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Hard Knock Life
Meilleur joueur de Championship la saison dernière avec Brighton, Anthony Knockaert va retrouver la Premier League samedi, trois ans après une première expérience amère avec Leicester.
Parce qu’il était certainement devant sa télé le 14 août 2014, Anthony Knockaert sait bien qu’il vaut mieux attendre de passer la ligne d’arrivée avant de faire tomber le maillot. Cette fois, il n’est pas question d’un 3000m steeple, mais d’une autre course, d’un long marathon plus que d’une épreuve de demi-fond. « C’est 46 étapes, avec un match tous les trois jours, ça envoie. En Championship, il faut être à 200%, en permanence » , résume son coéquipier, Gaëtan Bong, présent lors des dernières foulées à l’Amex Stadium, le 17 avril dernier. Il ne restait, ce jour-là, qu’un totem d’immunité à soulever pour Brighton & Hove Albion, histoire de se mettre définitivement à l’abri en validant un retour dans l’élite du foot anglais, trente-quatre ans après l’avoir quitté pour la dernière fois. Pour ça, les Seagulls n’avaient qu’une alternative : coucher Wigan. Alors, sous le soleil du sud-est de l’Angleterre, les hommes de Chris Hughton ont terminé le travail en tremblant, mais en s’imposant finalement (2-1) avant de voir le policier James Linington siffler la fin du match et allumer la sono.
Il n’en fallait pas plus pour voir Knockaert, élu quelques jours plus tôt meilleur joueur du championnat, prendre les platines en ouvrant son set par un jet de maillot dans la foule. L’artiste français de Brighton s’est alors dirigé vers le tunnel de l’Amex Stadium en écartant les quelque 30000 personnes présentes et a enfilé un T-shirt blanc. Derrière, une mention simple, mais efficace : « player of the year » . Devant, le visage d’un homme. Il s’appelle Patrick, avait 63 ans et s’est éteint quelques mois plus tôt dans les bras de son fils. « Sur le moment, j’ai bien sûr énormément pensé à mon père, raconte Anthony Knockaert. J’aurais aimé qu’il soit là, pour célébrer cette montée avec nous. Mais c’est la vie. Chaque jour, je travaille encore plus dur pour lui car c’est lui qui m’a donné la force de me battre. Tout ça, c’est pour lui. » En novembre 2016, le Français avait promis à son père qu’il serait en Premier League la saison suivante. Le voilà exaucé, prêt à retenter sa chance après un premier échec avec Leicester – pilier de la remontée des Foxes, Knockaert n’avait joué que 330 petites minutes en Premier League lors de la saison 2014-2015 – mais avec, aussi, un statut nouveau : celui de héros.
L’artiste débridé
Une scène raconte parfaitement l’importance d’Anthony Knockaert dans ce groupe, mais aussi l’état d’esprit qui habite le Brighton & Hove Albion de Hughton. Il faut donc revenir quelques mois en arrière et filer à Leers, dans le nord de la France. Sur le tableau, ils sont tous là : Bong, Liam Rosenior, Steve Sidwell, qui a dédié un but superbe au père décédé de son coéquipier quelques jours plus tôt, Bruno… L’entraînement des Seagulls a été annulé par Chris Hughton et l’ensemble du groupe a fait le déplacement pour assister aux obsèques de Patrick Knockaert, sept ans après la disparition tragique du frère d’Anthony, Steve, des suites d’une crise cardiaque. Il y a quelques mois, l’ancien international espoirs français (3 sélections, 1 but) racontera que « dans un aucun autre club du monde, je pense que mes coéquipiers auraient fait ça. C’est un geste que je n’oublierai jamais. Ce n’est pas seulement des coéquipiers, c’est des amis pour la vie. C’est pour ça que je donne toujours tout sur le terrain aussi, car je sais que je suis dans un club unique. »
Un club unique, mais aussi un club qui aura su lui tendre la main en janvier 2016 alors qu’il était dans une situation complexe au Standard de Liège. Depuis, Anthony Knockaert est simplement devenu l’idole de l’Amex, le mec pour qui l’on s’époumone et qu’on place en tête d’affiche pour vendre les nouveaux abonnements. Alors, au moment de fêter la promotion de Brighton en Premier League en avril, le Français a naturellement pris le micro pour chauffer la foule au stade comme dans la rue tard dans la nuit. Cette saison doit être la sienne, celle de l’explosion définitive d’un joueur à qui Hughton a décidé de ne pas « mettre de barrières » pour le voir atteindre sa quinzaine de buts. « Il s’est souvent sacrifié pour le groupe. Individuellement, en un contre un, il est capable de choses incroyables, complète Bong. C’est bizarre à dire, mais tu peux mettre trois mecs sur lui, il va s’en sortir. Si tu le laisses s’exprimer, il peut faire quelque chose de grand. Le coach a réussi à ne pas le brider tout en le recadrant quand il en fait un peu trop. » Le voilà de nouveau dans les starting-blocks malgré une petite blessure qui pourrait retarder sa reprise, loin d’une formation française qui lui tournait le dos il y a une dizaine d’années pour sa taille et enfin rangé d’une réputation de tête brûlée qu’il a longtemps traînée derrière lui. Tout ça ne doit maintenant plus être une promesse.
Par Maxime Brigand
Tous propos recueillis par MB.