- Ce jour-là – 24 mai 1964
Horreur à Lima
Le Dimanche 24 mai 1964 se produit « la plus grande et douloureuse hécatombe vécue par Lima en tant de paix », comme le considère le lendemain de la tragédie, le quotidien El Comercio. 318 morts au stade Nacional. L'un des plus grands drames de l'histoire du football.
« Si j’avais su que 300 personnes allaient mourir, j’aurais validé le but et abandonné l’arbitrage dans la foulée » . Dans l’histoire du football, aucun coup de sifflet n’a provoqué de conséquences aussi tragiques, que celui de l’Uruguayen, Angel Eduardo Pazos. On jouait la 88e minute d’un Pérou-Argentine, qualificatif pour les Jeux Olympiques. L’Inca, Victor Lobaton s’avance alors crampons en avant pour cueillir un ballon de volée et trompe à bout portant le gardien albiceleste. Le but de l’égalisation. Le stade Nacional de Lima, saturé par 47000 personnes, explose. De joie d’abord. Puis de rage, quand l’arbitre annule le but pour un supposé et très contestable jeu dangereux.
Cette décision n’éliminait pas le Pérou de la course aux JO de Tokyo, mais compliquait singulièrement sa tâche. Deux minutes restaient toutefois encore à jouer. Elles ne seront jamais disputées. A la suite de l’annulation du but, quelques spectateurs commencent à envahir le terrain. Voleur, proxénète, bref, gangster, Víctor Melecio Vásquez Campos, connu dans le monde du crime comme « la bombe noire » , s’extirpe notamment des tribunes pour en découdre avec l’arbitre. Des travées surpeuplées commencent à voler nombre d’objets : bouteilles, pierres, sièges. La réaction de la police sera violente. Disproportionnée. Et ses conséquences tragiques.
Face à l’ambiance surchauffée et à la menace d’un envahissement plus massif du terrain, les forces de l’ordre recourent aux gaz lacrymogènes. Panique au stade Nacional. Les spectateurs se précipitent vers la sortie. Des portes métalliques se dressent devant eux, fermées pour empêcher l’entrée sauvage des nombreux fans qui n’ont pu acquérir de billets. Selon certains témoignages, des balles auraient aussi été tirées par la police, dans la cohue. En quelques minutes, 328 personnes périssent, asphyxiées ou piétinées. Aux alentours du stade, l’ambiance est insurrectionnelle. Boutiques et véhicules brûlés. Policiers pris à partie. Pillages.
Une semaine nationale
Ce match entre Pérou et Argentine se déroulait dans le cadre d’un tournoi pré-olympique, organisé par le pays de Mario Vargas Llosa. Sept pays participent à ce mini-championnat. Les deux premiers devaient valider leur billet pour les JO de Tokyo. A la suite de la tragédie de Lima, le tournoi sera immédiatement suspendu. Il restait cinq matches à disputer. Il est alors décidé que l’Argentine, leader, sera qualifiée. Pour la deuxième place, un match sera disputé entre le Pérou et le Brésil. Il aura lieu le 7 juin à Rio de Janeiro, dans l’indifférence générale. Victoire du Brésil (4-0).
Le lendemain de la tragédie, le Pérou pleure ses morts et la révolte gronde. Le comportement de la police indigne. Des universitaires s’affrontent aux forces de l’ordre. Un an seulement après le retour à la démocratie, la situation politique du pays est encore instable. Le président Fernando Belaude déclare l’état d’urgence, et suspend les garanties constitutionnelles pour trente jours. Une semaine de deuil national est également décrétée.
Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin