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Heath, wind and fire
Meilleure joueuse offensive des États-Unis depuis le début du Mondial, Tobin Heath sera la principale bombe à désamorcer pour les Bleues vendredi soir. Focus sur une rebelle assumée.
C’est l’histoire d’une fille qui, enfant, passe ses journées à fantasmer devant un petit écran de télévision et à jouer avec un magnétoscope. Clic, clac. Elle est dans sa chambre, à Basking Ridge, dans le New Jersey, et tue le temps face aux mêmes hommes, aux mêmes images, à la même équipe : Arsenal, toujours Arsenal. Arsenal pour Arsène Wenger, Arsenal pour Thierry Henry, Arsenal pour le jeu et l’audace : Tobin Heath s’est construite là-dessus et n’a jamais envisagé le foot autrement que par un spectacle. Par la construction d’un spectacle, plus exactement, au point que sa mère, Cindy, l’imaginait devenir ingénieure ou scénariste. Au point, surtout, que ses premiers coachs, notamment l’ancien sélectionneur national Anson Dorrance, n’ont pas toujours su comment gérer l’affaire. Il y aura notamment eu ce jour de novembre 2007, raconté dans un long papier d’ESPN consacré à Heath il y a quelques mois, lors duquel Dorrance avait préféré se passer des services de l’acrobate.
Assise sur le banc, Tobin Heath trépignait alors dans son coin et suppliait son chef de la faire entrer sur le terrain alors que son équipe tournait en fond. Refus de l’intéressé. La raison ? « Il y a un problème, Tobin. Lorsque je te fais jouer, ton seul objectif est d’humilier ton adversaire directe, de lui mettre un chapeau sur la tête et de t’amuser d’elle. Moi, je n’ai pas besoin de ça : j’ai besoin d’une putain de buteuse et d’une joueuse capable de faire des passes décisives. » Difficile pourtant de faire changer celle qui a depuis empilé les clubs, qui est passée par le PSG il y a quelques années et qui s’est finalement installée chez les Thorns de Portland. Elle est comme ça, Tobin Heath : elle impose son style. Un style qu’elle décrit ainsi : « Je pense que j’ai toujours eu, au fond, un esprit rebelle. Mais pas avec un mauvais côté. J’ai toujours voulu cultiver cette chose pour être différente des autres. »
Surf, toiles et précocité
Différente au point de choper une étiquette et une couronne : à 31 ans, Heath est devenue la reine des petits ponts. « Ce qui marque tout de suite avec Tobin, c’est son amour du ballon, du jeu, du beau jeu, expliquait il y a quelques mois Dorrance. L’enjeu dans sa carrière aura été de lui faire comprendre qu’au-delà des duels remportés et des dribbles réussis, il y avait un résultat à chercher. » Ça, Tobin Heath l’aura compris sur le tas, mais assez tôt pour ne pas passer à côté d’une carrière fabuleuse où elle aura souvent grillé les records de précocité : championne olympique 2008 à vingt ans, internationale à dix-neuf piges, cadre de la Team USA à peine quelques années plus tard… En France, Jill Ellis continue de lui filer un strapontin de choix aux côtés de Rapinoe et Morgan, mais laisse aussi sa joueuse s’exprimer comme elle l’entend.
Il y a quelques jours, Heath n’a ainsi pas hésité à se lâcher sur le Mondial en cours et sur le succès des sélections européennes : « En tant que fan de foot, j’aimerais un peu plus de diversité. Parfois, je trouve le football européen un peu ennuyeux… Certaines sélections qui avaient un style plus varié, plus aventureux, ne sont plus là et ça m’embête. » Tobin Heath n’a jamais masqué ses pensées et vit comme elle joue : librement, entre des balades en skate et en surf, mais aussi son amour de la peinture. Il y a quelques années, l’Américaine invitait d’ailleurs parfois Amandine Henry, alors de passage à Portland, pour lui montrer ses toiles. « C’est une artiste, expliquait il y a peu la capitaine des Bleues dans L’Équipe. Elle est un peu peace and love, elle ne se prend pas la tête et sur le terrain, c’est pareil : elle aime le dribble et faire le spectacle. » Ce qu’elle fait depuis le début de la Coupe du monde : vendredi soir, la principale bombe à désamorcer, ce sera elle.
Par Maxime Brigand