élite.
Fournier-Guégan ou Garcia-Bompard, même combat
N’allez pourtant pas croire que l’homme est bourré de certitudes ou se prend pour Mourinho. Gérard Kancel suit le Stade de Reims pour l’Union, le journal local : « Hubert Fournier grandit en même temps que le Stade de Reims. C’est quelqu’un qui apprend de ses erreurs pour avancer. Par exemple, l’an passé, on mène 2-0 à Laval à l’heure de jeu. Hubert fait coup sur coup trois changements pour tenir le match (ndlr : Fauré, Tainmont et Ghilas). Résultat, on perd 3-2 au bout du temps additionnel et il comprend que c’est à cause de ses décisions. » L’homme sait aussi s’entourer et s’accompagne d’un Rémois pur souche pour réussir, Olivier Guégan. Un sanguin qui anime les séances et cultiverait presque encore la fibre de joueur quand Fournier reste dans un coin du terrain pour tout décortiquer avec ses yeux. Un tandem moderne et travailleur, qui fait penser à celui côtoyé à Lille par Nicolas Fauvergue : « C’est vrai qu’il y a une ressemblance avec le duo Garcia-Bompard. Rudi était dans la réflexion et nous regardait beaucoup quand Frédéric animait les entraînements. » Des techniciens modernes, qui « lisent beaucoup, visionnent pas mal de vidéos, s’informent et sont dans la réflexion en permanence. Il est d’ailleurs fréquent qu’Hubert change son équipe du vendredi au samedi parce qu’il se pose un tas de questions » appuie Gérard Kancel.
Un entraîneur du XXIe siècle, qui écoute beaucoup, ne joue pas les frileux du point de vue du jeu et sait s’entourer, voilà ce qui explique pourquoi Reims a pris quatorze points sur vingt-quatre au quart du championnat. Pourquoi ? Après la montée, Fournier, Guégan et Létang (ndlr : DG rémois parti depuis au PSG) analysent le marché et préparent l’avenir. Toujours dans l’anticipation. Pour se renforcer, Fournier et son staff listent huit joueurs loin d’être maladroits et bons marché, avec des choix n°2 ou n°3 en cas d’échec des négociations. Mais le boulot est fait et bien fait et les huit têtes de série que sont Fauvergue, Souaré, Krychowiak, Diego, Devaux, Fofana, Signorino et Toudic débarquent en Champagne quand les 60 millions d’entraîneur de l’Hexagone les condamnent déjà à la L2. « C’est super intelligent ce recrutement, il n’y a que des mecs sains. Si le vestiaire est ce qu’il est aujourd’hui, c’est car le boulot a été super bien fait par le staff à l’intersaison » appuie Nicolas Fauvergue. Et Johann Ramaré de renchérir : « Il n’y a pas de mercenaires ici. Pourtant, Reims en L1, ça a dû en attirer quelques-uns. Mais ils n’ont pas explosé la grille des salaires. Comme ça, on sait tous que le collectif prime. » Pas folle la Fourn’.
Par Arnaud Clément