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Hasselbaink, la légende de Jimmy Floyd continue
Actuellement en Championship, QPR a décidé de remettre son destin entre les mains de Jimmy Floyd Hasselbaink. Son objectif : redonner de l’élan au projet illisible du club londonien. Si la carrière d’entraîneur du Néerlandais est courte, l’ancien attaquant a quelques arguments à faire valoir. Des excellents résultats, un vécu de joueur non négligeable et une ambition assumée.
S’il y a une terre où son postérieur proéminent a laissé une empreinte indélébile, c’est bien l’Angleterre. Un pays où l’iconique Jimmy Floyd Hasselbaink s’est forgé, entre grosses frappes, physique de déménageur et technique élémentaire. Loin de sa Hollande natale, celui pour qui les fans de West Ham entonnaient ces quelques vers « You are just a fat Eddie Murphy » a succombé aux charmes de la perfide Albion, au gré d’aventures qui l’ont mené à Leeds, Chelsea, Middlesbrough ou encore Charlton. « L’Angleterre est ma maison maintenant, assurait-il avec conviction, en avril dernier. J’aime le football aux Pays-Bas, mais avec le football anglais, il se passe toujours quelque chose : du spectacle du début à la fin, beaucoup d’énergie dépensée et des supporters qui font énormément de bruit. » C’est donc tout naturellement que l’ex-international oranje (23 sélections, 9 buts) a décidé d’y écrire les nouveaux chapitres de sa vie. Début décembre, il a été nommé à la tête des Queens Park Rangers, club évoluant actuellement en Championship. Dans ce championnat bénéficiant d’un réel crédit outre-Manche, Jimmy s’offre là une belle vitrine pour briller. Pour montrer que son cul reste toujours aussi imposant et, surtout, que l’ambition continue de l’animer.
Première expérience en Belgique et gros bordel
Très tôt, après avoir pris sa retraite en 2008, l’enfant de Paramaribo (Surinam) a retrouvé le chemin des terrains. L’attaquant aux frappes lourdes et réputé pour ne pas rechigner à aller aux duels laisse alors place à un homme avide de connaissances, de responsabilités. Le Néerlandais fait ses gammes en prenant en charge les U16 de Chelsea avant de rejoindre le staff technique de Nottingham Forest. « Après ma retraite, j’en ai profité pour emmener mes enfants à l’école tous les matins, ce que je ne pouvais pas faire durant ma carrière, confiait-il en janvier 2014. Mais je m’ennuyais. Je voulais travailler. Le vestiaire me manquait. L’atmosphère, les vannes avec les joueurs, le son des chaussures sur le carrelage… » En mai 2013, Hasselbaink fait donc le grand saut et choisit une destination pour le moins inattendue : le Royal Antwerp. Club belge recordman du nombre de saisons passées dans l’élite et enlisé en seconde division depuis 2004. Là-bas, il étrenne son costume de manager, applique ses premiers concepts et parvient rapidement à faire adhérer son groupe. « Quand je suis arrivé, je ne sentais pas que c’était sa première expérience en tant qu’entraîneur, révèle Alassane També, aujourd’hui latéral droit au Genoa et qui l’a côtoyé six mois en prêt à Antwerp en 2014. Il était à l’aise. Il avait le discours d’un manager qui savait de quoi il parlait, clairement. Il s’exprimait comme un entraîneur de première division. On sentait une vraie détermination en lui et le groupe s’en imprégnait. »
Connu pour son immuable bonhomie en tant que joueur, le bougre l’affiche tout autant comme manager. « Il est très cool avec les joueurs. Il prend le temps de beaucoup expliquer, il nous recevait pas mal de fois dans son bureau. On avait une bonne relation avec lui, il était très proche de ses joueurs » , révèle pour sa part Jordan Faucher, ancien attaquant de Royal Antwerp (2012-2014), désormais au Maccabi Herzliya. Mais le bougre peut également élever la voix quand il n’obtient pas ce qu’il veut, vestige d’un football britannique qui l’a élevé à la dure. « Quand ça allait mal, il poussait de vraies gueulantes. Il montrait qu’il était énervé et que ce n’était pas normal que le boulot ait été mal fait. C’est un coach exigeant et dur, mais dans le bon sens. Ce n’était jamais excessif, ajoute També. En fait, c’est un perfectionniste. Par exemple, quand le boulot est mal fait, l’entraînement va durer très longtemps jusqu’à ce qu’il soit satisfait. » Parce qu’en Belgique, où il était parti au départ pour un « projet de deux ou trois ans » , l’expérience tourne court. Une seule saison au terme de laquelle Antwerp termine 7e de Belgacom League avec un bilan plus que poussif (37% de victoires, soit 13 succès, 10 nuls et 12 défaites). Un exercice 2013-2014 surtout terni par d’interminables dissensions internes à l’époque. Aux salaires non reçus par les joueurs et Jimmy Floyd s’ajoutait la contestation farouche de supporters envers un hypothétique investisseur. Un bordel sans nom auquel il a fait face jusqu’au bout.
Le héros de Burton
Mais quid des convictions de l’entraîneur Hasselbaink ? S’il est influencé par les dogmes du football néerlandais, « The fat Eddie Murphy » refuse de s’y cantonner. Et préfère se laisser guider par sa sensibilité et ses propres convictions : « Je ne pense pas que tout ce que font les entraîneurs néerlandais est magique. Je ne voudrais pas prendre le manuel des Pays-Bas et dire : « Nous jouons en 4-3-3. » Vous ne pouvez pas. Si vous n’avez pas le matériel nécessaire, comment allez-vous faire ? C’est comme dire que je dois faire une soupe de légumes tous les vendredis. Si vous ne disposez pas de légumes, comment allez-vous faire la soupe ? Vous allez obtenir une soupe sans saveur. Aux Pays-Bas, c’est « vous devez jouer de cette façon, passer de cette façon parce que le manuel le dit ». Il y a beaucoup de bonnes choses dans le foot néerlandais, mais tout ne l’est pas. Je ne suis pas quelqu’un qui pense qu’il doit suivre cette voie-là. Je veux faire à la façon de Jimmy » . Ses idées, l’ex-Blue va réellement les mettre en pratique lors de son arrivée à Burton Albion, en novembre 2014.
Au sein de ce modeste club de League Two (4e division anglaise), le boule le plus opulent au pays de Sa Majesté a réussi avec brio. Et séduit plus par pragmatisme qu’esthétisme. « Il demande beaucoup à ses joueurs, autant défensivement qu’offensivement. C’est un entraîneur vraiment très organisé, explique Mickaël Antoine-Curier, attaquant de Dunfermline Athletic qui a vu le Hollandais en action quelques mois chez les Brewers. Il prône un style de jeu à l’anglaise. À Burton, ce n’était pas du beau jeu. L’équipe était structurée pour évoluer en contre-attaque. Ça a bien fonctionné. » Très bien, même. En un peu plus d’une année passée dans le Staffordshire, Hasselbaink a rendu une copie immaculée. Sur les cinquante matchs qu’il a dirigés, son équipe a totalisé un bilan de 32 succès (dont 17 à domicile, un record), 10 nuls et 8 défaites, soit 106 points récoltés. Au terme de la cuvée 2014/2015, les bons résultats obtenus ont d’ailleurs permis à Burton d’accéder à la League One. Une première dans son histoire. Et l’alchimie continuait de fonctionner, puisque Burton figure actuellement en tête de la troisième division anglaise.
QPR, réel tremplin ou mirage ?
Une telle performance, même à l’étage inférieur, a fini par éveiller l’intérêt de plusieurs autres écuries britanniques. Et ce sont les Queens Park Rangers qui, après une cour assidue, sont parvenus à faire céder le coach de quarante-trois ans, le 4 décembre. « Ce n’était pas une décision facile de quitter Burton, mais c’était quelque chose que je ne pouvais pas refuser, s’est-il justifié lors de son intronisation. J’ai le sentiment que c’est un club qui va aller de succès en succès. Je suis heureux de pouvoir rejoindre QPR, de diriger cette famille, d’être en première ligne, de mettre mon empreinte et de mener le club sur la bonne voie. C’est une incroyable fierté pour moi et je ferai tout pour bien représenter l’écusson du club. »
Chez les Hoops, Hasselbaink entend faire valoir son savoir-faire et son vécu en tant que joueur (George Graham, Claudio Ranieri, Guus Hiddink, Frank Rijkaard et Louis van Gaal ont notamment été ses coachs). Mais la tâche ne sera pas aisée dans un club londonien réputé pour sa mauvaise gestion financière, l’impéritie de ses hauts dirigeants et son instabilité chronique avec vingt managers consommés lors de la dernière décennie. Qu’importe, Jimmy Floyd est un homme opiniâtre, prêt à braver tous les dangers : « Je suis très ambitieux. Si vous voulez réussir, il faut passer du temps, faire ce qu’il faut. Laissez-moi d’abord avancer au ralenti. Puis je commencerai à marcher, ensuite courir et j’espère, un jour, que je pourrai sprinter. » En Premier League, évidemment.
Par Romain Duchâteau
Propos d'Alassane També, Jordan Faucher et Mickaël Antoine-Curier recueillis par RD, ceux de Jimmy Floyd Hasselbaink extraits du Telegraph