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Hart-Guardiola, la combinaison impossible
Désormais remplaçant, Joe Hart ne sera pas le gardien du Manchester City de Pep Guardiola cette saison. Une évidence finalement, tant le profil de l’Anglais ne semble pas correspondre à la philosophie de jeu du Catalan.
Ce n’est pas une punition. Ce n’est pas non plus une hésitation. Ce n’est pas franchement un choix sportif. Non, c’est avant tout un message adressé à ses dirigeants. Comme pour dire : « Vous voyez, cette situation n’est pas possible. Il faut faire quelque chose. » En plaçant Joe Hart sur le banc des remplaçants lors de la première journée de Premier League (victoire 2-1 face à Sunderland), puis en play-off aller de Ligue des champions (succès 0-5 au Steaua Bucarest), Pep Guardiola a ainsi sollicité ses supérieurs.
Pour les prévenir, d’abord, qu’il était le patron incontesté de son équipe et qu’il imposerait coûte que coûte ses idées. Pour leur indiquer, ensuite, qu’ils devaient se soumettre à ses exigences s’ils souhaitaient que City tienne les objectifs. Et enfin, pour leur signifier qu’il attendait un nouveau gardien de but, vu que Hart ne serait jamais son dernier rempart et que Willy Caballero n’avait évidemment pas la gueule d’un titulaire.
Caballero par défaut
Le nouvel entraîneur de Manchester n’a d’ailleurs pas caché sa motivation en conférence de presse après la partie contre les Black Cats : « J’ai beaucoup de respect pour Joe. Je sais à quel point c’est un bon gardien, mais j’ai décidé de titulariser Willy. À la fin, j’ai un effectif et je décide par rapport à ce que je vois. Je dois créer un esprit d’équipe. » L’esprit d’équipe, donc. En gros, Caballero joue, car il va rester dans l’effectif. Tout le contraire de Joe. En réalité, cette relative mise à l’écart ne représente pas une véritable surprise. Car l’incompatibilité entre l’Anglais et l’ancien du Barça était courue d’avance. Les caractéristiques du portier ne plaisent en effet pas du tout à l’ex-Munichois. Pour ce dernier, et ce n’est pas nouveau, un gardien de but est un joueur de champ comme les autres lorsque son équipe a le ballon.
Pep casse les pieds de Joe Hart
Obsédé par la possession du cuir et l’avantage territorial, Guardiola a toujours réclamé à son élément ganté de jouer haut – pour participer au jeu, mais aussi couper les offensives adverses par des sorties en dehors de la surface – et de relancer au pied proprement. Tout comme il demande à ses vrais joueurs de champ de ne pas hésiter à repasser par leur goal si cela permet d’engager un début de déséquilibre, ou tout simplement si cela empêche une perte de balle. Or, les statistiques ne mentent pas : ces aptitudes ne font pas partie des points forts de Joe Hart, bien plus à l’aise sur sa ligne.
Lors des trois dernières années, Joejoe a disputé 103 rencontres, pour une moyenne de 22 passes par rencontre, dont 77% de passes longues et un total de 562 passes courtes. Si l’on compare au fameux Manuel Neuer, gardien qui respecte la philosophie Guardiola par excellence, la différence saute aux yeux : 33 passes par rencontre (sur 97 parties), dont 34% de passes longues et un total de… 2077 passes courtes. Cela tiendrait au style de jeu bien distinct du Bayern et de City ? Pas uniquement. La précision des pieds des deux hommes explique aussi ces chiffres : ainsi, l’Anglais réussit seulement 49% de ses passes (longues ou courtes) pendant que l’Allemand n’en rate que… 15%.
Pep n’a pas de temps à perdre
Sauf que Christophe Lollichon, lui, relativise la chose. L’entraîneur des gardiens de Chelsea, qui connaît bien les poulains de ses concurrents, a une vision un peu différente : « Moi, je pense que Joe Hart peut jouer avec ses pieds. Il a beaucoup progressé à ce niveau-là avec les dirigeants espagnols qui a débarqué à City en même temps que Manuel Pellegrini. Et comme Pellegrini aimait aussi repartir court, je me souviens d’avoir vu Hart assez dispo là-dessus. Même si ce n’était effectivement pas la même intensité qu’a demandée Guardiola à Neuer ou Víctor Valdés. Mais ça demande évidemment un petit temps d’adaptation. » Les stats ? « Attention aux chiffres. Il faut comparer ce qui est comparable. En Angleterre, le gardien ne joue pas comme en Espagne ou en Allemagne. Ici, le pressing est plus important. Après, peut-être que Guardiola voit des choses au quotidien qui nous sont inconnues. »
Pep veut trouver le Neuer citizen
Caballero, lui, plaît-il davantage à son entraîneur que le désormais numéro deux ? Si son pourcentage moyen de passes réussies atteint près de 60% (dans l’ensemble de sa carrière), l’Argentin a trop peu joué ces dernières années (cinq apparitions en championnat entre 2014 et 2016) pour garder les bois d’un club qui vise un premier titre en C1 et apporter la sérénité qui va avec. Son apport dans le jeu n’a en tout cas pas convaincu face à Sunderland et au Steaua. Quid des recrues potentielles, qui ont pour nom Marc-André ter Stegen et surtout Claudio Bravo, vraisemblablement le mieux placé pour succéder à Hart ? Les deux hommes du Barça (quelle coïncidence…), qui cohabitent dans les cages catalanes (Ter Stegen dispute la LDC, Bravo est titulaire en Liga), ont quant à eux un profil bien plus adapté aux concepts de Guardiola, avec une utilisation des transversales très réduites.
Le premier touchait énormément de ballons en Allemagne avec le Borussia Mönchengladbach (une pointe à 48 balles par match en 2014), mais a ralenti depuis son arrivée au Barça (23 par match). Le second approche les 30. Niveau efficacité, les deux bonhommes se valent, avec environ 84% de passes réussies lors de la saison précédente, soit des ratios équivalents à celui de Neuer, l’expert en la matière. Bref, des gardiens qui excitent beaucoup Mister Pep. Joe Hart, lui, n’a pas eu besoin de lire ces lignes pour comprendre la situation.
Par Florian Cadu