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Procès Ben Arfa : l'autre défaite du PSG
Le jour de l'élimination à Munich, Hatem Ben Arfa a obtenu gain de cause devant les tribunaux contre son ex-employeur, le PSG. Le point final d'un conflit qui rappelle surtout qu'un footballeur professionnel s'avère être un salarié comme les autres, qui peut lui aussi être victime des pratiques limites, voire illicites, de son patron.
Une défaite sur le terrain, une autre sur le parquet. Mercredi 8 mars, quelques heures avant de voir le PSG jouer sa peau en Ligue des champions, quand tous les esprits étaient tournés vers Munich et les prières vers Kylian Mbappé, une dépêche diffusée par l’AFP informe que la cour d’appel de Paris a donné raison, cinq ans après les faits, à Hatem Ben Arfa, contre son employeur de l’époque. Journée ô combien maudite finalement pour le club de la capitale donc. On se souvient que le dribbleur fou prodige n’avait pas répondu aux espoirs placés en lui à son arrivée en 2016. Il n’avait su ni gagner la confiance du coach Unai Emery, ni apparemment obtenir le respect des promesses émises avant son recrutement. D’où une lente et irrémédiable mise à l’écart durant la saison 2017-2018. Une gestion singulière de l’effectif que la justice française a redéfinie et reconnue comme une forme de harcèlement moral (qui n’est donc pas l’apanage du management à la FFF). Une belle victoire symbolique, après avoir été débouté en première instance, néanmoins indolore pour QSI (selon L’Équipe, le plaignant réclamait 7,7 millions d’euros). L’addition définitive pour la compta du PSG ne devrait pas en effet plomber son fair-play financier : un euro symbolique à verser à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 75 000 euros au nom de la prime éthique, et 27 400 euros en rappels de salaire.
Lofteurs up and down
Toutefois, l’enseignement principal se situe peut-être ailleurs, surtout dans un contexte où le vocabulaire du droit du travail se révèle pour le moins galvaudé dans les zones mixtes, quand par exemple on évoque une « faute professionnelle » à la suite d’une simple élimination en Coupe de France. La décision de la Cour d’appel replace à leur juste mesure les enjeux du foot sur le plan social. Lors de sa rencontre avec le paria du Camp des Loges, pour le numéro de So Foot de février 2018, le député François Ruffin avait de la sorte tiré des leçons très particulière de ce que le gamin de Clamart vivait. Une analyse qui résonne étrangement en 2023 : « Si je veux défendre Hatem Ben Arfa, ce ne sera évidemment pas sur le terrain financier. […] On préfère le laisser sommeiller sur le banc de touche ou en réserve. […] Combien de gens dans ce pays sont des Hatem Ben Arfa dont le talent est stérilisé ? Il ne s’agit plus seulement de réfléchir au problème financier, nous touchons aux questions existentielles qui se posent aux hommes. Le travail reste le mode de reconnaissance dominant dans la société. Ne pas avoir accès à un lieu où on communique avec ses semblables et où on est reconnu, c’est une souffrance… » Cette péripétie judiciaire aura au moins eu le mérite de souligner que, même dans les méandres de la Ligue 1, tout n’est pas permis, y compris envers des individus certes privilégiés. L’UNFP avait été particulièrement vigilante face à la fameuse mode des lofts que les clubs ont multiplié pour se débarrasser, par placardisation, de leurs « indésirables », quitte à ne pas respecter les obligations contractuelles. De la sorte, davantage que l’échec d’une carrière (celle à jamais gâchée d’Hatem Ben Harfa), le droit du travailleur a au moins été un peu rétabli. Espérons que cette jurisprudence puisse bénéficier à ceux et celles qui en ont désormais le plus besoin…
Par Nicolas Kssis-Martov