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Hazard et De Bruyne sont-ils compatibles ?
Longtemps, Eden Hazard et Kevin De Bruyne ont semblé se marcher sur les pieds quand ils se retrouvaient en sélection. Mais de par leur évolution respective, les deux Belges paraissent pouvoir porter leur pays main dans la main. Tant mieux : il serait dommage de choisir.
C’est toujours la même histoire. D’un côté, il y a les amoureux de la hiérarchie qui déclarent qu’un leader doit se détacher pour guider un groupe et mener à bien une quête. De l’autre, il y a ceux qui militent pour une organisation plus horizontale et qui estiment qu’une bande avance plus efficacement si tous ses membres sont égaux. Inconsciemment, la première catégorie l’emporte généralement sur la seconde. Ainsi, beaucoup de passionnés de football pensent que chaque équipe doit être portée par un patron technique, lequel devrait être choyé et laissé libre parce qu’il serait meilleur que les autres. En Belgique, deux talents bruts postulent, depuis de nombreuses années, ce rôle : Eden Hazard et Kevin De Bruyne.
Un gâchis irréversible ?
Véritables joyaux du Plat Pays, les deux bonhommes font tout simplement partie des meilleurs joueurs de la planète. Un régal pour les Belges ? Pas forcément. Car jusqu’ici, les sélectionneurs, bien obligés d’aligner les gamins aux pieds d’or au vu de leurs prouesses en club, ont galéré pour les faire (bien) jouer ensemble. Autrement dit, le binôme offensif a très longtemps donné l’impression de se marcher sur les pieds, notamment avec Marc Wilmots. Quand l’un était bon, l’autre ne brillait pas.
Et réciproquement – même si De Bruyne a toujours moins rayonné qu’Hazard avec la nation. En tout cas, la doublette a rarement convaincu quand elle a porté le maillot des Diables rouges, annihilant le potentiel d’une génération pourtant dorée. Alors, que faire ? Est-il possible d’en sacrifier un, puisque choisir est toujours synonyme de renoncer ? Faut-il ne conserver qu’un trousseau de clefs ? Et à qui le donner ?
« Et pourquoi ne pas le donner aux deux ? répond par une autre interrogation Ariël Jacobs, entraîneur des espoirs entre 1989 et 1999 et spécialiste du foot belge. On dit souvent qu’il n’y a la place que pour une seule star dans une équipe. Là, effectivement, ils disposent tous les deux d’un certain statut dans leur équipe respective, et pas des moindres. Mais on a connu l’époque du trio Neymar-Luis Suárez-Lionel Messi : on a pu croire au début que ça ne pourrait pas marcher, et ils ont finalement chacun trouvé leur rôle dans un seul et même secteur. À titre personnel, je crois que les véritables stars n’ont aucun problème à s’entendre et à se trouver sur le terrain. Sinon, ça signifie qu’ils n’en sont pas réellement. »
Interrogé par le Nieuwsbladsur la cohabitation avec son partenaire, De Bruyne n’a pas dit le contraire : « Bien sûr que c’est possible ! Nous nous connaissons depuis l’âge de seize ans.(…)Je pense qu’on parle beaucoup de nous parce que nous sommes deux milieux de terrain offensifs.(…)En tant qu’êtres humains, nous avons beaucoup de respect l’un pour l’autre. Eden est aussi toujours Eden : toujours très détendu et enjoué. » Mouais. Pas forcément très persuasif.
Un test pas encore au point
En fait, la solution se trouve peut-être du côté tactique. Depuis son arrivée sur le banc de la Belgique, Roberto Martínez s’efforce de mettre en place un 3-4-3 dans lequel Hazard conserve son poste d’ailier gauche pendant que De Bruyne recule au milieu – devant la défense, au niveau d’Axel Witsel, encore plus bas qu’à City. L’objectif ? Que le Blue – par qui la majorité des mouvements offensifs passent – garde toute sa liberté, et que le Mancunien fasse profiter de sa qualité de passe et de son volume de jeu dans la peau d’un relanceur-meneur.
Certains ne sont pas persuadés du bien-fondé de cette décision : le match de préparation gagné face à l’Égypte (3-0) a par exemple montré un KDB jugé trop bas pour faire la différence et pas assez inspiré pour créer quelque chose avec les (rares) déplacements qu’il voyait devant lui. D’autres sont au contraire emballés : la victoire amicale contre le Costa Rica (4-1) a en effet enfin donné un aperçu plus sexy de la doublette, un Kevin impliqué offrant du rythme et manœuvrant bien l’orchestre de l’entrejeu.
Éloigner pour rapprocher
Cela a-t-il marché parce que les Costariciens n’évoluaient qu’avec deux milieux de terrain ? De Bruyne est-il condamné au moyen quand trois hommes lui font face dans sa zone ? Le Mondial devrait éclairer ces énigmes. En tout cas, une chose paraît claire : pour qu’Hazard, très en forme actuellement, reste aussi dangereux par ses dribbles et sa vitesse, son coéquipier doit s’éloigner de lui, quitte à faire une croix sur d’immenses statistiques. « À eux deux, ils sont assez intelligents pour faire en sorte que l’équipe tourne bien, conclut Ariël Jacobs, en sous-entendant que chacun est prêt à faire quelques compromis pour le collectif. La chose qui compte, c’est de trouver l’équilibre. Jouer offensif, oui, mais en gardant à l’esprit que les efforts défensifs sont importants. On a trop souvent privilégié le foot offensif au détriment de la solidité défensive. » À De Bruyne, qui voit désormais le but de beaucoup plus loin, et Hazard, qui ne doit pas rechigner aux tâches ingrates, de montrer qu’ils l’ont compris.
Par Florian Cadu
Propos de AJ recueillis par FC