- France – Ligue 1 – Le joueur de la 25e journée
Henri 3, le roi Lyon
Lyon pensait manger des pâtes au ketchup toute la saison, puis est venue l’heure de la gauche caviar. Étincelant sur son couloir, le Lion Henri Bedimo est indomptable. Homme de base de Girard lors du titre de Montpellier, il est la grande satisfaction de Rémi Garde depuis le début de la saison. Focus sur une patte folle.
« Happy in my office. » Bedimo.com, site de vente de « mobilier de bureau et aménagement d’espace » ne pouvait pas mieux choisir sa petite phrase d’accroche. Libre comme l’air dans son immense bureau de forme rectangulaire et de couleur verte, Henri Bedimo est un homme heureux comme William Sheller. Un bonheur communicatif puisque l’international Camerounais, arrivé à Lyon cet été pour 2 millions d’euros, donne autant de plaisir qu’il en prend. Plus discret que le crack Grenier, ses roulettes et ses mines de loin, moins métamorphosé que le Lacazette nouveau, le natif de Douala réalise néanmoins une saison exceptionnelle. Impressionnant ce dimanche lors de la victoire des Gones face à Ajaccio (3-1), le latéral gauche revient sur le devant de la scène après un exercice 2012-2013 plus compliqué. Homme décisif du sacre montpelliérain il y a deux saisons, Bedimo, 29 ans, est peut-être le meilleur latéral gauche de Ligue 1. Rien que ça.
Grosses cuisses et reins brisés
« Je n’ai pas vu les autres matchs, mais contre nous, Bedimo volait. Il était facile, vraiment bien en jambes. Il a envoyé beaucoup de centres tout en n’étant pas inquiété défensivement. À ça, il rajoute une passe décisive, un bon match, quoi… » Si Ricardo Faty, victime de l’ouragan Bedimo ce dimanche avec l’AC Ajaccio, s’appelait Doc Gyneco, il aurait sûrement eu l’inspiration nécessaire pour écrire Passements de jambes. Oui, Bedimo flambe, enchaîne les mises à l’amende et n’en finit plus de donner du boulot aux archéologues des années 3000, qui retrouveront des ossements de défenseurs de Ligue 1 lors de drôles de fouilles. Cette saison, ils ne sont pas nombreux à pouvoir se targuer d’avoir pu contenir le Camerounais. Ils ne sont pas plus à pouvoir affirmer qu’ils ont fait vivre l’enfer défensivement à l’ancien Montpelliérain. C’est cette dualité, cette capacité à produire les efforts dans les deux sens indispensable au fameux « latéral moderne » qui permet à l’intéressé de briller. « Offensivement, il est doué, évidemment. Mais le plus fou, c’est sa puissance et ses grosses cuisses. Sa capacité à reproduire les efforts » , se rappelle son ancien coéquipier Garry Bocaly. « Parfois, certains arrivent à le prendre à défaut, mais avec cette puissance, il parvient à repasser devant ses adversaires. Ça, pour un latéral, c’est très fort. Cette saison, il a mis un peu de temps à lancer la machine, car il a commencé à se préparer avec nous, à Montpellier. Maintenant, il est lancé. » Formé à Grenoble, Bédimo a toujours apprécié Lyon et a eu la chance d’arriver au sein d’une équipe qui lui permet de briller. C’est en tout cas l’avis de Ricardo Faty. « Le jeu de l’OL lui convient bien, surtout le milieu en losange. Il est bien entouré et bien servi. Bafé et Briand sont toujours à la réception de ses centres et avec Gonalons et Grenier, il a toujours le ballon où il faut. » Auteur de six passes décisives depuis le début de la saison, le Camerounais a récemment avoué avoir la dizaine en guise d’objectif. Titularisé à 24 reprises en Ligue 1 et jamais sorti par Rémi Garde depuis le début de la saison, l’ambitieux devrait avoir le temps de s’exprimer.
Étiquettes, ours et mégaphone
De toute façon, Bedimo n’est pas du genre à la fermer. « Déjà, il faut savoir que Henri, c’est un mec qui parle super fort. Quand il est dans le vestiaire, si tu es au centre d’entraînement, tu le sais. Et puis bon, parfois il essaye de faire semblant qu’il connaît des expressions de dingue » , rigole Garry Bocaly. Le calendrier affiche la date du 11 mars 2012, le Montpellier tout puissant vient de frapper Caen 3 à 0, et Henri Bedimo, visiblement fan d’Abdeslam Ouaddou, sort le grand jeu au micro d’Hervé Mathoux : « Aujourd’hui, on ne va pas se permettre de tuer l’ours avant la fin du championnat. » De retour avec la réserve héraultaise après une longue blessure, Bocaly s’en souvient comme si c’était hier : « Ça, je peux te dire que c’est resté. Il a pris très, très cher. » Aussi clown en dehors que sérieux sur le terrain, Bedimo savoure après des moments difficiles. Après Grenoble, le Camerounais passe à Toulouse, puis écume la Ligue 2 pendant quatre ans, au Havre puis à Châteauroux avant son éclosion à Lens. De ses propres dires, c’est là-bas qu’il a « gagné en maturité sur la transition attaque-défense » . C’est également dans le Nord qu’il a pris une habitude un peu folle généralement réservée aux enfants qui partent en colonie de vacances : avoir une étiquette avec son nom sur ses vêtements. « Ça a commencé à Lens : il y avait des mecs qui oubliaient des bonnets, des gants, etc. Et comme j’arrivais toujours à la bourre, il me manquait toujours des équipements. Et le jour où il te manque un cuissard à Lens, t’es marron tellement il fait froid ! Un jour, je me suis plaint en rentrant chez moi et mon petit cousin m’a dit de me faire broder mon nom sur mes affaires. Donc, depuis ce jour, oui, mon nom est toujours marqué » , rigolait-il dans les colonnes de L’Équipe. Après tout, c’est bien beau d’être heureux à son bureau, mais encore faut-il y être en sécurité.
Par Swann Borsellino