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Henrichs, couteau suisse allemand
Le jeune international formé au Bayer Leverkusen s'est engagé cette semaine avec l'AS Monaco pour cinq saisons. Mais pour jouer où ?
Un large sourire, une élégance naturelle et un discours maîtrisé oscillant entre humilité et ambition : Benny Henrichs n’avait pas vingt-quatre heures de présence sur le Rocher qu’il avait déjà compris comment y survivre. Parmi la dizaine de recrues estivales du club de la Principauté, il est vrai que le joueur de 21 ans ferait presque figure de joueur d’expérience, ayant déjà connu les éloges et le retour à l’ombre en un peu moins d’une centaine de matchs professionnels. Il y a deux saisons, Joachim Löw en faisait un international précoce, l’appelant régulièrement jusqu’à la Coupe des confédérations, avant de finalement le laisser à disposition des Espoirs quand la Coupe du monde s’est approchée. Car si Henrichs a vite affolé les scouts d’Europe et jouit d’une excellente réputation – en témoigne le prix de son transfert, estimé entre 20 et 25 millions –, il s’est aussi envolé de son club formateur parce qu’il y stagnait depuis un peu plus d’un an et le départ de son mentor, Roger Schmidt.
« Mini-Lahm »
L’ancien entraîneur du Bayer Leverkusen a fait basculer le destin d’Henrichs un soir de naufrage contre le Werder, en mars 2016. Hilbert blessé à un quart d’heure du terme de la rencontre, Schmidt lance dans le couloir droit de sa défense son jeune milieu offensif, jusque-là habitué à claquer des passes décisives en 10 avec les U19 et la réserve du club. Préméditée en stage lors de la trêve hivernale, la reconversion s’officialise les semaines suivantes. Benny Henrichs ne devient pas latéral droit, mais carrément latéral numéro trois. À gauche ou à droite, dès qu’un titulaire s’absente, la place est pour lui. Jusqu’à rapidement s’approprier les deux côtés, en changeant selon les envies tactiques du coach et la forme de ses coéquipiers. Fort au duel, roi de l’interception, facile techniquement et bon contre-attaquant, il écœure plus d’un adversaire la saison d’après en Ligue des champions.
Mais c’est lors d’une affiche contre Dortmund qu’il marque définitivement les esprits en Bundesliga. Rudi Völler s’empresse de prolonger son prodige et ose la comparaison qui est sur toutes les lèvres. La hype du « mini-Lahm » est née. Et Löw l’alimente en le sélectionnant dans la foulée, l’adoubant de facto comme le potentiel héritier d’un pays orphelin de latéraux. À l’été 2017, Manchester City et le Bayern viennent aux renseignements, mais les exigences du Bayer sont déjà à la hauteur des espoirs suscités par le joueur. Ils vont se rabougrir. Le nouvel entraîneur, Heiko Herrlich, peine à trouver la bonne formule pour lancer sa saison. Testé en défense centrale dans un système à trois, Henrichs ne convainc pas. Et quand Herrlich revient à un schéma plus classique, il privilégie le capitaine Lars Bender et la bonne pioche Panagiotis Retsos au poste de latéral droit. Si Henrichs existe toujours dans la rotation, dans les deux couloirs ou parfois même en milieu relayeur – poste auquel il a également joué plus jeune –, la couronne de lauriers finit par s’effeuiller.
Henrichs, un poste fixe ?
C’est donc un joueur à l’ascension interrompue qui vient de se poser sur le Rocher. En conférence de presse, Vasilyev, tout en soulignant sa polyvalence, l’a avant tout présenté comme un potentiel titulaire au poste de latéral droit, un secteur pourtant déjà très fourni au sein de l’effectif. Mais la condition physique de Sidibé – qui a refusé une opération du ménisque avant la Coupe du monde – semble toujours aussi floue, alors que l’émancipation de Pierre-Gabriel paraît, elle, à la fois incertaine et lointaine. Reste le cas Almamy Touré, lui aussi promis à un grand destin dès ses débuts, mais en pleine stagnation, voire en régression depuis un bon moment. En fin de contrat en juin prochain, le Franco-Malien a décidé de rester malgré la concurrence. On lui prête l’intention de retrouver un rôle à son poste de formation : défenseur central. L’hypothèse n’est pas farfelue. Elle répartirait les forces défensives de façon plus équilibrée. À gauche, le terrain est un peu plus dégagé, mais la recrue Barreca a plutôt fait bonne impression.
S’il est donc envisageable que Jardim fasse de l’Allemand son défenseur à tout faire – un Raggi haut de gamme –, il serait presque étonnant de ne pas voir le caméléon Henrichs s’offrir une nouvelle peau entre les mains du Portugais. Inquiet du manque d’équilibre de son équipe, dû autant à l’insuffisant volume de la paire Aholou-Tielemans qu’au profil trop peu travailleur de la plupart de ses offensifs, l’entraîneur monégasque n’est plus à une expérimentation près. « À droite ou à gauche en défense, ou au milieu : je jouerai où le coach me le demandera. Il n’y aura pas de problème » , a promis Henrichs. Il n’en faut pas tellement plus pour amadouer un bricoleur du dimanche soir.
Par Chris Diamantaire