- International
- Équipe de France
- Médecine du sport
Happirès Therapy
« Je ne sais pas si je m'en serais sorti sans lui. » Mais de qui parle donc Robert Pirès ? Nous sommes en juillet 2000, l'homme vient de gagner l'Euro, et évoque pour la première fois cette rencontre qui lui a permis de « sortir de l'enfer » après une saison marseillaise cauchemardesque. Il est médecin. Faciathérapeute, plus précisément. Magicien, pour être complet.
Inutile de le chercher sur internet, l’homme est discret. Son visage, connu des sportifs de haut niveau, reste un mystère pour le non-initié. Patrick Provost, faciathérapeute de profession, présente l’avantage de combiner prénom commun et nom de famille célèbre : de sérieux atouts pour quiconque souhaite rester dans l’ombre. Seul indice sur sa personne : il travaille aux Thermes Marins de Monte Carlo, et soigne les têtes aussi bien qu’il soigne les corps.
En 1999, Robert Pirès traîne la patte sous le maillot marseillais. Après une première saison aboutie en provenance de Metz, conclue par une seconde place en championnat et une finale de Coupe UEFA, le néo-champion du monde 1998 est appelé à porter le brassard phocéen lors de la saison suivante. Mais les prestations du Champenois s’étiolent match après match et accouchent d’une première partie de saison catastrophique, où il est pris en grippe par les supporters Olympiens. Le mental est en berne, sa condition physique chute en conséquence et il perd toute confiance à quelques mois de l’Euro 2000. Alors, en décembre 1999, Rolland Courbis décroche son téléphone et contacte Patrick Provost, un médecin un peu particulier qu’il a rencontré aux Thermes Marins de Monaco. Ce dernier raconte : « Rolland Courbis voulait en faire une pièce maîtresse de l’équipe, et il a compris très très tôt que c’était l’aspect psychologique qui ferait la différence. Robert avait des qualités techniques exceptionnelles, mais il n’arrivait pas à les mettre en œuvre. »
« J’ai des doigts très sensibles, c’est ça le secret »
Dès la première séance, les effets de cette médecine dérivée de l’ostéopathie sont saisissants : « Je traite les « facias », des membranes qui recouvrent toutes les parties du corps. Je pose les mains sur le corps et rééquilibre les tensions et blocages à partir de micro-mouvements, tout en douceur, sans manipulation vertébrale. Robert s’allongeait sur la table pendant 45 minutes et je partais du crâne en descendant progressivement, pour favoriser une meilleure circulation énergétique. » Les premières semaines, Pirès se déplace une fois par semaine, accro aux bienfaits d’une médecine douce inhabituelle dans un monde de manipulations kinésithérapeutiques et massages toniques de récupération. Provost agit comme un aimant à tensions, un Monsieur Culbuto gardien de l’équilibre interne de son poulain. Le rapport de travail évolue progressivement en relation amicale, les deux hommes discutent football à l’occasion, même après le transfert du Français vers Arsenal. Par téléphone, le doc souligne à plusieurs reprises l’importance de la notion d’interprétation : « Le joueur qui tire sur le poteau, il va continuer s’il pense qu’il s’est rapproché du but. En revanche, s’il pense qu’il a raté, il va être moins bon dans les minutes qui suivent. Mon travail, c’est de permettre au joueur d’inverser cette perception. »
Sur sa table, José Cobos, Olivier Chouafni et le prince Rainier III
D’Artagnan passe l’Euro 2000 sur le banc, mais dégaine sa lame juste à temps pour déborder Gianluca Pessoto en finale et claquer un centre victorieux sur le pied gauche de David Trezeguet. « Je suis sorti de l’enfer tout seul » , clame-t-il à qui veut l’entendre. « Je n’étais pas loin de craquer, confie-t-il au Parisien à l’époque. Sans lui(Provost), je ne sais pas si je m’en serais sorti. Je commençais à douter très fort de moi, de mon avenir en club et en équipe de France. » Si Patrick Provost confirme retirer « une certaine fierté » de la longue carrière de son brun préféré, il tient à se mettre en retrait : « Chacun doit être à sa place, je ne suis pas sur le terrain ! Robert est un très grand professionnel, ça a marché parce qu’on a fait un travail régulier. Je ne vais pas donner de noms, mais il y a certains joueurs que je n’ai vu qu’une seule fois… Ils considéraient peut-être que ce n’était pas assez tonique ou qu’ils avaient besoin d’une manipulation… » Au milieu d’autres sportifs, comme Olivier Chouafni et José Cobos – « dans ses dernières années à Nice, il sortait du match et ne pouvait pratiquement plus marcher ! Je le voyais le lendemain et il était titulaire le week-end d’après » – gravite une ribambelle de stars, chanteurs et mannequins. L’astre principal ? Le prince Rainier, tout juste : « C’est lui qui m’a fait venir à Monaco, je m’occupais de lui quand il était encore vivant. Regardez la famille princière et vous comprendrez de qui je peux m’occuper… »
Dernière anecdote : en 2001, à la veille de la finale de FA Cup entre Arsenal et Liverpool, Pirès passe un coup de fil à son magicien des sens et l’invite à Londres pour une séance de dernière minute. Le lendemain soir, les Gunners s’inclinent 2-1 sur un doublé de Michael Owen dans les dix dernières minutes, mais avaient ouvert le score grâce à Fredrik Ljungberg. Et qui était à la baguette ? Robert Pirès, évidemment.
Par Théo Denmat