Homophobie : l’islam n’est pas seul

Revenons rapidement sur les faits. Dimanche dernier, le Créteil Bebel était censé recevoir le Paris Foot Gay en soixante-quatrième de finale de la coupe Bernard Seuriau (une compétition organisée par la Commission football loisir). Sauf que la veille du match, les gars du 94 ont pris conscience que le nom de leurs futurs adversaires ne signifiait pas qu’ils étaient joyeux en toutes circonstances. D’où un mail d’annulation plein de politesse : « Désolé mais par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants, nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois excusez-nous de vous avoir prévenus si tard » .

Les responsables du PFG apprécient la formule mais décident, après discussion, de balancer un communiqué de presse dont voici un extrait : « Cette discrimination regrettable n’avait jusqu’à ce jour pas eu de précédent dans notre championnat. Rappelons que le Paris Foot Gay n’est pas un club communautariste. Il est ouvert à tous, hétéros comme homos, heureux de lutter ensemble contre les préjugés et les discriminations » .

Voilà pour le petit résumé, à peine utile tant l’information s’est répandue à vitesse Hortefeux sur le Net français et même étranger, avant le déferlement radiophonique et audiovisuel. Dès ce matin, France Bleu Ile-de-France consacrait un sujet à cette nouvelle affaire d’homophobie dans le foot, qui permettait à un responsable de Créteil Bebel de s’étonner de la polémique : « Moi, en tant que musulman, j’ai quand même le droit de ne pas vouloir jouer contre des homosexuels parce que je n’adhère pas à leurs idées, j’suis pas d’accord. […] Maintenant, si y a quelqu’un qui s’est senti vexé, ou blessé, je tiens à m’excuser » . Apparemment, on est prêt à accepter les excuses du côté du PFG, à une petite condition : « On veut juste jouer ce match, lâche Pascal, le président du club. Un journaliste m’a dit que certains joueurs de Créteil Bébel commençaient à changer leur position. S’ils nous disent oui, c’est génial » . Et ce serait sans doute dû à la forte couverture médiatique, qui a déjà poussé la mairie de Paris et la FFF à apporter leur soutien au Paris Foot Gay.

Pour le président de ces derniers, il y aurait presque de quoi s’apitoyer sur le sort de ses adversaires : « Nous on est habitués aux médias, pas eux, et ça leur tombe dessus comme ça. C’est désolant. En plus, ils sont discriminés à longueur d’années, ils font la même chose envers nous. Y a deux poids deux mesures, là on s’en prend à un petit club de banlieue parce qu’ils sont islamistes » .

Un match Foot Vs Islam

Comme souvent, le buzz risque en effet de se tromper de cible, comme le souligne Régis, trésorier du Paris Foot Gay : « Je n’étais pas vraiment pour ce communiqué. J’étais persuadé que le buzz allait se faire autour de l’intolérance musulmane » . En effet, si on relève quelques titres d’articles traitant du sujet, cela donne, entre autres, « Musulmans, ils refusent de jouer contre une équipe gay » (lefigaro.fr), « Des musulmans refusent de jouer contre des homos » (Nouvelobs.com), ou le plus brut « Musulmans contre gays » (qui a fait la Une de la page foot d’Elmundodeportivo.es). Le summum est atteint sur le blog de “laïcs catholiques” Le Salon Beige, qui retourne (sans mauvais jeu de mots) carrément la question : « Le PFG accuse l’autre équipe d’homophobie. Mais son irrespect des convictions musulmanes ne le rend-il pas coupable d’islamophobie ? » De l’art d’inverser les rôles…

Il ne s’agit pas de transformer le débat sur l’homophobie dans l’islam en tabou, mais faire de cette polémique un affrontement communautaire, une baston “gays Vs musulmans”, serait sans doute un vilain tacle par derrière aux uns et aux autres. Pascal, le président, confirme : « Les journalistes font ce qu’ils veulent. Nous l’islam, on s’en fout, c’est un autre débat. De toute façon, il n’y a rien dans l’islam qui dit qu’on n’a pas le droit de jouer un match de football contre des homosexuels » . CQFD. Rappelons enfin une évidence : dans le monde du foot comme ailleurs, on n’a pas besoin d’être musulman pour être homophobe. « Cette info existe, mais il y en a plein d’autres, rappelle Régis. Les déclarations de Nicollin, des insultes, des entraineurs à l’étranger qui ne veulent pas de gays dans leur équipe, etc. » .

Scoop : la connerie est universelle.