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Heavy metal football : Liverpool a baissé le son
À partir du samedi 1er avril, Liverpool va affronter Manchester City, Chelsea et Arsenal en l’espace de huit jours… Une passe de trois cruciale pour les Reds, sixièmes de PL, qui refait surgir une interrogation fondamentale : mais où en est donc le heavy metal football de Klopp ?
« Arsène Wenger aime la possession, le beau jeu de passes. C’est comme un orchestre. Mais ça sonne silencieux, hein ! Moi, c’est le heavy metal que je préfère. Je veux toujours le gros son, que ça fasse boom ! » Signé Jürgen Klopp en novembre 2013. À la tête de son Borussia Dortmund, véritable machine de guerre noisy, il conceptualisait ainsi son « heavy metal football ». Mais c’est quoi au juste, ce mix explosif ?
Du Mur du son au Mur jaune…
« Qui n’aime pas Iron Maiden ? », se marrait Jürgen dans So Foot en octobre 2019. « Je devais avoir deux disques de Kiss chez moi quand j’étais très jeune. J’ai eu ma période, mais c’est derrière moi. » À la base, Kloppo est de la génération métal des années 1970-1980, celle du latex et cuir clouté des Def Leppard, Scorpions, Judas Priest, Saxon, Trust, Metallica et Iron Maiden, donc. En 1982, Jürgen était un ado de 15 ans quand les Maiden avaient sorti un des albums cardinaux du genre, The Number of the Beast. Un opus qui a certainement résonné dans ses tympans… À l’époque, l’impayable chanteur de Van Halen, David Lee Roth, avait livré pour Rock & Folk la formule basique du heavy metal : « Une couche de guitare, plus une couche de batterie, plus une couche de guitare, plus une couche de basse, plus une couche de guitare, plus une voix, plus une couche de guitare, plus une couche de guitare, plus… » Le big sound, quoi, très brut, compact ! Voilà pour la prod studio.
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Sur scène, c’est l’intensité à l’état pur : on joue en général à cinq, baskets montantes aux pieds. On speede le tempo avec des sprints à haute intensité et on attaque les riffs killers dix fois plus fort. On occupe la scène en s’appuyant d’abord sur une grosse base défensive, en bloc, avec un batteur à double grosse caisse, cymbales et fûts à profusion, et un bassiste qui pilonne au médiator. Mais on défend ensemble en avançant sur la foule ! On attaque à trois avec un chanteur lead et deux guitaristes qui alternent rythmiques/solos. Les trois de devant se projettent au-devant de la scène, prennent la profondeur (vocale et instrumentale) et marquent de la tête (head banging) pour faire rapidement le break au score, puis mettre KO les premiers rangs ! Au début des années 2010, devant le Mur jaune du Signal Iduna Park, on retrouve un peu de cette furia heavy mastoc dans le Borussia Dortmund de Klopp. Des offensifs speedés comme Lucas Barrios, Kagawa, Götze, Reus, tous en back up du lead singer Lewandowski et qui attaquent ensemble en essaim d’abeilles. Derrière, une grosse base défensive Weidenfeller-Subotic-Hummels-Bender et deux latéraux choristes, Schmelzer et Piszczek…
Un Liverpool Soft Metal ?
Pour bien faire cracher les amplis Marshall, les Jaune et Noir puis les Reds de Klopp à partir de 2015 pratiquent le gegenpressing et les sprints à haute intensité en maintenant la compacité du bloc et en créant des surnombres dans les zones cruciales. « Maîtriser les distances, c’est la clef du jeu : tu décides de la taille du terrain, de ses dimensions », professe Klopp au contrôle de la sono. Le reste, c’est de la sueur, comme lors d’un live festival, balance Hard Klopp à ses joueurs dans So Foot : « L’essentiel de notre tâche, c’est de mettre nos tripes sur le terrain. Pas de phases d’observation, d’attentisme, ne perdez pas de temps. C’est le moment ou jamais. C’est NOW ! Moi, j’aime le football combatif, pas le foot de maîtrise. » Comme la heavy music sait aussi s’accorder des plages plus apaisées avec des ballades tout en arpèges, le Liverpool de Klopp sait aussi poser le jeu : « On a aussi des moments plus calmes de basse intensité. Il nous arrive de gérer », précisait le coach à casquette. Mais c’était toujours pour mieux repartir crescendo ! Pendant des années, son Liverpool FC a cartonné comme un metal band en devenant même, avec Manchester City, l’autre noisy neighbour de MU ! En 2019, son heavy metal football triomphait en C1 avec sa base rythmique défensive mastoc (Alisson-Matip-Van Dijk-Fabinho-Henderson/Milner). Elle était posée en soutien du trio de devant, Salah-Firmino-Mané, soit sa paire de gratteux et son lead singer, avec deux choristes sur les côtés, Alexander-Arnold et Robertson.
Et puis, et puis… Et puis avec le temps, l’âge, les efforts et la saturation (souriez : jeu de mot !), le heavy sound de Liverpool a perdu de sa compacité, avec l’effacement progressif des fameuses couches de guitare qui liaient le bloc : moins de courses, moins de vitesse, trop d’espaces entre les lignes et les joueurs, moins d’agressivité au pressing. Alors les adversaires ont profité du no man’s sound et des chutes de tempo de Lily Pool pour balancer leur muzak… Devant, le départ de Mané et le déclin de Firmino n’ont pas été vraiment suppléés : les solos de gratte de Jota manquent d’inspiration, Darwin Nuñez se casse encore trop la voix et Gakpo fait ses gammes. Salah balance encore quelques riffs bien sentis, mais ce Liverpool crache à volume 6, sur des Peavey de location. Pas de quoi faire trembler les murailles de Bernabéu… Les Reds actuels ne sont pas si à la rue : le récent 7-0 contre MU valait bien toute la programmation du Hellfest. Mais les matchs cruciaux contre City, Chelsea et Arsenal se présentent comme trois rappels qui relanceront le heavy metal foot kloppien ou qui renverront ses Reds à la pop gentillette du Merseyside…
Par Chérif Ghemmour