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Helena Costa : une femme et une tête pour entraîner Clermont
Exit Régis Brouard, le 14e de Ligue 2 a décidé d’engager pour la saison prochaine Helena Costa. Oui, une femme. À 36 ans, cette Portugaise a déjà une longue carrière derrière elle. Formatrice pour Benfica, sélectionneur au Qatar et en Iran, Costa appartient aussi à la tradition portugaise des entraîneurs formés sur les bancs de la fac. Portrait.
Une femme pour entraîner une équipe professionnelle masculine, le handball avait montré la voie. Depuis février dernier, la Roumaine Elena Groposila dirige le club de Dijon en D1, même si en pratique l’ancienne internationale laisse la direction de l’équipe à Ulrich Chaduteaud, entraîneur sans diplôme. Helena Costa, elle, ne débarque pas en Auvergne pour servir de prête-nom. À partir de la saison prochaine, la Portugaise va entraîner l’actuel 14e de Ligue 2. Avec cette annonce, le club auvergnat a surpris son monde. « Cette nomination doit permettre au Clermont Foot 63 d’entrer dans une nouvelle ère, en s’appuyant sur un groupe de 17 joueurs actuellement sous contrat, auxquels s’ajouteront de jeunes joueurs issus du club » , peut-on lire dans le communiqué publié sur le site du club. « Ce n’est pas un coup de pub » , assure le Clermont Foot, contacté par 20 Minutes.
Mais qui est Helena Costa ? Issue d’une famille « où personne ne s’intéresse au foot » comme elle l’avoue, Costa est arrivée à sa carrière d’entraîneur actuelle en passant par les bancs de l’université. Avant elle, Carlos Queiroz, José Mourinho ou encore Vítor Pereira (ancien entraîneur de Porto) ont effectué le même trajet. Une spécificité portugaise que théorisa un jour Manuel Sergio, le mentor de Mourinho et professeur de philosophie : « Le football, ce n’est pas une activité physique, c’est une activité humaine. Pour être un entraîneur de football, il faut être un spécialiste en sciences humaines et entraîner tout en même temps : le physique, le mental, la tactique. » Helena a été une étudiante brillante. Major de promotion de l’université des sciences et des sports de Lisbonne à la fin des années 90, elle a beaucoup écrit sur la méthodologie de l’entraînement comme en témoigne sa production universitaire.
Au Qatar, les familles refusent de lui libérer ses joueuses
Après la théorie, la jeune femme ressent très vite le besoin de se frotter à la pratique. À partir de 1999 et pendant 12 ans, elle écume les différentes équipes de jeunes du Benfica Lisbonne, des moins de 9 ans aux moins de 17. En 2008, la formatrice confie ses ambitions futures lors d’un reportage pour la télévision portugaise. « Je veux dédier ma vie au football, en faire mon métier. Cela peut être une équipe féminine ou masculine, je ne me ferme aucune porte. » Une femme parmi les hommes, forcément ça surprend un peu. Mais l’intéressée préfère en rigoler, comme lorsqu’elle raconte l’anecdote suivante : « Un jour, le coach de l’Estrella Amadora est venu me demander si j’étais le médecin ou la masseuse de l’équipe. Il ne s’était pas imaginé que je puisse être l’entraîneur des jeunes du Benfica. » En parallèle de la formation, Costa officie comme scoot au Portugal pour le Celtic Glasgow et enchaîne les stages pour voir de plus près la réalité du métier de technicien. Elle effectue l’un de ses stages lors du premier passage de Mourinho à Chelsea. De cette époque lui reste un surnom un rien misogyne : « La Mourinho en jupon » . Mais là encore, elle accueille plutôt bien la chose. « Je veux toujours gagner. Comme Mourinho. Donc sur cet aspect-là, oui, je veux bien qu’on me compare avec lui. »
En 2012, elle fait ses valises pour le Qatar pour prendre la direction de la sélection féminine. Dans un pays où femme et sport ne vont a priori pas ensemble, la Portugaise doit s’adapter à la culture locale, comme elle l’explique dans ce reportage de 2011. « Quand je suis arrivée, personne ne savait qu’il existait une sélection féminine au Qatar. Je vais tous les jours dans les écoles et les universités pour recruter des joueuses. Mais pour une question religieuse et culturelle, il arrive souvent que les familles refusent que leur fille joue au foot. Même pour l’équipe nationale. » Après deux ans et demi à Doha, elle met le cap sur l’Iran, toujours pour s’occuper de la sélection féminine. Avec, sans doute, dans un coin de sa tête, l’idée de diriger un jour une équipe masculine. D’ailleurs, lors de sa seule expérience, elle avait mené le Recreativa e Desportiva Cheleirense (un club amateur de Lisbonne) au titre de champion de sa division. Avec Clermont, c’est un tout autre défi qui s’offre à Helena Costa (qui présente l’avantage de parler français). Offrir pour la première fois de son histoire la Ligue 1 à Clermont.
Par Alexandre Pedro