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Hodgson, le sacre du Roy
La Fédération anglaise a créé une grosse surprise en intronisant le coach de West Brom à la tête des Three Lions, à la place du favori Harry Redknapp. Un choix qui interpelle car, si le manager de Tottenham est un sacré numéro, là, on a envie de dire : mais qui diable es-tu Roy Hodgson ?
Il y a quelque chose de nouveau en Angleterre : la presse populaire a perdu de son pouvoir dévastateur. Peut-être la conséquence des révélations de l’an passé sur les écoutes pratiquées illégalement par des tabloïds qui ont conduit notamment à la liquidation du mythique titre dominical News of the World. Toujours est-il que les médias anglais d’obédience grasse et vulgaire l’ont eu dans le baba à l’annonce du choix de la Fédération anglaise pour le nouveau sélectionneur : Roy Hodgson. Au nez et à la barbe de l’archi-favori Harry Redknapp ! Un choix en forme de bras d’honneur même si, à bien y regarder, Uncle Roy n’est pas non plus le premier venu. Un bon compromis en vérité. Car depuis plus d’une décennie, le football anglais s’est adonné aux charmes continentaux, tant en clubs où la plupart des grandes écuries sont managées par des coachs étrangers, qu’en sélection où Sven-Göran Eriksson et Fabio Capello ont tenté d’apporter cette culture différente. Sans que la sauce ne prenne jamais totalement. Un peu trop froide pour le Suédois, un peu trop raide pour l’Italien.
Fatalement, entre les échecs répétés et la fibre insulaire d’Albion, chacun imaginait l’intronisation d’un Anglais pur jus et même un peu old school, histoire de renouer avec quelque chose de l’esprit « churchillien » qui a singulièrement manqué avec Eriksson et Capello. En ce sens, Harry semblait être le candidat idéal, ses quelques réussites à Portsmouth et Tottenham attestant d’un vrai savoir-faire dépassant sa simple personnalité, assez hors norme il est vrai. Mais la FA a pris ses responsabilités sur ce coup, en optant pour l’homme de la synthèse. Il y en a qui vont loin avec cette étiquette en ce moment…
Attention ovni : un mec qui parle cinq langues
Bien sûr, le choix d’un sujet de Sa Très Gracieuse Majesté tombait sous le sens après toutes ces années d’ouverture (passons pudiquement sur l’intermède de Steve McClaren de 2006 à 2007). Mais les dirigeants du foot anglais n’ont pas non plus estimé qu’il fallait prendre un virage à 180 degrés. A savoir un retour aux bonnes vieilles méthodes, tout au mental, rien dans la tactique (pour simplifier), ce qui aurait un peu été le cas avec la nomination de Redknapp. En cela, le choix de Roy Hodgson rassemble plusieurs exigences. La connaissance profonde du football anglais mais aussi une énorme expertise du football international. Car à 64 ans, le natif de Croydon a à peu près tout vu du football européen. Un ovni outre-Manche d’une certaine façon. Très tôt dans sa carrière d’entraîneur, au milieu des années 70, l’homme s’est exilé, débutant même en Suède à Halmstads. La suite ? Des expériences toujours en Suède, en Norvège, au Danemark, en Suisse et même en Italie, le tout chaloupé de retours en Angleterre. Qui dit mieux ? D’autant qu’Hodgson ne s’est pas contenté de soigner sa connaissance des langues étrangères (il en parle cinq !) et de goûter aux spécialités locales ; il a aussi fait un sacré boulot en conduisant l’Inter Milan en finale de Coupe de l’Uefa en 1997 (perdue aux tirs au but).
Enfin, élément déterminant pour la FA, la grande connaissance du football de sélection. Et on ne parle pas que de sélections « exotiques » même si Uncle Roy a officié aux Emirats Arabes Unis. L’Anglais a ainsi qualifié la Suisse coup sur coup en phase finale lors du Mondial 1994 et de l’Euro 1996 alors que les Helvètes restaient dans leurs alpages depuis vingt-huit ans. Sans oublier son record de points pris avec la Finlande lors des qualifs de l’Euro 2008 (finalement manquées). Un sacré bonhomme, à bien y regarder. Alors bien évidemment, ses détracteurs auront beau jeu de souligner que récemment, Hodson a surtout fait du bon boulot avec des équipes comme Fulham (finale de la Ligue Europa en 2010, manager de l’année cette saison-là) et West Bromwich Albion (actuellement 10e de Premier League) mais s’est largement planté à Liverpool, même si le parcours de son successeur Kenny Dalglish tend à démontrer que le malaise est profond chez les Reds. En clair, un entraîneur moyen dans les grandes équipes et un grand manager dans les équipes moyennes. Mais après tout, et si l’Angleterre, c’était ça : une équipe moyenne…
Par Dave Appadoo