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Hapoël Kiryat, champion sans ironie
« Une surprise comme on les aime ». Voilà comment on pourrait présenter succinctement l’équipe de l’Hapoël Ironi, néo-champion d’Israël. Avec une avance incroyable sur ses rivaux, géants historiques des villes de Tel Aviv ou Haïfa, les Galiléens ont remporté leur championnat presque trop facilement. Explications.
L’Hapoël Ironi, c’est peut-être le champion le plus étonnant de la saison qui vient de remporter la Toto League (comprendre la première division israélienne). Un titre acquis cinq journées avant la fin avec seize points d’avance sur l’Hapöel Tel Aviv. Un club inconnu même des amateurs de football les plus férus. Et pour cause, l’équipe surprise siège à Kiryat Chmona, petite ville de 23 000 habitants au Nord de Tel Aviv. Créé en l’an 2000, le club de Kiryat n’a pourtant rien de l’équipe de football 2.0. Les installations d’entraînement sont très sommaires, les Blanc et Bleu évoluant dans un petit stade de 5 200 places, loin de l’agitation des grands clubs d’Haïfa ou de Tel Aviv. Rudy Haddad, le milieu offensif d’Auxerre qui a évolué au Maccabi Tel Aviv de 2007 à 2009, compare la ferveur des équipes populaires « à l’ambiance de certains matches en Turquie » . Une comparaison qui ne s’applique donc pas à ce club, retiré de tout fanatisme, et entraîné par un jeune coach, Ran Ben Shimon qui selon Haddad, aime exercer son métier « sans pression » . Sans pression sur le terrain, certes, mais en dehors, c’est une autre paire de manches. Il n’est pas rare pour Kiryat Chmona d’être la cible des roquettes du Hezbollah, la ville se situant à proximité du Liban. Rudy Haddad approuve, non sans nuance : « En Israël, il arrive que l’on soit accompagné. Par exemple je me rappelle d’un match face au club arabe de Sahnin où on était vraiment protégés avant d’arriver dans la ville. Les roquettes ça n’arrive pas que dans ce club. »
Un coach passionné et un « omniprésident »
Avant de revenir à l’Hapoel Ironi, Ben Shimon a entraîné Haddad, au Maccabi de Tel Aviv. L’ancien Parisien se souvient d’une personne « qui marche à l’affectif. Quand je l’ai eu comme entraîneur, je me rappelle qu’il aimait avoir une certaine proximité avec ses joueurs » . L’expérience dans le club des Jaunes se soldera malheureusement par un échec et un licenciement, peut-être « faute de temps » . Ben Shimon, qui avait déjà entraîné l’Hapoël Ironi de 2006 à 2008 revient donc au sein du club de Kiryat en 2009 avec des ambitions. Si l’effectif est composé, pour la majorité, de joueurs du cru, les Lions peuvent compter un atout essentiel, un président omniprésent qui règne sur le monde des affaires. Izzy Sheratzky, propriétaire de GPS Ituran, société cotée à Wall Street, rien de moins. Ce dernier, arrivé en 1999 dans la petite cité, va tout révolutionner, créant une soupe populaire pour les plus démunis, une clinique dentaire pour enfants et même une école d’anglais. Avant de se tourner vers le football et de créer l’Hapoël Ironi, fruit de l’entente de deux clubs locaux. Après trois montées en six ans, le club de Kiryat est quasi prêt à aller chercher le haut de tableau. Certains joueurs étrangers ont d’ailleurs rejoint les rangs bleus et blancs depuis le retour de Ben Shimon. Ils ne le regretteront pas. On vous citera le frère de l’ancien Madrilène Santiago Solari, prénommé David, le Serbe Dusan Matovic, ou encore le milieu de terrain zambien, William Njovu, tout fraîchement arrivé en Galilée. Venus de trois continents, les mages deviennent rois un soir d’avril 2012, le 9 plus exactement. Après ce baptême du feu sur le toit d’Israël, les confessions vont bon train sur le nouveau champion qui aura archi-dominé 2011-2012, notamment grâce à une ambiance unique dans le vestiaire des Lions. Avec deux Toto Cup (Coupe de la ligue) acquises en 2011 et 2012 (trophées qui se jouent en début de saison), on pouvait prédire une bel avenir aux joueurs de Ben Shimon. Mais pas jusqu’à parier sur un tel succès avec une avance pareille.
Un titre contesté
Pour expliquer les raisons de cette surprise, sans renier le talent des protégés de la ville de Kiryat, Rudy Haddad évoque « le changement dans les règles du championnat israëlien qui comptait 12 clubs jusqu’à la saison 2009-2010, avant de passer à 16. En ajoutant quatre équipes de faible niveau, on peut dire que le niveau a baissé. Cela a peut-être faussé le championnat » . Une baisse de niveau significative qui, selon l’ancien Castelroussin, s’explique par un autre facteur. Le joueur issu du championnat israëlien s’exporte bien. Les exemples d’Enyeama à Lille, de Shechter à Kaiserslautern, de Zahavi à Palerme mais également de Buzaglo et de Refaelov respectivement au Standard de Liège et à Bruges suffisent à en témoigner. L’Hapoël Tel Aviv, actuel second du championnat, reste le principal fournisseur de talents made in Israël et le pillage n’a pas été remplacé. Ni en nombre, ni en qualité. Seul l’ex-gardien parisien Apoula Edel et le jeune Nigérian Igiebor ont débarqué cet été. Trop peu pour arracher le titre à l’Hapoël Ironi, club jalousé pour sa jeunesse, ses valeurs et ses dirigeants. D’ailleurs, on parle déjà d’un retour de Ben Shimon vers le Maccabi Tel Aviv. Simples rumeurs ou contacts avérés, le futur éclaircira les doutes des supporters des Lions. D’ici la prochaine Ligue des Champions. Et l’Hapoël Kiryat, sans ironie aucune, pourrait bien passer les tours préliminaires et se retrouver à jouer sa première Ligue des Champions. Au pays des rois mages, le miracle s’est déjà produit une fois…
Par Dimitri Laurent