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Hervé Koffi : « Lens est une seconde chance »

Propos recueillis par Timothé Crépin

C'est avec son sourire et sa bonne humeur communicative que Hervé Koffi se présente à nous. Il savoure, car il le dit lui-même : Lens est une seconde chance pour lui. Après avoir rongé son frein en Belgique, le gardien du Burkina Faso (27 ans) voit là l'opportunité de rattraper le temps perdu. La détermination est là, plus que jamais, surtout quand il repense au LOSC voisin, où tout ne s'est pas passé comme imaginé... Et ça, il ne l'a pas oublié.

Hervé Koffi : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Lens est une seconde chance<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Est-ce que l’on doit t’appeler le Black Cat ?

(Il sourit.) C’est un surnom qui n’est pas connu par tous. Les supporters burkinabés connaissent, généralement, ce surnom. C’est plus là-bas qu’on m’appelle comme ça. C’est un nom caché. Moi, je ne le dis pas. Ça concerne ma manière de jouer, mes réflexes sur le terrain, mes arrêts… Mais je n’ai jamais dit à quelqu’un de m’appeler comme ça !

D’où il sort alors ce surnom ?

Ça date de la CAN 2017, je jouais encore en Afrique. Sur un plateau TV, un journaliste estimait que, sur mes prises de balle, ma détente, on avait l’impression d’un chat dans les buts. C’est parti de là.

Comment es-tu devenu gardien ?

J’avais 12 ou 13 ans. On m’a proposé d’intégrer un centre de formation. Le coach disait : « Tes amis m’ont approché, ils t’ont vu au quartier. Apparemment, tu étais bon dans les buts. Tu n’étais pas mauvais à ton poste dans le champ, mais on veut t’essayer dans les buts. » Au début, j’étais quatrième gardien. Il n’y avait pas d’entraîneur spécifique. Donc j’ai décidé de revenir chez moi, dans ma ville natale. Il y avait un test pour entrer dans le club du Rahimo FC. J’y suis allé avec mon équipe du quartier. J’ai été retenu. On est en 2012. C’est vraiment là que j’ai reçu une formation de gardien et que je prenais du plaisir. Je ne voulais pas rentrer dans ma chambre après les séances, mais continuer à travailler. Mais je ne me voyais jamais arriver à ce niveau, aujourd’hui. Plus jeune, dans un coin de ma tête, je voulais ressembler à mon père, footballeur et international. Quand je voyais ses photos, ça me donnait envie.

 

Plus jeune, dans un coin de ma tête, je voulais ressembler à mon père, footballeur et international. Quand je voyais ses photos, ça me donnait envie.

Il t’a poussé, ton père ?

Oui, mais en m’encourageant à ne pas abandonner les études. Il n’était pas très présent, car il était entraîneur dans une autre ville. Je restais avec ma mère. La chance que j’ai eue, c’est que lorsqu’il a rejoint ce club, ça m’a conduit à un test et à ce centre de formation. J’étais à l’internat. Ça m’a aidé à rester focalisé sur le foot et son apprentissage. Si j’étais resté dehors, avec mes amis, je n’aurais pas été si concentré, mon père n’étant pas là.

Qu’est-ce que tu as pris de lui ?

Beaucoup de choses. C’était quelqu’un de très, très discipliné, de courageux, qui n’abandonne jamais. Je me souviens de la première chose qu’il m’a dite lorsque je lui ai annoncé que je voulais être gardien de but : « Je connais le métier. Je sais qu’être gardien n’est pas facile. Je ne serai pas contre ta décision. Tu l’as décidé. Je te suivrai. Je te donnerai les conseils qu’il faut. Mais sache que, pour un gardien de but, africain… Tu as très peu de chances d’être professionnel. Pour l’être et jouer en Europe, il faut travailler trois à quatre fois plus que les joueurs de champ.. »

C’est resté dans ta tête…

Ouais. À chaque fois que je partais à l’entraînement ou quand c’était dur, je repensais à ça. Ça me donnait l’énergie et le courage de travailler.

En 2012, tu reçois ta première vraie formation de gardien. Cinq ans après, tu termines troisième de la Coupe d’Afrique des nations avec de sacrées performances individuelles…

Je démarre vite dans les équipes nationales de jeunes. Puis, ensuite, je suis transféré à l’ASEC Mimosas (Côte d’Ivoire). Mais c’est vrai que cette CAN change tout.

 

À quel point ton tir au but raté en demi-finales face à l’Egypte te hante encore (il était le 4e tireur de son équipe, NDLR) ?

(Il sourit.) À cette époque, j’étais encore jeune, j’avais ce manque d’expérience… J’ai encore ces images en tête. Mais pas au point de m’affaiblir… Pour effacer ces images, il faudra remporter la CAN. J’espère le faire avec l’équipe nationale.

Mais dans cette CAN, il s’est passé quelque chose…

Après les deux premiers matchs, j’ai eu pas mal d’approches. Les choses ont commencé à changer. Avec tout ce qu’il se passait autour de moi, je me demandais si je n’étais pas en train de rêver. Des clubs envoyaient des gens pour me parler. Je crois qu’il y avait Bastia, Nantes, Nice et d’autres clubs en Norvège, Autriche… Mais tout est arrivé d’un coup.

Cela fait sept ans que tu es arrivé en Europe : comment regardes-tu ta carrière jusqu’ici ?Je dirais que Lens est une seconde chance pour me rattraper.

 

Je ne m’apitoie pas sur mon sort, je suis arrivé jeune à Lille, je ne savais pas ce qui m’attendait. Je n’imaginais pas à quel point les choses pouvaient aller vite et à quel point tout pouvait s’effondrer d’un coup.

Pourquoi ?

J’ai eu la première occasion de prouver et de montrer ce que je valais. On peut dire que je n’ai pas pu saisir cette chance (à Lille, où il est resté quatre ans sous contrat, avec deux prêts au Portugal et en Belgique, NDLR). Je ne m’apitoie pas sur mon sort, je suis arrivé jeune, je ne savais pas ce qui m’attendait. Je n’imaginais pas à quel point les choses pouvaient aller vite et à quel point tout pouvait s’effondrer d’un coup. Je n’ai pas baissé les bras. J’ai été très, très fort mentalement. Je remercie Dieu aussi pour ça. J’ai eu cette chance de faire ces saisons en Belgique (Mouscron, Charleroi). J’ai toujours continué à travailler dur pour pouvoir avoir l’opportunité d’aller voir plus haut.

Si on te dis le 27 octobre prochain…

Le derby (contre Lille)…

Tu as hâte ?

Très ! D’abord pour l’ambiance. Au fond de moi, je sais ce qu’il va se passer concernant les supporters de l’autre côté.

Pourquoi ? J’ai reçu pas mal de messages d’une partie des supporters sur les réseaux sociaux.

Des messages malveillants ?

Oui.

Ça t’a touché ?

Pas vraiment, mais bon… Je me dis qu’ils ne savent vraiment, vraiment pas ce qu’il s’est passé (pour lui au LOSC). Je laisse ça derrière, le plus important est le présent et le futur. Je suis focus sur la saison à venir. Je suis à Lens, je ferai tout pour pouvoir faire plaisir à tous les supporters, à toutes ses personnes qui se battent jour et nuit pour ce club.

 

On sent que tu gardes un souvenir amer du LOSC…

(Il sourit.) On peut aussi dire que c’est grâce à eux si je suis arrivé en Europe. Mais, oui, les choses ne sont pas passées comme souhaitées.

On ne va pas refaire toute l’histoire : tu pars pour un second prêt à Mouscron en 2020. L’idée : si ta saison est satisfaisante, tu prends la suite de Mike Maignan. À quel moment comprends-tu que tout ne va pas se passer comme promis ?

La saison n’était pas encore finie à Mouscron. Mon agent m’appelle et m’explique que, soi disant, la direction avait changé. Et j’étais tout en haut de la liste pour un départ. On ne voulait pas me garder. Je pouvais commencer à chercher un club. À Mouscron, on est derniers, mais je finis meilleur joueur de l’équipe malgré beaucoup de buts encaissés. J’ai eu beaucoup de titres d’homme du match, j’ai été plusieurs fois dans l’équipe type. Je termine troisième meilleur gardien de la saison en Belgique, avec le plus d’arrêts effectués derrière (Simon) Mignolet. À partir de ce moment, tout pouvait s’arrêter là !

 

Si les clubs commencent à faire confiance aux gardiens africains, c’est aussi grâce à Edouard Mendy ou Andre Onana.

Tu avais vraiment imaginé que ta carrière pouvait être finie ?

Je suis en Afrique, en vacances. Je me demande ce que je vais faire. Il y avait la pression, le stress… Je ne parlais plus à mon agent, ce n’était pas normal que je sois sans club ! Il me disait qu’il était en contact avec pas mal de clubs, notamment en Ligue 2, mais sans que je sois titulaire… C’était vraiment difficile. J’étais vraiment énervé. On a repris contact, il m’a parlé de Charleroi. Ça s’est très bien passé, et j’y suis allé.

Tu parlais du discours de ton père sur la difficulté de réussir en Europe lorsqu’on est un gardien africain. Quel est ton regard là-dessus aujourd’hui ?

Les choses ont changé. Edouard Mendy a remporté la Ligue des champions (avec Chelsea). Onana est allé en finale (avec l’Inter). On a toutes nos chances de relever ce défi. Je peux les remercier. Si les clubs commencent à faire confiance aux gardiens africains, c’est aussi grâce à eux. Ils ont montré qu’on pouvait leur faire confiance. À nous de travailler dur pour montrer à tout le monde qu’on peut aussi le faire et ouvrir la voie aux autres en Afrique.

Aujourd’hui, qu’est-ce que Lens peut t’apporter dans ta progression ?

Beaucoup de choses. Et je sais qu’ils vont m’apporter énormément. Je sais pourquoi je suis là. Je sais que je vais avoir ma chance.

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