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Hein Vanhaezebrouck, le système V
Le coach dont la difficulté de prononciation du nom de famille n'a d'égal que les compétences tactiques, et le sens de la débrouille est, mine de rien, en train de transformer la Jupiler League avec La Gantoise. Quand il ne commet pas d'attentats médiatiques lors de mémorables conférences de presse. Portrait d'un homme à la dégaine de première ligne qui utilise Google comme Football Manager.
Le 13 juillet dernier, l’éminente revue de football anglaise FourFourTwo avait fait paraître son top 50 des meilleurs entraîneurs du monde. Si son quinté de tête était attendu avec, dans l’ordre Mourinho, Guardiola, Luis Enrique, Simeone, Allegri, le reste du classement avait réservé quelques surprises. Pas de Nuno ni de Bielsa, par exemple. Mais quelques nouveaux patronymes, dont le maxillaire Hein Vanhaezebrouck, quarante-septième du classement, bien au chaud entre Bruce Arena des Los Angeles Galaxy et le sélectionneur de la République tchèque, Pavel Vrba. Et pour cause : le natif de Courtrai a offert à La Gantoise son tout premier titre en Jupiler League – en cent quinze ans d’existence – deux mois plus tôt. « Vanhaezebrouck est peut-être un illustre inconnu à l’international, mais il est énormément respecté en Belgique. À Courtrai, le club était obligé de vendre ses meilleurs joueurs chaque saison, mais il trouvait toujours une solution » , annonçait alors le journaliste Michael Yokhin pour justifier le choix de l’entraîneur belge.
De l’ambition, de la possession et des cruijffismes
Surtout, si Vanhaezebrouck a remporté un inattendu sacre à la tête de La Gantoise, cela ne l’a pas empêché de le faire avec la manière. Dans un championnat plus connu pour bétonner en défense que pour se projeter vers le but adverse, le jeu résolument offensif des Buffalos fait office de football champagne en même temps qu’une véritable opposition de style avec le jeu tout en passes courtes du FC Bruges de Michel Preud’homme. C’est que Vanhaezebrouck est arrivé à La Gantoise avec des idées bien arrêtées sur le football, avec son schéma 3-5-2 modulable en 5-3-2 ou 4-5-1 en fonction de ses adversaires, et un leitmotiv de la possession (59% sur la phase de saison régulière l’année dernière) tel que l’ancien défenseur de Lokeren pastichait un fameux « cruijffisme » dans une longue interview donnée à La Dernière Heure en septembre dernier : « Tant qu’ils n’ont pas la balle, ils ne peuvent pas marquer. »
Un homme plein de principes qui se permet même de distiller ses bonnes idées aux autres par voie de presse, comme la fois où il conseilla à Marc Wilmots de descendre d’un cran, voire deux, l’ailier de Tottenham Nacer Chadli pour pallier le problème récurrent de latéral droit en sélection belge. Et autant dire que Vanhaezebrouck n’est pas près de s’arrêter en si bon chemin. À rebrousse-poil d’un adage qui veut que tous les Flamands soient sobres et humbles, le technicien belge n’a aucune honte à reconnaître la confiance qu’il place en lui-même. Lors du tirage de Ligue des champions, ce dernier avait d’ailleurs déclaré : « On peut rêver de la troisième place, bien sûr, mais peut-être même de la deuxième, voire de la première place. » Vers l’infini et au-delà.
« Faites vos valises et rentrez à la maison »
Un comportement qui lui avait joué des tours lors de son court passage du côté de Genk en 2009. Vanhaezebrouck sortait alors de trois saisons pleines avec Courtrai, durant lesquelles il avait remporté la deuxième division belge, puis maintenu son équipe en Jupiler League. Convaincu par ses idées malgré des résultats médiocres, et critiquant de fait tous les agissements de l’équipe dirigeante, l’homme a la dégaine de pilier irlandais avait dégagé au bout de quelques mois seulement. Retour au KV Courtrai dans la foulée. Un mal pour un bien : les Kerels finiront la saison 2009-2010 à la quatrième place du championnat et ne quitteront plus la première moitié de tableau les saisons suivantes. Désormais, les seuls moments d’egotrip du bonhomme s’apprécient en conférence de presse, s’en prenant à ses deux victimes préférées.
D’une part, les instances arbitrales : « Regardez l’attentat d’Anthony Vanden Borre sur Simon Moses à Anderlecht. Toute la Belgique a trouvé cette faute scandaleuse. La review commission n’a même pas poursuivi Vanden Borre. Autant fermer boutique alors, hein. Je suis sérieux. À l’intention des cinq personnes qui font partie de cette mission : « Faites vos valises et rentrez à la maison. » Vraiment » , avait-il déclaré en conférence de presse. D’autre part, l’ennemi historique pour le gars de Courtrai qu’il est, le rival flamand du FC Bruges. Pèle-mêle, Vanhaezebrouck avait critiqué l’arrivée de Garrido chez les Blauw-Zwart en 2012, puis pris la défense d’Yves Vanderhaeghe, le coach de Courtrai, en assénant à Michel Preud’homme un « Si j’étais lui, je me tairais » il y a quelques mois. L’entraîneur roux avait également réclamé des excuses au board du FC Bruges lorsque Víctor Vázquez l’avait accusé de lui avoir dit au bord du terrain : « Tu peux vraiment jouer au football avec le nez cassé ? Mes joueurs sont au courant. Ils vont t’assassiner. »
Coach vocal et recrutement sur Google
Mais s’en tenir aux déclarations sulfureuses de Hein Vanhaezebrouck serait minimiser le talent qu’a ce dernier dans la gestion des hommes et des ressources. Depuis son arrivée dans le football belge, l’entraîneur de La Gantoise est réputé pour faire beaucoup avec finalement peu. Si les Buffalos sont champions de Belgique, ils le doivent notamment à Laurent Depoitre, néo-Diable rouge que Vanhaezebrouck est allé chercher à Ostende. Ils le doivent également à la renaissance de Renato Neto autant qu’à l’émergence de la pépite nigériane Moses Simon (20 ans). Aussi, Hein Vanhaezebrouck, ce sont des méthodes peu orthodoxes. Sa dernière facétie en date ? Le recrutement d’un coach vocal pour ses joueurs, comme il l’expliquait à La Dernière Heure : « Ici, on est entre trois autoroutes, il y a beaucoup de bruit : on n’entendait personne. Ils parlent, c’est vrai, mais on ne les entend pas. Donc on est en train d’entraîner la force de la voix avec des exercices vocaux, comme les chanteurs. Ça doit devenir un automatisme, pour ne pas devoir y réfléchir parce que, sur le terrain, c’est beaucoup plus difficile, tu es en train de courir, de changer de direction… Mais si tu es dans une position de spectateur, d’organisateur, à ce moment-là on doit t’entendre. »
En 2007, le technicien belge, alors entraîneur de Courtrai, s’était également fait remarquer pour avoir scouté l’attaquant néerlandais Istvan Bakx via… Google en tapant les mots clé « attaquant gaucher » . De la pure débrouille qui ne refroidissent absolument pas les spécialistes du football du Benelux, bien au contraire. Ces derniers ne tarissent pas d’éloge envers l’ancien coach de Courtrai et voient un avenir radieux pour le rouquin de Courtrai. Walter Baseggio, l’ancien défenseur historique des Mauve et Blanc, déclarait récemment dans les colonnes de Het Laatste Nieuws qu’il voyait Vanhaezebrouck comme « un coach absolument fait pour Anderlecht » . Quant à Aad de Mos, l’ancien entraîneur de l’Ajax, du PSV et du Werder Brême, prévenait également dans le même journal : « Si j’étais directeur technique de l’Ajax, je prendrais de suite Vanhaezebrouck. » Frank de Boer, placé en trente-septième position du top 50 de FourFourTwo, est prévenu.
Par Matthieu Rostac, à Amsterdam