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He Scholes when he wants

Par Maxime Brigand
He Scholes when he wants

C'était le plus intelligent, de loin. En vingt-deux ans de foot à la Scholes, le monde a découvert le jeu au ralenti. Une conception différente tirée d'un joueur différent. Paul Scholes était comme ça : rien ne devait lui ressembler, alors il poussa la singularité jusqu'au bout, en accentuant sa sortie de scène par un rappel de dix-sept mois. Dernières foulées du Ginger Genius.

C’est le Théâtre des Rêves, le bureau des légendes. Matt Busby aimait en parler comme d’un paradis. Old Trafford a toujours été déconnecté de l’espace-temps. L’histoire y est pour quelque chose. La belle Manchester aussi. Elle est caractérielle, artistique et névrotique. Il y a la musique, le bruit, la foule. Manchester est un tout qui se bute à la motivation de gagner. Peu importe le temps, peu importe le jour, peu importe l’heure, il faut vaincre. Ce 12 mai 2013, il faut, en plus, honorer. Pour vivre une dernière fois l’un des chapitres dorés d’un club mythique : le Manchester United Football Club, ses titres et ses larmes, sa tragédie et ses gamins. Car quatre jours plus tôt, Sir Alex Ferguson a fait savoir qu’il ne cracherait plus son chewing-gum en bas de la nouvelle tribune Bobby Charlton, l’ancienne tribune Sud d’Old Trafford. Un point final sur 27 ans de vie commune entre un club qu’il a reconstruit, déminé, et un homme passionné, passionnant. Ferguson était une idée, un concept et des méthodes. Son arrivée sur le banc de United sera une bascule. Dans l’histoire du club, dans sa gestion et même dans sa querelle de voisinage avec Liverpool. Son départ aussi, au printemps 2013, avec un dernier titre en date : un titre de champion d’Angleterre assuré, ce 12 mai 2013, contre Swansea (2-1). Ce jour-là, pourtant, face à son peuple, il avait promis que « Manchester United continuerait à gagner » . L’entraîneur écossais savait alors ce qu’il allait laisser derrière lui, pas forcément comment son travail serait utilisé.

Depuis son départ, Sir Alex Ferguson n’est jamais vraiment loin. Il regarde ses fondations et se souvient : de ses treize titres de champion d’Angleterre, de ses deux C1 ou encore de sa dizaine de coupes nationales. Son succès n’a pas de secret : c’est celui d’une génération, ses Fergie’s Fledgling, des gosses vainqueurs de la FA Youth Cup en 1992. On parle de Neville, de Giggs, de Beckham, de Butt et d’un génie : Paul Scholes. Un gamin débarqué à Manchester United à l’âge de 14 ans, en 1988, agrippé par le système de recrutement de Ferguson, qui a balancé ses premières paraboles avec son mentor et qui rangera sa légende en même temps que lui. Le 12 mai 2013, donc. Un jour où le Ginger Genius n’osera pas prendre la parole. Son entraîneur de toujours lui rendra hommage dans son discours d’adieu. Paul Scholes, 38 ans, préfère, lui, ranger timidement son menton dans sa veste. Il n’aime pas les hommages. Il n’aime pas les louanges. Il n’aime pas parler. Ce n’est pas son truc, au point qu’on pourrait penser qu’il est muet. Et puis, il n’y a qu’à le regarder jouer pour boire ses paroles. Notre chance est certainement dans ce détail : avec Scholes, l’histoire retiendra qu’on a eu le droit à une double ration.

Et s’il n’en reste qu’un…

C’est simple : Paul Scholes n’a jamais connu l’excès. Ballon au pied, il vivait dans la justesse. Il donnait, beaucoup. Toujours un peu plus que les autres. Dès l’échauffement, il dictait son propre football. Sur le terrain, il inventait et dessinait son monde. Celui d’un seul club pour lequel il traversa des diagonales pendant vingt-deux ans. L’annonce de son arrêt en mai 2011 fracassa les esprits, alors que Manchester United venait de prendre une leçon par le Barça en finale de C1. Scholesy avoua alors que « le football lui manquerait, pas la vie de footballeur » . Logiquement, à cet instant, Scholes fut dirigé vers l’encadrement technique de United. Pour que Ferguson le garde à ses côtés, comme Giggs, afin de transmettre une vision et l’idéologie maison. Ce qu’on appelle la culture club. Car Paulo est l’âme de Manchester United, le cœur de son jeu et le cerveau de ses idéaux. Comme souvent, on n’en a jamais assez avec les héros. On en veut toujours plus. Scholes aussi, son flottant numéro 18 avec. Alors le 8 janvier 2012, vers l’heure de l’apéro, un communiqué réveilla l’histoire : « J’ai décidé d’accepter de revenir pour apporter encore un peu plus à ce magnifique club qu’est Manchester United. » L’infirmerie pleine, Sir Alex Ferguson avait réussi à convaincre son relais de revenir pour l’accompagner dans ses derniers mois. La mission a de la gueule, le messager a encore les jambes.

« C’est la marque des grands. C’est une nouvelle fantastique pour nous et je n’ai aucun doute sur ses capacités à nous aider, car Paul a toujours continué à entretenir son corps » , expliquera Ferguson. Alors Scholes éclatera de nouveau à la gueule du Royaume un jour de derby en FA Cup face à Manchester City (3-2). Le 8 janvier 2012, pour trente minutes, le chewing-gum dans la bouche, un triste numéro 22 sur le short. L’histoire devait reprendre son cours. Alors quelques jours plus tard, Paul Scholes claquera un but contre Bolton (3-0) réussissant l’exploit de marquer, en Premier League, pendant quatorze saisons d’affilée. La preuve est en images : le chirurgien rouquin a encore les jambes, la forme, donc il prolonge le plaisir d’un an. Il sait que Ferguson ne dépassera pas le printemps 2013, alors il fixe son arrêt à la même date. Histoire de se dire au revoir, ensemble. Et d’offrir quelques transversales, glissades bien senties et belles volées avant de claquer la porte. La grande porte.

La vie selon Paul Scholes

Old Trafford a souvent eu raison : « Paul Scholes, he scores goals galore, he scores goals… He scores goals my lord, he scores goals… Paul Scholes, he scores goals. » Lors de sa saison de sortie, Scholes marquera contre Wigan, parlera de son intelligence de jeu – « celle qui me fait encore avancer » – et giclera la cheville de son ancien coéquipier, Darron Gibson, lors d’un match contre Everton. Scholes avait inventé l’art du jeu au ralenti tout en se réveillant pour lâcher son instinct animal. Toujours à la limite, le relayeur de United était aussi un homme à ramasser des cartons, c’est comme ça. Sa dernière rencontre, à West Bromwich, sera marquée par un quatre-vingt-dixième jaune. Entre la douceur du jeu et la force de l’impact. Comme la tendresse de ce deuxième acte après un arrêt trop précoce et des mois à réfléchir sur sa condition physique. Le lyrisme de son départ douchera à jamais les esprits d’un peuple conquis. Cette tête baissée dans la vie, relevée sur le terrain. Cette assurance perdue comme si Paulo ne vivait qu’en jouant. C’était le foot d’hier, celui de Paul Scholes, de sa bande, de sa Class of ’92. Une autre idée du foot, une autre vision des adieux, en deux temps. Car, définitivement, rien n’est jamais normal avec Scholes. Old Scholes.

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