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Hervé Mathoux : « Le tambour ne me pose pas de problème ! »
Après avoir fait le buzz pour ses propos sur les supporters, indiquant sur Canal + préférer « un public focalisé sur le jeu » plutôt que « du tambourin », Hervé Mathoux s'explique. S'il reconnaît une forme de maladresse, le journaliste parle d'un mauvais procès et réaffirme ses goûts.
Comment ça va, Hervé ? Pas encore enfermé dans un bunker en attendant l’attaque armée de twittos, après les nombreuses critiques que tu as reçues ?Pas loin, quand même ! Je viens de rejeter un coup d’œil sur Twitter, pfff… On sait ce que c’est, les procès staliniens n’ont qu’à bien se tenir. Sur les réseaux sociaux, certains partent dans des interprétations complètement délirantes en se basant sur quatre mots…
Revenons sur l’origine de cette « guerre » . Dimanche, lors du Canal Football Club, tu as tenu les propos suivants après une séquence portée sur la Premier League : « Ils ont, si je peux me permettre, un public qui est focalisé sur le jeu, qui ne fait pas du tambourin… Ce n’est pas la… Dos au mur… Dos au stade… » Beaucoup n’ont pas tout à fait compris ce que ça signifiait et s’en sont offusqués. Qu’est-ce que tu as voulu dire, au juste ? Les gens qui mettent de l’ambiance, qui jouent du tambour ou autre, ne me posent pas de problème. Je trouve ça 100 fois mieux que le silence ou qu’un stade mort. Mais, pour moi, il y a deux philosophies dans la manière de regarder le foot. Celle que je préfère, et que j’appelle la culture « à l’anglaise » , est celle qui considère que l’essentiel repose sur le jeu, sur les joueurs, que ce qu’il se passe sur le terrain est plus important que tout. Chose assez différente d’une deuxième philosophie, celle des ultras, par exemple. Pourquoi ne verra-t-on jamais de capo dans un stade anglais ? Parce que tourner le dos au spectacle, dans la culture anglaise, c’est impossible et ça ne peut pas exister. Dans la culture anglaise, on ne tourne pas le dos au jeu.
Les mecs qui font du « tambourin » comme tu dis, font vivre ce sport espèce de grosse merde. Va te faire enculer toi et ton plateau de petit journaliste @MathouxHerve pic.twitter.com/5TMvPxJPv4
— Paolo?? (@Paolomille899) December 6, 2020
C’est davantage ton regard sur cette deuxième philosophie, que beaucoup ont vu comme un rejet, qui a fait bondir.Les ultras sont allés chercher leur inspiration dans d’autres références, en Italie, voire au Brésil. Ils estiment devoir produire un spectacle dans le spectacle, où le chef d’orchestre est le capo. Pas de problème, c’est festif et ça a le mérite d’exister. Mais moi, cette festivité me gêne dans le sens où elle se développe en parallèle du match. Les chants qui s’amorcent d’une seule voix après un tacle et qui font dire « on est tous ensemble », ça, ça me parle davantage. On peut également le voir avec des capos, d’ailleurs. Mais ce que je voulais dire, en parlant de « tambourin », c’est que certains mecs amènent une forme de monotonie. Boom, boom, boom, boom, boom, boom… Ce n’est pas ce que j’aime, ce n’est pas en connexion réelle avec le jeu et ça n’existe pas dans la culture anglaise. C’est un spectacle parallèle et en faisant ce type de sons un peu déconnectés, ils se sont fait piéger car ils se sont exposés à pouvoir se faire remplacer par une bande-son pendant le confinement. Ce qui ne signifie pas que je préfère une bande-son, bien sûr que non ! Mais 30 000 personnes qui se lèvent pour un dégagement en touche, aucune simulation ne peut les reproduire. Bref : le mec qui tourne le dos au jeu, moi, ça me choque. Je ne comprends pas pourquoi il fait ça, voilà.
Les ultras te gênent, donc ?Non. Mais parfois, dans les gros clubs où les groupes ultras sont souvent importants et se sentent obligés de faire leur propre spectacle, on a tendance à oublier le jeu. Le problème, c’est que les ultras s’autoproclament dépositaires du supporterisme. Il y a une forme de narcissisme dans lequel les gars s’auto-célèbrent et se sentent plus importants que tout. Or, ceux qui sont focus sur le jeu ont aussi le droit d’être considérés comme des supporters, merde ! On a le droit de vibrer d’une façon différente sans être traité de footix. Dès que tu dis ça, tu es dangereux, débile, à brûler…
Il n’y aurait vraiment pas une forme de détestation des ultras, voire même de haine pour caricaturer, chez Hervé Mathoux ?Je ne me reconnais pas du tout dans ces termes. Détestation du mouvement ultra… Absolument pas ! Les ultras ont un rôle à jouer contre la marchandisation du foot, par exemple, et posent des questions qui ont lieu d’être. Ce que je leur reproche, c’est le fait qu’ils te considèrent comme ennemi dès lors que tu n’es pas d’accord avec eux. Il n’y a pas qu’eux qui ont le droit de parler foot et de vivre foot !
Au-delà de ça, les groupes ultras font tout de même vivre le foot et participent directement au folklore indispensable à l’atmosphère générale. Tu es d’accord ?Oui, et je n’ai aucun problème avec ça ! Chacun est libre de vivre le foot comme il l’entend. Je dis simplement que moi, par goût, je me retrouve davantage dans un stade à l’ambiance « culture anglaise » . Avec des périodes de relatif silence, de chants et surtout des phases de jeu qui dictent les réactions. Je préfère ça, c’est tout. D’autres préfèreront les ambiances turques, argentines, italiennes…
Ah, les « ambiances tambours » [facilement et avantageusement] « remplacées par des bandes son »… PS : les « ambiances à l’anglaise » sont mortes, pour la plupart. On comprend bien quel modèle est prôné ici. https://t.co/BWMpmpLgjh
— Cahiers du football (@cahiersdufoot) December 7, 2020
« Les « ambiances à l’anglaise » sont mortes, pour la plupart », t’ont répondu les Cahiers du football. Visiblement, tu partages le même avis, non ? On sait tous que l’ambiance dans quasiment tous les stades s’est aseptisée et qu’il faut bien souvent aller dans les divisions inférieures comme le Championship pour retrouver des atmosphères à l’anglaise. Quand je parle de culture anglaise, ça ne veut bien sûr pas dire que la Premier League dispose de la meilleure ambiance du monde actuellement ou que l’ambiance de l’Emirates est meilleure que celle du Vélodrome. Mais ce qui me dérange, ce sont les procès bidons. Me faire la leçon comme si je n’allais pas dans les stades, franchement… Ça fait 45 ans que je me rends dans les tribunes, un peu partout dans le monde. J’entends des « Tu n’as qu’à venir chez nous, viens chez nous »… Ne vous fatiguez pas les gars, je suis allé partout. Je ne demande pas qu’on soit d’accord avec moi. Je réclame juste le droit à une préférence.
Après coup, tu conçois quand même que ça a pu faire du tort à certains supporters ? Tu ne penses pas que dans la forme, c’était au mieux maladroit et au pire méprisant ?Ce n’était, en aucun cas, du mépris. J’admets une part de maladresse, oui. On est en direct, notre chroniqueur nous fait part de son bonheur d’avoir retrouvé un son spontané dans le foot anglais. Ça me parle et dans mon enthousiasme, je lâche ce que je ressens en comparant à ce que l’atmosphère est devenue dans la majorité des stades de football. C’est vrai que la formulation peut amener à confusion et je conçois que ça puisse être mal interprété. Évidemment, je préfère des stades avec des ultras que des stades vides. Mais j’ai juste dit que j’aimais les publics qui réagissent avec ce qu’il se passe sur le terrain, les gens qui vibrent en même temps en fonction d’une action. Wouah, c’est hyper grave d’avoir dit ça ! Hélas, débattre de ce sujet sur les réseaux sociaux en 200 signes, ce n’est pas possible.
Propos recueillis par Florian Cadu