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Hervé Renard : « Je vais rêver de la Coupe du monde jusqu’au mois de juin »

Propos recueillis par Steven Oliveira
10 minutes
Hervé Renard : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je vais rêver de la Coupe du monde jusqu’au mois de juin<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Arrivé à la tête du Maroc en février 2016, Hervé Renard a réussi l'exploit de ramener les Lions de l'Atlas à la Coupe du monde, vingt ans après leur dernière participation. Entretien avec celui qui éclipse peu à peu son mentor Claude Le Roy sur le continent africain.

Après avoir remporté une première CAN avec la Zambie en 2012, puis une seconde avec la Côte d’Ivoire en 2015, vous avez réussi à qualifier le Maroc pour la Coupe du monde 2018, vingt ans après sa dernière qualification. Quel est le secret Renard pour briller sur le continent africain ? Il n’y a pas de secret. Il faut s’avoir s’adapter au pays dans lequel on travaille, respecter les gens, leurs cultures et leurs traditions. Ensuite, il ne faut pas déroger de sa ligne de conduite et faire en sorte que ce soit la même pour tout le monde afin d’être le plus loyal possible. C’est ce que j’essaye de faire depuis bientôt dix ans que je suis en Afrique. Il faut aussi souligner le travail de mon adjoint, Patrice Beaumelle, qui fait un travail remarquable.

Pour revenir à ce match décisif face à la Côte d’Ivoire, quel était votre état d’esprit avant la rencontre ?J’étais plutôt serein, car les joueurs m’ont donné cette sérénité dans leur manière de se comporter depuis la CAN. Tout le monde a parfaitement compris l’importance de la fin de ces éliminatoires et nous avons été très performants. C’est grâce aux joueurs, car ils ont été très impliqués et très appliqués.

Vous n’aviez besoin que d’un match nul pour vous qualifier, pourtant votre équipe n’a pas semblé jouer le 0-0. Était-ce un désir de votre part ? Nous avons joué comme on le fait à chaque fois, en faisant ce qu’on sait faire. On ne voulait surtout pas se regrouper devant notre but, car nous ne savons jamais ce qu’il peut se passer et nous n’avons pas forcément un jeu de contre-attaque très efficace. Après, c’est sûr que marquer deux buts en moins de dix minutes nous a permis de mieux gérer le match.

Sur l’ouverture du score de Nabil Dirar, votre joie semblait mesurée et contenue. C’était par respect pour la Côte d’Ivoire, votre ancienne équipe ? C’était dû au fait, bien sûr, que c’était la Côte d’Ivoire en face, mais aussi au fait que l’on a marqué assez rapidement dans le match. J’étais donc là aussi pour tempérer tout le monde et dire que le chemin était encore long et qu’il fallait continuer sur cette voie-là. Car finalement, qu’on soit content, c’est bien, mais si on est content à la 25e minute et qu’à la fin on ne se qualifie pas, ça ne sert pas à grand-chose.

Vos anciens joueurs de la Côte d’Ivoire ne vous en ont pas trop voulu à la fin du match ? C’est toujours pareil. Lors du match, nous nous affrontons avec respect, même si chacun défend ses couleurs, et après le coup de sifflet final, c’est terminé. Les joueurs ivoiriens ont fait preuve d’un fair-play immense, j’ai eu beaucoup de messages très sympathiques et je les en remercie. De toute façon, je ne me fais pas trop de soucis pour la Côte d’Ivoire qui très vite va savoir rebondir.

Si on est content à la 25e minute et qu’à la fin on ne se qualifie pas, ça ne sert pas à grand-chose.

Revenons en février 2016 lorsque le Maroc décide de se séparer de son sélectionneur Badou Zaki. À ce moment-là, avez-vous appelé la Fédération pour vous porter candidat ou c’est elle qui est venue vous chercher ? Après mon départ de Lille (11 novembre 2015, ndlr), cela faisait deux-trois mois que j’étais inactif, même si c’était un peu volontaire, car je ne voulais pas sauter sur le premier projet qui se présente à moi. Et là, le Maroc est venu me chercher. J’ai longtemps hésité entre le Maroc et le Cameroun qui m’avait aussi fait part de son intérêt. Le Cameroun a gagné la CAN 2017, et le Maroc s’est qualifié pour la Coupe du monde, donc finalement j’ai fait le bon choix.

Vous n’échangeriez donc pas cette qualification au Mondial contre la CAN 2017 ? Non, la Coupe du monde était vraiment l’objectif principal, même si bien évidemment j’aurais bien aimé gagner les deux (Rires.) Mais, si je n’avais qu’une chose à choisir, vu que j’ai déjà gagné deux CAN, je prends la qualification à la Coupe du monde.

Que représentait pour vous le Maroc d’un point de vue footballistique avant votre arrivée ? Une équipe avec beaucoup de talents individuels et cette grande question que j’ai posé à beaucoup de monde : « Pourquoi cette équipe avec autant de joueurs de qualité n’a pas de bons résultats depuis très longtemps ? » J’ai d’ailleurs posé cette question aux joueurs en arrivant : « Vous avez eu des entraîneurs de qualité comme Éric Gerets, alors pourquoi ça ne fonctionne pas ? »

Et que vous ont-ils répondu ?Je leur ai posé la question, mais je n’attendais pas la réponse. (Rires.) La réponse, je l’avais déjà. J’ai simplement voulu leur montrer que ce n’est pas toujours la faute d’un entraîneur, et qu’à un moment donné, il faut une prise de conscience et savoir se remettre en question. Je leur ai fait comprendre qu’il fallait respecter des règles qui seront bien définies avec moi et que s’ils voulaient obtenir de bons résultats, il fallait suivre ces directives, et normalement, ça devrait fonctionner.

Si je n’avais qu’une chose à choisir, vu que j’ai déjà gagné deux CAN, je prends la qualification à la Coupe du monde.

Lors de votre arrivée à la tête du Maroc, avez-vous senti une ferveur populaire derrière vous de la part du peuple marocain ? J’ai senti que c’était moyen. Avec le recul, je dirais même que j’ai été un peu déçu parfois du non-respect par rapport aux deux CAN que j’avais gagnées. J’avais parfois l’impression dans certains commentaires que je n’avais rien fait avant. Aujourd’hui, je pense que ceux qui ont émis beaucoup de critiques il y a deux ans, ou il y a un an, sont peut-être montés sur les tables pour danser après le match face à la Côte d’Ivoire. (Rires.)

À votre arrivée, le premier objectif était de se qualifier à la CAN 2017, une mission parfaitement réussie. Ensuite, durant cette CAN 2017, malgré un jeu parfois séduisant, le Maroc s’est incliné en quart de finale face à l’Égypte (1-0). Avez-vous douté du projet à ce moment-là ? Non pas du tout. Il faut rappeler que nous avons fait cette CAN avec cinq ou six absents. Par rapport au onze qui a débuté face à la Côte d’Ivoire, il manquait Hakimi, Ziyech, Belhanda ou encore Amrabat. Ce sont des joueurs qui nous ont beaucoup apporté, notamment dans le secteur offensif. À la CAN, nous avons fait avec les moyens du bord, en étant rigoureux, mais nous n’avons pas su exploiter les nombreuses occasions que nous avons eues contre l’Égypte. Je pense que l’on aurait pu faire beaucoup mieux durant cette CAN si nous avions été plus efficaces offensivement.

Durant cette CAN, il y a un absent qui a fait parler un peu plus que les autres, il s’agit d’Hakim Ziyech que vous n’avez pas sélectionné pour le plus grand malheur des supporters marocains qui vous l’ont un peu reproché. Comment s’est déroulée cette réconciliation entre vous deux ? Avec Hakim, c’était un problème d’homme. Celui qui m’a aidé à résoudre ce problème, c’est le président de la Fédération royale marocaine de football, Monsieur Fouzi Lekjaa, qui a servi de médiateur et qui a fait un travail remarquable. À partir du moment où nous nous sommes parlés, tout a été oublié pour moi. Je ne suis pas quelqu’un de rancunier, je suis là pour former la meilleure équipe du Maroc possible avec mes convictions, que ça plaise ou non. Après avoir considéré que Hakim Ziyech, avec un autre état d’esprit, pouvait m’apporter beaucoup, je n’ai eu aucun problème à le rappeler.

Durant cette phase de qualification, le Maroc a réussi ce petit exploit de terminer ses six rencontres avec aucun but encaissé. La défense est-elle un domaine sur lequel vous avez énormément travaillé ? Nous travaillons d’une façon globale. Notre tactique consiste surtout à tenter de récupérer le ballon le plus haut possible, car lorsque nous y parvenons, nous sommes capables de faire la différence. Après, notre solidité défensive est aussi due à nos latéraux que sont Hakimi et Dirar qui vont très vite sur les côtés et qui ont été excellents dans les duels face à la Côte d’Ivoire.

Il y a aussi le retour en sélection de Mehdi Benatia qui avait pourtant mis sa carrière internationale entre parenthèses.Mehdi c’est le patron, le capitaine, le joueur d’expérience, celui qui transmet les messages, c’est un entraîneur sur le terrain. Je suis retourné le chercher, car j’avais vraiment besoin de lui. C’était indispensable que Mehdi revienne pour qu’on puisse se qualifier à la Coupe du monde. Et puis son association avec Romain Saïss est très bonne. Ils ont une complémentarité qui est vraiment exceptionnelle. Sans oublier Manuel da Costa qui avait été très performant durant la CAN dans une défense à trois. Nous avons trois défenseurs centraux de très grande qualité et il y en a d’autres derrière qui sont aussi très bons.

Mehdi c’est le patron, le capitaine, le joueur d’expérience, celui qui transmet les messages, c’est un entraîneur sur le terrain. Je suis retourné le chercher, car j’avais vraiment besoin de lui. C’était indispensable que Mehdi revienne pour qu’on puisse se qualifier à la Coupe du monde.

Depuis votre arrivée, de nombreux binationaux ont choisi de jouer pour le Maroc, comme Achraf Hakimi, Sofiane Boufal ou encore Amine Harit. Comment faites-vous pour vous montrer si persuasif ? Finalement, malgré tout ce que je peux leur raconter, je n’ai qu’une petite part seulement dans leur choix. Leur choix est beaucoup plus important, il se fait au niveau des familles et c’est souvent un choix du cœur. Un joueur qui vient uniquement par intérêt ça ne fonctionne pas, il faut qu’il ait vraiment envie de venir.

Face à la Côte d’Ivoire, Sofiane Boufal et Amine Harit n’ont pas joué. Pourtant, au coup de sifflet final les deux semblaient être les plus heureux. Amine et Sofiane se sont parfaitement imprégnés de cet esprit collectif qui règne dans cette équipe. C’est la plus grosse qualité de ce groupe. Il y a un état d’esprit exceptionnel avec des jeunes, des très jeunes, et des joueurs d’expérience. Finalement, peu importe d’où vous venez, où vous avez été formé, où vous jouez, ce n’est pas le plus important à partir du moment où vous rentrez dans un cadre. Après, ceux qui n’étaient pas prêts à accepter ce cadre se sont éliminés de par eux-mêmes, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

En juin prochain, vous allez disputer votre première Coupe du monde. Comment vous l’appréhendez ? Je vais en rêver jusqu’au mois de juin. Pour moi, ça va être un événement exceptionnel. J’en ai rêvé depuis très jeune. Depuis 1978 et la première Coupe du monde à laquelle j’ai assisté en tant que téléspectateur, j’ai toujours eu dans un petit coin de la tête cette envie d’y participer. Aujourd’hui, normalement c’est chose faite et ce n’est que du bonheur.

Quel sera l’objectif du Maroc en Russie ? On va d’abord attendre le tirage au sort, même si finalement, ça ne veut pas dire grand-chose. Si on avait dû pronostiquer la poule Mali, Gabon, Côte d’Ivoire, Maroc, je ne pense pas que beaucoup de bookmakers auraient misé sur le Maroc, et pourtant nous avons réussi à le faire.

Quelle nation aimeriez-vous affronter ? La France, ce serait bien, car c’est mon pays d’origine. Et puis c’est une grande équipe, donc puisque l’on en aura une ou deux dans notre groupe, autant que ce soit la France.

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Propos recueillis par Steven Oliveira

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