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Harit moi si tu peux

Par Alexandre Doskov
5 minutes
Harit moi si tu peux

Petit crack du FC Nantes, Amine Harit et sa technique en or massif prouvent que le beau jeu peut encore exister à la Beaujoire. Depuis son club d'enfance dans le nord de Paris jusqu'à la Jonelière, en passant par les facéties avec son kiné de Clairefontaine, retour sur le parcours d'un joueur qui adore toucher le ballon. Peut-être même un peu trop.

La Beaujoire ne frémit plus beaucoup ces derniers temps. Entre le marasme du début de saison, les matchs imbuvables et les prestations médiocres, le peuple jaune et vert n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Mais les Canaris ont quand même droit à leur petit frisson, avec l’arrivée dans l’équipe première d’Amine Harit, le joyau que Nantes polissait sagement à la Jonelière depuis 2012. Fin, élégant, excellent dans la conduite de balle et complètement fou techniquement, Harit passe ses matchs à cavaler un peu partout en enchaînant les dribbles de Brésilien. Un profil qu’il entretient depuis tout petit, lors de ces années passées à l’Espérance Paris 19e, l’équipe dans laquelle il a débarqué à six ans en déménageant à un jet de pierre du métro Riquet. Morade Djeddi, le président du club, a été l’un des premiers à le voir à l’œuvre : « Son père l’a emmené pour la première fois en décembre, à une période de l’année où on ne prend personne parce qu’on est blindés. Le coach lui fait passer un essai, et tout de suite on a vu qu’il avait une technique et une maîtrise de balle au-dessus de la moyenne, donc on l’a pris. » La machine est lancée, et Harit fait ses classes au stade Jules Ladoumègue, toujours couvé par un papa poule tendance garde du corps qui ne le lâche pas d’une semelle. « Je ne sais pas s’il a raté un match depuis ses débuts, s’amuse Djeddi, devenu proche de la famille. Quand on voit les photos d’Amine, systématiquement, il y a son père en arrière-plan ! Je n’ai jamais vu Amine même descendre au bac à sable tout seul. » Harit fait les beaux jours de son club, qui le propulse meneur de jeu par évidence et le surclasse assez rapidement. Et les premiers yeux doux de recruteurs ne tardent pas à arriver.

Presque oublié par Clairefontaine

Le premier abordage a lieu en 2007, alors qu’Harit a tout juste dix ans. Ce jour-là, il affronte les gamins du PSG, et prend un sacré bouillon. Morade Djeddi enchaîne : « Je crois qu’on avait pris 6-1, mais Harit était sorti du lot. L’éducateur du PSG lui a proposé de les rejoindre. » Pendant deux mois, son père l’accompagne au Camp des Loges, mais l’expérience tourne court et il revient vite au bercail. « Cette expérience lui a appris à ne pas se presser » , analyse aujourd’hui Djeddi. Harit ne quittera le club que quelques années plus tard, en ayant entre-temps été intégré au centre de formation de Clairefontaine. Harit a quatorze ans, et déjà le statut d’un potentiel futur cador. Son kiné de l’époque se souvient que même lors d’une période de rééducation après une blessure, le minot ne pouvait s’empêcher de montrer ce qu’il savait faire : « On faisait des exercices, des brésiliennes. Il n’arrêtait pas de se foutre de moi parce que je n’arrivais pas à enchaîner autant que lui. Il fixait des règles, ne jouait que du pied gauche, que du genou. » Et pourtant, Harit aurait pu ne jamais filer à l’INF, comme le rappelle Djeddi : « Quand il a passé les tests, les juges ne l’ont pas remarqué. J’ai appelé l’INF pour leur dire qu’il y avait un problème, et qu’ils avaient loupé un gamin inloupable. » L’année d’après, Harit a définitivement fait le tour de son club parisien, vient de passer une saison à jouer en DH avec le Red Star et reçoit un coup de fil du FC Nantes. Matthieu Bideau, responsable du centre de formation des Canaris, n’hésite pas bien longtemps avant de le piocher : « Un de mes recruteurs en Île-de-France l’avait repéré. Je suis allé le voir, j’ai fait une seule observation, puis je l’ai pris. » Le deal semble satisfaire tout le monde, à commencer par papa Harit, heureux de voir Amine rejoindre un club historiquement attaché au beau jeu, dans lequel son dribbleur de fils va pouvoir s’amuser.

Le risque du pétard mouillé

Car l’amour du ballon et du dribble anime Harit comme une clé de voûte de son jeu primesautier. Le problème, c’est qu’il a parfois tendance à trop en faire, quitte à se faire une réputation de tricoteur. Ludovic Batelli, son coach en équipe de France U19 avec qui il a remporté l’Euro, maîtrise parfaitement le grand écart entre les louanges et les avertissements : « C’est un talent fou, peut-être le plus gros talent du groupe de l’Euro. Mais il va falloir qu’il épure son jeu, qu’il le simplifie, qu’il minimalise certaines choses au lieu d’en rajouter. S’il parvient à le faire, il deviendra très bon. Sinon, il va rentrer dans le rang. » Un constat partagé par Matthieu Bideau, qui a eu tout le loisir d’observer Harit à la Jonelière pendant quatre ans : « Techniquement, il n’y a pas grand-chose à lui apprendre. Dribbler, c’est bien, et tout le monde ne peut pas le faire comme lui. Mais il y a des endroits du terrain, et des moments du match où il faut jouer simple. » Cet été, le Bayern aurait aligné 8 millions pour l’enrôler, mais René Girard le voulait dans son équipe première, alors que Der Zakarian ne le faisait pas jouer. Depuis qu’il est nantais, Harit a surtout progressé sur le plan athlétique. « Il manquait de vélocité » , reconnaît Morade Djeddi, mais la suite de son évolution se fera sur sa capacité ou non à ne plus trop squatter le ballon. Batelli est formel : « Comme avec tous les joueurs de ce genre, on place toujours une très grande exigence avec eux. On veut empêcher un éventuel énorme gâchis. On en connaît beaucoup des footballeurs avec un talent gros comme ça et qui ont finalement fait une carrière très moyenne, voire insipide. Le talent, faut le chouchouter. Vous savez, un diamant, tant qu’il n’est pas bien poli, il ne vaut pas grand-chose, mais quand on arrive à bien le façonner, ça devient une pépite de grande valeur. » Remplacer un passement de jambes par une passe à Yacine Bammou, Harit se prépare à vivre un sacré chamboulement.

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Par Alexandre Doskov

Tous propos recueillis par AD

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