- Ligue Europa – 16e de finale retour – Inter Milan/Celtic FC
Harald Brattbakk, du Celtic jusqu’au ciel
Une fois leur carrière achevée, la plupart des joueurs se reconvertissent comme entraîneur, consultant, dans l'immobilier ou l'hôtellerie-restauration. Rien qui ne ressemble à la deuxième vie d'Harald Brattbakk, resté fameux dans la mémoire des fans du Celtic pour avoir offert le but du titre en 1998, après une décennie de disette. L'ancien international norvégien est aujourd'hui… pilote de ligne.
Beaucoup ont des rêves plein la tête, mais ne les concrétisent pas. D’autres, plus rares, ne fantasment aucun avenir en particulier, mais finissent par vivre comme beaucoup en crèveraient d’envie. Il en est ainsi d’Harald Brattbakk, adulé du temps où il était un footballeur vedette, et qui mène aujourd’hui une deuxième carrière dans une profession qui fait facilement partie du top 5 des rêves de gosses : pilote d’avion. Et il l’assure, il est parvenu aux deux sans vraiment le vouloir. Du monde du foot pro, il en disait ceci lors d’une interview accordée au site de la FIFA il y a quelque temps : « Je n’ai jamais vraiment cru que je pourrais faire carrière dans ce domaine. Mon seul objectif, c’était de jouer pour le club du coin, qui évoluait alors en quatrième ou cinquième division norvégienne. » Quant à sa seconde carrière : « Je ne pensais pas non plus au métier de pilote. Ce que je visais, c’était une carrière d’avocat. » Il est comme ça, Harald, à jouir de la belle vie sans trop se la raconter, un gars qui est devenu un héros du côté du Celtic en marquant l’un des buts les plus importants de l’histoire du club.
Pas de 10e titre de suite pour les Rangers
C’était le 9 mai 1998, pour le compte de la dernière journée de la saison de football en Écosse. La lutte est alors serrée en tête du classement entre les éternels ennemis de Glasgow. La tension est à son comble en ce dernier week-end de match, juste avant que la planète foot ne se concentre sur la Coupe du monde à venir en France. C’est une saison pas ordinaire, car les Gers visent un record inédit : la conquête d’un dixième titre de rang. Une infamie pour les Bhoys du camp d’en face, qui comptent bien mettre fin à l’hégémonie. À l’ouverture de cette dernière journée, le Celtic compte 2 points d’avance sur les Rangers, lesquels mettent une grosse pression en l’emportant 2-1 face à Dundee United. Pas le choix pour le Celtic, il faut gagner à domicile ce dernier match de la saison face à St Johnstone. Si Henrik Larsson ouvre très rapidement le score, c’est un autre Scandinave qui va entrer dans l’histoire. Brattbakk, entrée en jeu à l’heure de jeu, marque le but du 2-0 sur un service de Jackie McNamara. Une délivrance pour tout un stade, qui voyait jusqu’alors son équipe favorite à la peine, proche de céder sous la pression de l’enjeu. Ce but du break assure un premier titre national pour le Celtic depuis 1988 et stoppe l’insoutenable série de l’ennemi. À titre individuel, elle permet aussi à l’attaquant norvégien de devenir un héros du peuple vert et blanc. « C’était ma première saison au Celtic, je n’avais pas conscience de ce que ça signifiait ici d’avoir empêché la série de dix titres des Rangers » , expliquera-t-il plus tard.
Deuxième buteur de l’histoire en Norvège
Quand il en prend conscience en revanche, la pression populaire semble le bloquer. Car de fait, hormis ce but historique et un plus anecdotique quadruplé réussi cette même année 1998 contre Kilmarnock, Brattbakk déçoit du côté de Glasgow, avec des stats insuffisantes pour un buteur et un mental trop faible pour résister à la pression de jouer au moins un match sur deux devant 50 000 personnes. Arrivé de Norvège en décembre 1997 contre une indemnité de transfert de 2,2 millions de livres, il repart d’Écosse en janvier 2000 sans que beaucoup de supporters ne le regrettent vraiment. Jugé trop tendre pour le très haut niveau, il fait une rapide escale par Copenhague avant de retourner chez lui, à Trondheim, où il est le plus épanoui et où il restera dans la légende non plus ce coup-ci pour un seul but, mais pour près de 150. Dans toute sa carrière dans le championnat norvégien, il en inscrira 166 au total, ce qui fait de lui actuellement le deuxième meilleur buteur de l’histoire de la Tippeligaen. Au CV, il faut ajouter quelques jolies performances en Coupe d’Europe (dont deux victoires de prestige face au Real et à Milan) et 17 sélections internationales, pour 5 buts.
« Je survole le stade de Rosenborg »
Après une première retraite en 2006 et une courte pige deux ans plus tard, l’ancien coéquipier de Stéphane Mahé au Celtic raccroche définitivement les crampons en 2008, à 37 ans, avec d’abord dans l’idée de se lancer dans des études d’avocat. Par simple hobby d’abord, il décide aussi de célébrer sa fin de carrière de footballeur en se payant des cours de vol et obtient une licence de pilote privé. C’est seulement à ce moment qu’il se dit qu’il peut faire de sa petite lubie de l’époque un projet de reconversion solide. Il part avec sa famille en Floride, où il décroche une certification de pilotage d’avions commerciaux qui lui permet, de retour chez lui, de décrocher un emploi dans une petite compagnie de Trondheim, Helitrans. « Je survole mon ancien stade à Rosenberg, c’est toujours sympa » , explique-t-il tranquillement lors de l’interview au site de la FIFA. En 2010, il est finalement embauché par la Norwegian Air Shuttle, la principale compagnie à bas coûts du pays, pour piloter des Boeing 737. Sa vie d’ancien buteur-croqueur des Hoops de Glasgow est loin, très loin désormais, à des milliers de pieds au-dessus du sol. « Parfois, racontait-il en 2012 au Daily Record, il y a des supporters du Celtic qui me reconnaissent et me demandent : « Quoi ? Tu sais voler ? On peut monter dans l’avion sans risque ? » Je leur réponds juste : « C’est vous qui voyez ! » »
Par Régis Delanoë