- Français de l'Etranger
«Hartberg, c’est plus petit que Maisons-Alfort»
Wilfried Domoraud, 22 ans, attaquant. Issu d'une famille nombreuse de footeux. Anonyme dans la campagne styrienne.
De ta formation à Nancy à la D2 autrichienne, à quel moment ta carrière a déraillé ?
J’ai côtoyé Chris Malonga et Alfred N’Diaye à Nancy mais le club m’a refusé un contrat pro, parce que ma progression était soi-disant trop lente. Ce n’est pas que j’étais nul mais bon je n’ai pas été retenu. Je ne m’y suis pas forcément bien exprimé. Aujourd’hui, j’ai envie de montrer aux dirigeants que je me suis vraiment amélioré. Un jour, ça me ferait plaisir de revenir en France.
Ça se passe donc à Hartberg.
En 2009, je jouais à Woking, en D4 anglaise. Le club est descendu au niveau amateur mais je voulais absolument rester pro donc j’ai cherché une porte de sortie. Il y a une règle en Angleterre : le club qui achète un joueur de moins de 21 ans doit payer le transfert. Woking réclamait trop donc j’ai dû partir à l’étranger. J’ai eu l’opportunité de rejoindre Dornbirn. J’y ai passé six mois à lutter contre la relégation avant de débarquer à Hartberg. C’est un peu mieux.
Enfin, plus paumé tu meurs.
J’ai bien réfléchi avant de prendre cette décision. Bien sûr que l’Autriche n’est pas très médiatique au niveau foot mais je ne regrette pas car j’ai la possibilité de retourner en Angleterre dans quelque temps. La proximité fait que les clubs allemands et suisses viennent souvent aux matches. Ça peut créer des ouvertures.
Même sur Google Maps, il faut agrandir au maximum pour dénicher ta ville.
Oui, c’est minuscule. Plus petit que Maisons-Alfort où je suis né. Il n’y a pas grand-chose donc je ne sors pas beaucoup. Et quand j’ai envie de me balader, je roule jusqu’à Vienne. Je n’aime pas du tout la vie à la campagne et je ne parle pas allemand donc je fais avec les moyens du bord. Mais il n’y a rien de compliqué, les gens ne sont pas trop méchants (rires).
Il faut bosser à côté du foot quand on joue à ce niveau-là ?
Pas besoin. Je suis professionnel avec un salaire compris entre 5.000 et 7.000€. En Angleterre, je pouvais négocier plus de bonus mais ici, on me prête appartement et voiture, donc ça revient au même. J’ai une petite vie pépère.
L’Autriche c’est ton kif ?
La nourriture ne me plaît pas trop. Je fréquente surtout les restaurants italiens, chinois et mexicains. Ou encore mieux, je prépare la bouffe chez moi, ça revient moins cher. Mais le pire de tout, c’est la langue, très vilaine. J’ai essayé de me débrouiller avec le flamand que je parle correctement. Il y a des similitudes. Mais je n’arrive pas à m’exprimer en allemand pour autant.
Est-ce que tu arrives à faire parler de toi ?
J’ai trouvé un avantage : il y a de bons articles sur moi lorsque je marque des buts, ce qui arrive de temps en temps. Et si ça marche moins bien, on ne m’oublie pas vu que je suis le seul noir de l’équipe (rires). Il paraît qu’il y a du racisme dans la région, c’est proche de l’ancien fief de Jörg Haider mais il n’y a pas encore eu d’actes racistes contre moi. Les supporters m’aiment bien.
Parle-nous un peu de ton jeu.
Je ne suis plus attaquant comme au départ mais milieu gauche. Mon truc, c’est les passes décisives. Je mets aussi quelques buts. D’ailleurs, des clubs de Première division sont venus me voir mais je ne n’ai pas encore montré tout ce que je vaux.
Où tu te situes dans la célèbre famille Domoraud ?
Cyril et Jean-Jacques sont mes cousins. J’en ai peut-être d’autres qui jouent au foot mais la famille est si nombreuse que je n’en sais rien ! Petit, je ne m’intéressais pas au foot. Je m’y suis mis à cause de Cyril lorsqu’il jouait à Bordeaux. J’ai bien fait. Jean-Jacques, lui, est devenu artiste, il fait dans le coupé-décalé. Je n’ai jamais tenté d’en passer dans le vestiaire à Hartberg, les gars préfèrent le rap français.
Et la reconversion de Cyril, c’est aussi fun ?
Il est journaliste pour une chaîne de télé ivoirienne. Je crois qu’il interviewe les Éléphants partis à l’étranger. En tout cas, il ne m’a pas encore appelé pour faire un sujet avec moi. Il faut d’abord que je confirme avec mon club.
Les divisions inférieures en Angleterre, ça reste un bon souvenir ?
En France, lorsque tu évoques la D4, tu penses que ce n’est pas terrible. Mais l’Angleterre, c’est un autre monde, avec beaucoup plus de clubs professionnels. A Woking, il y avait 6.000 supporters au stade. J’ai fait une bonne année là-bas mais je me suis fait avoir à la fin parce que je n’avais pas d’agent. Bon, Cyril me donne des conseils, il ne m’oublie pas hein, mais il est un peu dur à joindre.
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