- Rennes
- Montanier remplacé par Courbis
- Billet
Heureusement, il y a le Stade rennais…
La Ligue 1 paraît triste cette saison ? Convenue, peu spectaculaire, sans trop d’histoires à raconter ? Peut-être, mais au moins les Rennais font tout pour l’animer, pour le meilleur comme pour le pire. L’actu du moment, c’est le remplacement sur le banc de Philippe Montanier par Rolland Courbis, arrivé quelques jours auparavant en Bretagne pour, soi-disant, jouer les conseillers du président Ruello… Visiblement, il n’a pas traîné à lui conseiller de le nommer calife à la place du calife. Rembobinons. Le 12 janvier, Rolland Courbis débarquait à Rennes à la surprise générale pour occuper un rôle assez obscur de conseiller sportif du président René Ruello. Une pige de quelques mois a priori, à un poste assez étriqué, coincé entre le président, l’entraîneur Philippe Montanier et le chargé de mission qu’est Mikaël Silvestre. Ne pas oublier non plus la famille Pinault, actionnaire discret tout en haut de la hiérarchie, dont on peine à savoir si elle a un rôle de décision dans tout ceci, en plus de régulièrement mettre la main au portefeuille… L’attelage complexe et bancal semblait mal fichu, il a tenu à peine plus d’une semaine.
Le 20 janvier, au lendemain d’une calamiteuse élimination en Coupe de France face à Bourg-Péronnas à domicile (1-3), Ruello est arrivé en conférence de presse, affublé de son fidèle serviteur Mikaël Silvestre, pour annoncer à la presse que Montanier était démis de ses fonctions. À sa place, c’est le « conseiller » Rolland Courbis qui lui succède, lequel n’a visiblement pas perdu de temps à proposer ses services de coach à son nouvel employeur… L’ancien de Montpellier disait ceci dans les colonnes de Ouest France à propos des circonstances de son arrivée en Bretagne : « Le président Ruello m’a appelé.(…)Il me dit : « Tu as parlé de travailler en Chine, en Angleterre. Et la Bretagne ? Tu n’as pas pensé à venir nous filer un coup de main ? Pas pour remplacer Montanier, mais je compte renforcer le staff. » (…)Je trouvais ma position délicate vis-à-vis de Philippe (Montanier, ndlr), j’ai horreur de faire ce que je n’aurais pas aimé que l’on puisse me faire. Je l’ai tout de suite appelé pour le rassurer. » Rétrospectivement, ces propos sont assez comiques… Pour rappel, ils datent d’il y a seulement quelques jours. On dit souvent que les choses vont très vite dans le football, mais à ce point, c’est costaud. Sauf qu’à Rennes, en ce moment, il faut s’attendre à tout. Il est comme ça le club rouge et noir ces temps-ci, il force. Il aime attirer l’attention, il ne peut pas s’empêcher de faire l’actu. Il avait donné l’habitude d’être un club qui ronronne, où il ne se passait pas grand-chose. En l’espace de quelques mois, il s’est mué en une machine à buzz.
Ascenseur émotionnel permanent
Globalement, ce changement d’image est intervenu avec le retour à la présidence de René Ruello mi-2014. Chef d’entreprise local fort en gueule et adepte de l’action, il avait déjà occupé le poste entre 1990 et 1998, puis de 2000 à 2002. Son dernier prédécesseur en date était le discret Frédéric de Saint-Sernin, un cardiaque qui voulait surtout ne rien bousculer. Alors pour réveiller un club depuis longtemps endormi, Ruello s’agite, peut-être plus encore que lors de ses précédentes mandatures. À l’excès parfois. En un an et demi, le Stade rennais a recruté à tout-va, beaucoup d’exotisme (Quintero pour meilleur exemple) et de coups de folie (Gourcuff évidemment). Il a aussi pas mal bougé les hommes en coulisses, dans les bureaux, le staff et au bord des terrains d’entraînement de la Piverdière. Viré à foison, recruté tout autant, faisant notamment de la place pour l’ancien joueur du club Mikaël Silvestre. René la taupe donne aussi parfois l’impression de faire tout et son contraire. Ainsi, Montanier est-il passé d’un statut renforcé d’entraîneur prolongé (en mai dernier jusqu’en 2019), initialement assorti des pleins pouvoirs sur le sportif, à un départ sans ménagement au lendemain de cette élimination honteuse en Coupe de France. Qu’est-il encore arrivé au Stade rennais ces derniers mois ? Entre autres, le stade a été renommé Roazhon Park, Paul-Georges Ntep est devenu international, l’enfant du pays, Yoann Gourcuff, a donc fait son retour, Waris a failli arriver pour finalement partir chez le voisin lorientais… Il y a eu par intermittence de très belles promesses dans le jeu, mais aussi des purges monumentales… Des joies intenses, des peines immenses, parfois à quelques jours d’intervalle. La vie d’un club en accéléré. Un ascenseur émotionnel devenu incontrôlable.
Coup de poignard pour choc psychologique ?
Dès lors, faut-il s’en amuser, s’en plaindre ou s’en féliciter ? L’avenir à court et moyen terme de l’équipe rennaise donnera-t-il raison au président Ruello et à sa gestion un brin chaotique ? C’est évidemment impossible de répondre à ces interrogations, tout juste peut-on se risquer à quelques pronostics. L’aspect négatif évident de ce énième soubresaut, c’est que le sérieux du SRFC peut légitimement être remis en cause. Lorsque Courbis partira à son tour, dans quelques mois ou quelques années (il a signé pour deux ans et demi, mais les contrats dans le foot…), qui voudra se risquer à lui succéder à un poste devenu instable, à la tête d’un effectif qui bouge tout le temps, à gérer l’aspect sportif au sein d’un organigramme aux contours flous et mouvants ? Entraîneur du Stade rennais tend à devenir un poste à risques, et le quotidien tragi-comique devenu la norme de ce club lui confère des aspects olympiens… La manière aussi laisse évidemment à désirer : faire venir Courbis comme conseiller, pour le nommer une semaine plus tard au premier faux pas de l’entraîneur en poste, c’est loin d’être classe. À l’inverse, si on se penche du côté positif de la chose, on peut souligner l’audace de la politique de Ruello, à la tête d’un club souvent critiqué ces dernières années pour justement en manquer cruellement.
Les Bretons changent, certes, assez fréquemment d’entraîneur – Courbis est le 12e en vingt ans –, mais les remplacements en cours de saison étaient rares : Bergeroo pour Halilhodžić en 2002, Dréossi pour Lacombe en 2007. Dans la Ligue 1 morne et résignée du moment, au moins les choses bougent-elles en Ille-et-Vilaine, et la direction du club prend des risques. Cette fois, elle ne semble pas vouloir se contenter d’un ventre mou, et elle a bien raison. Le Stade rennais n’a plus que le championnat à jouer, mais il a un très gros coup à y tenter puisqu’il se trouve actuellement en sixième position, à trois points seulement du podium. Un faible écart qui pourrait se combler par le fameux choc psychologique du changement d’entraîneur ? Le pari est osé, mais Courbis y croit, lui qui a évoqué l’objectif atteignable d’une deuxième place pour sa première conférence de presse dans ses nouvelles fonctions, hier. Cette défaite face à Bourg-Péronnas ressemble en tout cas à un prétexte pour secouer un vestiaire tellement prometteur, mais aux résultats encore trop souvent frustrants. Ntep, Gourcuff, Quintero, Dembélé, Grosicki… Peut-être avaient-ils besoin qu’un Montanier soit sacrifié pour comprendre que ce serait un vrai gâchis qu’ils ne visent pas les toutes premières places derrière l’intouchable PSG. Un objectif qui n’a jamais paru aussi atteignable, étant donné l’irrégularité et la fragilité de la concurrence cette saison, que ce soit l’OL, l’OM, Monaco ou Saint-Étienne. Paradoxalement, l’ancien meilleur entraîneur de la Liga avec la Real Sociedad est poussé vers la sortie au moment même où il commençait enfin à mettre de côté ses tactiques frileuses pour faire preuve de plus d’ambition dans le jeu. Un revirement visiblement trop tardif aux yeux d’un président impatient. Il en va ainsi désormais de la vie du Stade rennais Football Circus.
Par Régis Delanoë, à Rennes