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Hatem, le survivant
Membre de la génération 87, Hatem Ben Arfa revient en équipe de France le même jour que la mise en examen de Karim Benzema. Certains parleront de hasard, d'autres de karma. Une chose est sûre, alors qu'il partait de très loin en début d'année, HBA est aujourd'hui le seul joueur du millésime maudit du football français en équipe de France.
1234 jours. C’est le temps qu’aura mis Hatem Ben Arfa pour revenir en équipe de France. Entre l’Euro 2012 et la dernière liste de Didier Deschamps en vue des matchs contre l’Allemagne et l’Angleterre, Hatem Ben Arfa aura donc passé 1234 jours en dehors de l’équipe de France. 1234 jours durant lesquels il a semblé, par moments, perdu pour le football, rongé par les kilos en trop, les nœuds dans la tête et ce sentiment d’être incompris par le football moderne. Trois ans à dégringoler de la planète football, entre un départ de Newcastle pour Hull – où il s’est perdu – et une arrivée rocambolesque à Nice en janvier dernier. Une arrivée qui a forcément connu un coup de Trafalgar avec ce contrat non homologué en janvier dernier pour une sombre histoire de match disputé avec les U21 de Newcastle avant trois bouts de matchs avec Hull. Saloperie de règlement FIFA. À ce moment, Ben Arfa pense à tout arrêter. Faire autre chose de sa vie. Il a 27 ans et n’a jamais vraiment explosé. Le mot gâchis est collé sur son front. Et puis l’OGC Nice lui demande de patienter. De se refaire une santé pendant cinq mois. Dès lors, il va s’entretenir en région parisienne, près des siens, enchaînant les matchs de street pour faire brouter les copains. À ce moment-là, les souvenirs de la génération 87 sont loin. Champion d’Europe U17 en 2004, Ben Arfa faisait équipe avec Benzema, Nasri, Ménez et Yahiaoui. Une équipe de psychopathes qui avait marché sur l’Espagne de Fàbregas en finale. Neuf ans plus tard, que reste-t-il de cette époque ?
Karma Football Club
Aujourd’hui, Karim Benzema est mis en examen. Jérémy Ménez se cherche un nouveau dos. Samir Nasri a tourné le dos à l’équipe de France et Ahmed Yahiaoui – au départ le plus talentueux – joue à Martigues. Hatem Ben Arfa, lui, est en équipe de France où son retour fait office de bouffée d’oxygène. Pourtant, il y a neuf mois, Ben Arfa était au chômage quand les autres brillaient en club. Il n’avait plus joué depuis un an et demi et pesait 80 kilos. Aujourd’hui, il est le seul représentant de cette génération perdue en équipe de France à 8 mois de l’Euro 2016, organisé en France. À la maison. Le karma, sans doute. D’autant que Ben Arfa revient en Bleu au moment où il est sans doute le moins performant à Nice. Comme son équipe, il tire un peu la langue. Logique. Époustouflant entre juillet et mi-octobre, Hatem Ben Arfa a replacé Nice sur la carte du football français. Ses partitions face à Bordeaux, à Saint-Étienne ou Rennes ont rendu le Gym bandant. Avec lui, Nice est passé deux fois sur Canal Plus un dimanche soir. Un exploit. Avec lui, l’Allianz Riviera a réappris à vibrer. Avec lui, Nice donne des frissons.
Claude « Sir Alex » Puel
Ce retour de Ben Arfa en équipe de France, c’est une victoire personnelle du joueur, mais également d’un ensemble de personnes à Nice. Claude Puel, d’abord, qui a cru en lui. Puel, l’entraîneur qui aime les joueurs aux parcours compliqués, les écorchés vifs, les laissés-pour-compte. À Lille, il avait remis en selle Adil Rami et Éric Abidal, passés à côté des centres de formation classiques. À Nice, il avait fait de Kévin Anin un prétendant au très haut niveau. À Nice, on aime comparer la rencontre Puel-Ben Arfa à celle entre Éric Cantona et Alex Ferguson. Un pari pas si fou que ça. Puel a confié les clés de la maison au gaucher, l’entourant de jeunes fougueux adeptes du beau jeu. À ses côtés, Mathieu Bodmer, qui avait connu HBA à Lyon, est aussi à l’initiative de sa venue sur Nice. Le capitaine niçois, lui aussi écorché vif par moments, a plaidé pour ce rapprochement, persuadé qu’un vestiaire sans ego et un club plus simple seraient des éléments parfaits pour le retour au premier plan du gaucher. Car à 28 ans, celui que toute la France du football n’a jamais cessé d’aimer, n’a encore jamais pris son envol. Auteur de 7 buts en Ligue 1 cette saison (son record en carrière), il doit confirmer qu’il a mûri. Qu’il a grandi. Qu’à 28 ans, ses démons sont derrière lui. On dit souvent qu’un joueur ne change jamais vraiment. À Hatem Ben Arfa de prouver le contraire. Si la génération 1987 doit survivre à travers ses crochets et ses accélérations, elle aura tout gagné. Et si le gaucher avait la bonne idée de marcher sur l’Euro 2016 avec le maillot des Bleus, le message envoyé aux yeux du monde serait magnifique. En football, on n’est jamais vraiment perdu. Ni jamais vraiment arrivé. C’est pour ça que le mot le plus employé depuis qu’il a retrouvé la Ligue 1 et Nice est « plaisir » . Ben Arfa a retrouvé le plaisir de jouer. Le plaisir de dribbler. Le plaisir de marquer. Le plaisir de vivre. Alors oui, HBA en équipe de France, c’est « plaisir » .
Par Mathieu Faure