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Hélder Cristóvão : « Lille est le club parfait pour Renato Sanches »
Ancien international portugais (35 capes), Hélder Cristóvão, passé notamment par Benfica et le PSG, n'a pas perdu de temps une fois sa carrière terminée. Désormais entraîneur d'Ettifaq en Arabie saoudite, l'ancien défenseur central a surtout coaché pendant cinq ans la réserve de Benfica. L'occasion de parler avec lui de la carrière de l'un de ses anciens protégés : Renato Sanches.
Quelle a été votre première impression lorsque vous avez vu débarquer Renato Sanches ?L’impression que j’ai eue est la même que j’ai quand je le regarde aujourd’hui. Celle d’un joueur explosif avec beaucoup de force, de joie de vivre. Un joueur dynamique avec une très bonne capacité d’appliquer la tactique aussi bien offensivement que défensivement. Et c’est pour tout ça que je n’ai pas hésité à lancer Renato alors qu’il n’avait que 16 ans. À ce moment-là, j’avais vu le niveau qu’il pouvait atteindre. Mais je crois que ce qui a fait la grande différence, c’est que Renato était heureux à cette époque-là. Ce qui n’était pas forcément le cas après.
Il n’avait que 16 ans lorsqu’il a commencé à jouer avec l’équipe B de Benfica. Ce n’était pas trop tôt ?Non, car nous savions qu’il avait le talent nécessaire pour répondre sur le terrain. C’était aussi le cas avec João Felix qui a, lui aussi, fait ses débuts à 16 ans avec l’équipe B. Et si vous voulez faire un parallèle entre eux, ils ont tous les deux remporté le titre de Golden Boy. C’est que nous avions raison dans notre choix. Renato est arrivé à 9 ans au Benfica. Il a été accompagné pendant des années et programmé pour être prêt à jouer en pro. Et même s’il n’avait que 16 ans, nous avions compris qu’il était temps pour lui de passer avec l’équipe B, car il avait le niveau pour.
Et les premiers matchs n’ont pas été trop difficiles pour lui ? Le premier match a été très difficile, c’est vrai. Il n’a joué que 45 minutes. Et il était vraiment frustré et énervé à la fin, car le match ne s’était pas bien passé. C’est là que l’entraîneur entre en jeu. Je lui ai dit que ce n’était pas un problème et qu’il jouerait encore le prochain match. Nous savions les capacités qu’il avait, et nous lui avons donné toutes les conditions pour qu’il se sente bien. Il a donc continué à jouer, il a fait des meilleurs matchs et au bout de trois ou quatre rencontres, il se démarquait déjà des autres joueurs.
Quelles étaient ses plus grosses qualités à l’époque ? Sa force déjà. Sa capacité à effectuer très rapidement les transitions offensives et défensives. Renato est un joueur très rapide. Et puis il a une capacité de frappe fantastique. C’est quelqu’un de très extraverti qui peut vraiment créer une bonne ambiance de jeu au quotidien. Il est très facile d’avoir une bonne relation avec lui. C’est pour ça qu’il a de nombreux amis. Il a eu une enfance difficile, mais heureuse. Et cela se ressent aujourd’hui qu’il a une bonne situation sociale, car il aime venir en aide aux autres. C’est une très bonne personne. En revanche, comme tous les joueurs de son âge, il avait du mal à réussir à prendre les bonnes décisions rapidement. Et il manquait aussi un peu de culture tactique. Notamment sur le respect de la position. Mais il n’y a qu’à le voir jouer aujourd’hui pour comprendre que ces lacunes sont complètement comblées.
Vous avez passé cinq ans avec l’équipe B de Benfica. Est-ce que Renato est le joueur le plus impressionnant que vous avez eu sous vos ordres ? Forcément, Renato et João Félix ont marqué les esprits, car ils ont commencé à jouer à 16 ans avec nous et ont remporté le titre de Golden Boy dans la foulée. Mais en cinq ans, j’ai vu passer de très bons joueurs comme Bernardo Silva, João Cancelo, Nelson Semedo, Gonçalo Guedes, Victor Lindelöf, André Gomes. Et je pourrais continuer à en énumérer beaucoup. C’est donc impossible pour moi de choisir un footballeur parmi eux.
Est-ce que vous avez été impressionné par ses premiers matchs en pro ? Je savais qu’il allait réussir. Le passage de l’équipe B à l’équipe A s’est effectué de manière naturelle. Le Benfica ne laisse pas n’importe qui venir en A. Le joueur arrive quand il est prêt. Et c’était son cas. Un peu comme Ruben Dias récemment qui était un très bon joueur de l’équipe B et qui maintenant est un titulaire indiscutable de la A et un joueur de la sélection portugaise.
Pour rester sur la sélection portugaise, qu’avez-vous pensé de son Euro 2016 ?Sa présence a été primordiale dans le succès du Portugal. Il a su apporter de nouvelles choses à l’équipe. Une certaine irrévérence, une stabilité offensive. Et il a aussi marqué un but important contre la Pologne en quarts de finale. Je n’ai d’ailleurs pas été surpris de le voir tenter et marquer son tir au but dans ce match, car il a du caractère et de la personnalité. Mais aussi car il tirait déjà les penaltys avec moi.
Dans la foulée de l’Euro 2016 il signe au Bayern Munich. Finalement, n’est-il pas parti un peu trop tôt ? C’est un choix de carrière et je peux comprendre qu’il ait signé au Bayern Munich, car c’est un grand club. Mais je pense qu’il a manqué un peu de patience, car c’était difficile d’arriver au Bayern qui avait déjà des joueurs formidables. Difficile de s’intégrer rapidement dans une philosophie différente de ce que l’on a connu. Une fois là-bas, il a encore manqué de patience, car il aurait pu continuer de grandir en attendant d’avoir sa place. Car je pense que Renato a le niveau pour jouer au Bayern. À son retour de prêt, il a montré qu’il avait pris de la maturité, mais il était toujours frustré de ne pas jouer. Et Lille est venu le chercher pour lui permettre de jouer. Et on peut voir qu’il est heureux maintenant. Il n’y a qu’à voir la façon dont il joue, dont il communique avec ses collègues. Renato a besoin de se sentir important pour être heureux. Et il a besoin d’être heureux pour bien jouer. Finalement, je pense que le problème à Munich a été plus social que sportif. Il ne parlait pas la langue, il quittait pour la première fois son cocon. La vie en Allemagne n’est pas la même qu’au Portugal. Et quand en plus tu ne joues pas…
Il y a ce passage en prêt à Swansea où Renato ne semble être que l’ombre de lui-même. Est-ce qu’à ce moment-là, vous vous êtes dit que la meilleure partie de sa carrière était derrière lui ? Non car je connaissais son potentiel. C’était juste une mauvaise période à traverser. Il n’était pas heureux là-bas. Il a besoin d’un cadre autour de lui pour se sentir bien, d’un club avec une bonne stabilité comme le Bayern ou Lille. Les gens ont alors commencé à remettre son niveau en question. Et lui-même était dans une période de doute. Mais ses proches savaient que cela cesserait dès qu’il jouerait dans une autre équipe. Et ils avaient raison. Je l’ai eu trois ou quatre fois au téléphone lorsqu’il était à Swansea pour le rassurer notamment.
Est-ce que vous pensez que Lille est le club idéal pour le relancer ? Pour l’instant, oui, c’est le club parfait pour lui. Il est heureux là-bas. C’est un club qui lui a fait confiance en l’achetant. C’est très important de préciser que le club a acheté Renato. C’est un signal des espoirs placés en lui. Les déclarations de l’entraîneur et du directeur sportif à son sujet aussi n’ont fait que lui redonner la confiance. Il se sent désiré, aimé et c’est dans cette situation qu’il est le meilleur. Et puis l’environnement est parfait pour lui avec un directeur sportif portugais, des joueurs portugais qu’il connaît comme José Fonte.
Christophe Galtier, l’entraîneur de Lille, le fait jouer milieu gauche en ce moment. Est-ce une bonne idée selon vous ? Je pense que Renato peut jouer dans toutes les positions du milieu de terrain. Il a la vélocité et la technique pour jouer sur un côté. Et il a moins de tâches défensives à effectuer, ce qui lui permet alors d’être plus efficace offensivement. Moi, je ne l’avais jamais fait jouer à ce poste. Avec moi, il jouait comme milieu relayeur au sein d’un 4-3-3. Et je pense que c’est là où il est le meilleur. Mais, si vous jouez en 4-4-2 ou en 4-2-3-1 comme Lille, alors sur le côté, il peut être parfait. Aussi bien avec que sans le ballon. Cela lui donne la liberté d’attaquer comme il veut et de jouer relâché.
Propos recueillis par Steven Oliveira