Hommage à Brice

Brice Taton s’était rendu à Belgrade pour soutenir son Téfécé contre le Partizan, le 17 septembre. Il n’a jamais atteint le stade. Quelques heures avant le match, alors qu’il était tranquillement attablé à la terrasse d’un café avec d’autres membres de son groupe, les Indians, il a subi une agression d’une extrême violence de la part de supporters radicaux du Partizan. Quelques jours plus tard, le 29 septembre, il succombait à ses blessures dans un hôpital de Belgrade à l’âge de 28 ans.

Son club et sa ville lui ont rendu un vibrant hommage lors des deux matches de la semaine dernière au Stadium, le jeudi contre Bruges et surtout le dimanche contre Lorient (marche en ville, recueillement devant la tribune avant le coup d’envoi, recette reversée à la famille…). Il manquait un hommage national. Il aura lieu ce soir à Guingamp. Avant la rencontre entre les Bleus et les Iles Féroé, une minute de silence sera respectée pour célébrer sa mémoire. Il en sera de même avant le match entre la Serbie et la Roumanie à Belgrade.

Ce geste des autorités politiques et sportives serbes témoigne de la vive émotion qui s’est emparée du pays après ce drame. Curieusement, l’écho a semblé moindre en France. A cause de l’éloignement ? Des opérations tentées par les chirurgiens serbes qui ont fait espérer que Brice allait s’en sortir ? De la mauvaise image des supporters de football conduisant à cataloguer comme hooligan potentiel tout supporter impliqué dans une bagarre, même quand il en est victime ? Toujours est-il que ce tragique événement a suscité bien moins de commentaires que la fameuse banderole parisienne « anti-Ch’tis » … Si les médias locaux ont suivi attentivement l’affaire, leurs homologues nationaux se sont contentés d’y faire régulièrement allusion sans vraiment approfondir le sujet. L’Equipe Mag a été un des rares médias à se distinguer en consacrant, samedi dernier, sa une, son éditorial et un long et édifiant article à la disparition de Brice.

La relative discrétion de la LFP a également surpris. Lors des matches de championnat du week-end dernier, une minute de silence n’était prévue qu’à Toulouse. Dans les autres stades, ce sont les supporters qui se sont chargés de rendre hommage à Brice. Applaudissements au Parc des Princes, minute de silence demandée par les groupes de supporters à Geoffroy-Guichard, tifos géants au Vélodrome, banderoles dans les autres stades français mais aussi dans de nombreuses enceintes européennes.

C’est donc une excellente initiative du secrétariat d’Etat aux sports et de la FFF d’organiser un moment de recueillement en mémoire de Brice avant le match des Bleus. Dans son communiqué, Rama Yade en a profité pour marteler sa volonté de « lutter contre toute forme de violence et de soutenir les supporters qui partagent cette volonté de vivre leur passion du sport dans la fraternité, le respect de l’autre, la tolérance et la paix » . En conférence de presse, le sélectionneur préféré des Français a lui aussi tenu à annoncer cette minute de silence : « On trouve tous ça ahurissant, aberrant, et d’une stupidité sans nom de pouvoir mourir en allant voir un match de football » .

Pour « maintenir vivante » sa mémoire et pour récolter des fonds afin notamment de préparer le futur procès en Serbie, les parents et amis de Brice ont créé une association et mis en ligne un site web*. On peut y lire dans le détail les circonstances de l’agression et y voir des photos terribles. « Montrez ce qu’ils ont fait de notre fils, montrez ce qu’il peut advenir ici lorsqu’on vient juste voir un match de football » s’exclamait le père de Brice dans L’Equipe Mag. Comme y invitait Jean-Philippe Leclaire, dans son édito du même numéro, il ne faudra pas oublier Brice, comme il ne faut pas oublier les victimes du Heysel.

Par leurs marques de soutien envers Brice, les ultras français ont bien montré que, s’il leur arrive d’en découdre physiquement, ils ne souhaitent en aucun cas la mort d’un supporter adverse. « La vie humaine plus forte que la haine » affirmaient l’été dernier, par banderole interposée, des ultras parisiens du virage Auteuil après la mort de deux membres du groupe Marseille Trop Puissant dans un accident d’autobus. Il n’empêche que la logique de défense d’un territoire développée dans L’Equipe Mag par le leader des ultras du Partizan est peu ou prou celle que beaucoup d’ultras européens mobilisent, même s’ils sont heureusement loin de la pousser jusqu’aux limites atteintes par les assassins de Brice. Mais il ne faut pas oublier non plus qu’un accident irréversible est vite arrivé…

* http://www.brice-taton.com./topic1/index.html