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Hot dogs for tea
C’est sans doute l’un des drapeaux les plus loufoques jamais déployés lors d’un Euro. Lors du match face à l’Angleterre, le 16 juin dernier à Lens, un groupe de supporters attachait fièrement à Bollaert le pavillon gallois accompagné de la mention : « Swansea City. Hot dogs for tea. » S’agit-il d’une simple plaisanterie ? Pas vraiment.
Quiconque a déjà posé les pieds au Royaume-Uni le sait : le thé est une institution sacrée. À Londres ou à Cardiff, la fin d’après-midi est réservée à la dégustation de cette boisson chaude. On l’accompagne souvent de biscuits secs, parfois de chocolats, mais quasiment jamais de plats chauds. Alors si vous demandez à un Londonien d’avaler son eau bouillante avec un hot-dog, il y a de fortes chances qu’il vous invite vivement mais poliment à aller voir ailleurs. Pourtant, il y a une ville dans le royaume où cette requête pourrait vous valoir un franc sourire, une bonne tape dans le dos et probablement une invitation à partager une pinte. À Swansea City, au pays de Galles, les hot-dogs se consomment effectivement à l’heure du thé. C’est ce qu’implique du moins le film Twin Town, sorti en 1997 et mettant à l’affiche les frères Llŷr Ifans et Rhys Ifans. S’il est relativement méconnu du public français, ce long métrage est devenu quasi instantanément un film cultissime au pays de Galles. À tel point qu’on retrouve des références cachées à l’œuvre de Kevin Allen jusque dans les travées de Bollaert.
They’re their favorites, hot dogs !
Le 16 juin dernier, commentateurs et spectateurs se sont amusés ensemble de l’apparition d’un tel drapeau à Lens. Pour les habitants de Swansea, il n’avait pourtant rien de surprenant. Twin Town, réalisé par Kevin Allen, a été tourné dans la ville du sud du pays de Galles. Il met en scène deux frères, Jeremy et Julian Lewis, qui vivent de petits crimes commis à droite à gauche. Leur père, un ouvrier lambda, est un jour victime d’un accident du travail. Les jumeaux demandent alors à son patron, Bryn Cartwright, une compensation financière. Après le refus de ce dernier, les jumeaux se vengent de fort belle manière : ils vont uriner sur sa fille en pleine session karaoké. S’ensuit plus d’une heure de vengeances des uns, puis des autres jusqu’au dénouement final. Le film, qui a tout de même été en lice lors du 47e festival de Berlin, n’est pas reconnu dans le monde de la cinéphilie comme un chef-d’œuvre. C’est même plutôt le contraire. Seulement, il est devenu, à Swansea, un film culte, comme pourrait l’être Bienvenue chez les Ch’tis dans le Nord de la France.
Ce que les habitants de Swansea retiennent de Twin Town, ce n’est pas tellement son scénario, ni même le jeu de ses acteurs. C’est plutôt l’image que le long métrage renvoie de la ville. Une image qui n’est pas tellement positive – un personnage du film la décrit comme « une jolie ville de merde » en référence à Dylan Thomas qui l’appelait « la jolie ville moche » -, mais qui est malgré tout bienveillante. Au final, Twin Town ne peut être pleinement apprécié que par les principaux concernés : les habitants de cette ville industrielle pas vraiment attirante et même, sur certains plans, franchement répugnante. Mais c’est ce qui fait son charme, vous répondront ses habitants. Pour beaucoup, il s’agit même du Trainspotting gallois : deux films crus, violents et surtout produits par le même homme, Danny Boyle. Si Twin Town dresse le portrait grossier d’une ville industrielle sur laquelle la pluie ne cesse de tomber, il reste adoré des Swans à qui il colle à la peau.
Wet them up with fucking ketchup
Et les hot dogs dans tout ça ? Tout au long du film apparaît une camionnette à hot dogs dans laquelle les jumeaux évoluent. La scène la plus célèbre demeure celle où cette dernière surplombe la ville : les deux protagonistes échangent sur la manière de préparer un bon hot dog – avec du beurre ou du ketchup – avant que n’intervienne un troisième personnage leur expliquant qu’il ferait mieux d’aller vendre leur nourriture sur la place de l’église, à l’heure du thé. D’où le fameux Hot Dogs for tea. Assez mal accueilli à sa sortie, le film est aujourd’hui tellement culte à Swansea qu’il n’est pas rare d’entendre monter, dans les travées du Liberty Stadium « Eat hot dogs for tea, eat hot dogs for tea… We’re Swansea City, eat hot dogs for tea ! »
Pour les plus curieux, le film regorge de scènes complètement folles. Dans l’une d’elles, on apprend notamment pourquoi certains clubs ont le droit de jouer avec des drapeaux triangulaires sur les poteaux de corner, tandis que d’autres doivent conserver des drapeaux carrés…
Par Gabriel Cnudde