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Hommage à un homme de l’ombre, Souleymane Camara
Au terme d’une carrière professionnelle longue de vingt ans, Souleymane Camara (37 ans) vient de dire stop au football de haut niveau. Une belle page se tourne pour le Montpellier HSC, où l’international sénégalais aura passé treize saisons, devenant le joueur le plus capé de l'histoire du club, mais aussi pour toutes les personnes entrées en contact avec ce véritable diffuseur d’ondes positives. Récit d'une rencontre avec un brillant homme de l'ombre.
C’était le mardi 18 novembre 2014, et je m’en souviens comme si c’était hier. Après une semaine passée à planifier une rencontre sur place, j’arrivais en gare de Montpellier Saint-Roch peu avant midi avec mon traditionnel sac à dos, uniquement rempli de quelques affaires de rechange, mon dictaphone et une chemise à élastiques dans laquelle étaient soigneusement rangées mes questions. Dans cet automne méditerranéen, il fait beau et presque chaud. Invité à me rendre au centre d’entraînement du Montpellier HSC situé au domaine du Grammont, je presse le pas à l’idée de rencontrer l’emblématique Vitorino Hilton. Le projet ? Lui demander de détailler un geste technique pour les lecteurs de So Foot Club. Sur place, certains bâtiments sont en travaux, et l’effectif héraultais bosse déjà méthodiquement de manière collective. Entraîneur de l’équipe à l’époque, Rolland Courbis effectue un dernier discours avant d’envoyer tout le monde à la douche. Tout le monde, excepté Hilton qui quitte la pelouse, puis s’avance vers moi. Très honoré, je lui serre la main pour la première fois avant de lui expliquer qu’il aurait besoin d’un partenaire pour l’aider dans sa tâche. Hilton s’exécute : « Okay, attends-moi deux minutes, je sais qui ramener du vestiaire. » Et voilà comment j’ai rencontré Souleymane Camara.
« Tu devrais le faire avec Souley, sa tête est en acier ! »
Après une poignée de main rapide, nous nous plaçons sur le terrain. En réalité, l’exercice est très simple à réaliser pour un joueur de la trempe d’Hilton : bien se positionner pour réceptionner un centre et effectuer une puissante tête piquée directement dans le but vide. « Ouais, je comprends bien, mais tu devrais le faire avec Souley, sa tête est en acier, me conseille Hilton. Regarde son crâne, tu as vu toute la surface qu’il peut utiliser pour faire une tête ? Quand il fait cet atelier à l’entraînement, c’est comme s’il frappait du pied, ce sont de vrais boulets de canon ! » Finalement, Camara s’est juste contenté de sourire modestement aux éloges de son coéquipier, avant de le régaler grâce à des centres parfaitement dosés pour permettre à Vito de se mettre en lumière. Une fois les photographies suffisamment explicites pour permettre de découper le geste en huit séquences, Souleymane Camara s’arrête de centrer pour revenir vers nous, partager un dernier moment de chambrage avec son pote Hilton autour des photos et prendre la direction du vestiaire après nous avoir salués une dernière fois.
Sans avoir connu Camara plus de quinze minutes, j’ai perçu dans son regard la gentillesse, l’humilité, la générosité et une sorte de vocation à être disponible pour aider son coéquipier. En fait, Souleymane Camara incarnait sans doute le footballeur parfait, capable de s’intégrer dans un collectif sans faire de pataquès autour de son rôle dans l’équipe. Après réflexion, je me suis dit qu’il était passé par une jolie brochette de clubs français (Monaco, Guingamp, Nice et Montpellier) sans avoir été élevé au rang de titulaire indiscutable, mais toujours à répondre présent quand il y avait besoin d’un coup de pouce supplémentaire. Sans l’expérience et la zénitude de « Camaradona » , Montpellier aurait-il autant tenu la dragée haute au Paris Saint-Germain pour terminer champion de France en 2012 ? Rien n’est moins sûr. Ce qui l’est en revanche, c’est que Vitorino Hilton, récemment prolongé d’une saison par le MHSC à 42 ans, vient de perdre son plus fidèle camarade sur le terrain. Mais si tous ses anciens coéquipiers ont bien compris le message, le rayonnement de Souleymane Camara devrait encore perdurer dans les esprits de chacun pour cimenter les liens qui les unissent.
Par Antoine Donnarieix