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Hantz, l’homme et les méthodes
Débarqué en mission commando à Montpellier il y a une semaine, Frédéric Hantz a soigné son entrée avec un large succès du côté d'Ajaccio (4-0). Le tout grâce à ses méthodes propres, son cœur et sa raison. Car Hantz est avant tout un homme qui rêve devant un tableau noir.
Il est resté calme, debout longtemps, le corps collé à son banc de touche. Presque vingt mois qu’on ne l’avait plus vu dans une telle position. Il était resté sur un nul, à domicile, face à Nantes (0-0) quelques jours après avoir gratté trois points du côté de la Paillade. C’était en mai 2014. En début de mois, il nous confiait avoir eu besoin de « prendre une respiration » après quatre ans d’une mission réussie du côté de Bastia, arrosée par deux accessions et un retour en Ligue 1 du Sporting. Une aventure humaine sur une île enivrante. « J’ai passé beaucoup de temps à lire l’histoire de l’île et du club, j’ai pris des cours de corse » , expliquait-il encore début janvier. Frédéric Hantz ne se doutait pas encore que c’est là que son histoire reprendrait, vingt mois après son dernier banc. En Corse, à Mezzavia. Avec Montpellier où il explique que « réussir sa vie d’adulte, c’est réussir ses rêves d’adolescent » . Hantz est donc de retour, avec ses méthodes, ses causeries plongées dans le noir pour « créer l’unité » qui ont fait son nom au Mans, sa passion du tableau de noir et ses choix forts. Samedi, pour sa première, il a soigné son retour avec une gifle collée au Gazélec (4-0) et une sortie de la zone rouge en quelques jours. Hantz : « Quand tu es entraîneur, que tu prends un club de Ligue 1 fin janvier, que tu arrives le mercredi, que ton club est relégable et que le samedi, après un match, il ne l’est plus, c’est un symbole fort. »
« On s’est parlés entre hommes »
Ce mardi matin, à quelques heures de recevoir l’OM, Montpellier pointe à la dix-septième place. Le sourire est revenu et, à la sortie de la pelouse samedi, Bryan Dabo affirmait que « cette équipe pouvait faire peur aux autres » désormais. Grâce à un réalisme insolent – cinq frappes cadrées, quatre buts -, le tout sur terrain flingué par l’usure. Surtout grâce à une envie de jouer retrouvée et à un système tactique repensé. Du côté d’Ajaccio, Hantz avait installé un tout frais 4-1-2-1-2 avec Boudebouz au cœur du jeu. « C’est un entraîneur qui me connaît bien. Je l’avais eu à Bastia et il sait comment me faire jouer, c’est important, même si c’était compliqué de jouer sur un terrain aussi catastrophique. » , détaille le meneur algérien. Sur la pelouse de Mezzavia, Ryad Boudebouz a longtemps tenté de briller techniquement avant de se muer en patron offensif. Jonas Martin a, lui, été décalé sur un côté, où il a semblé plus libéré en posant les clés du jeu dans les mains de son coéquipier. La patte Hantz est là-dedans avec une attaque à deux, car « pour se maintenir, il faut marquer » .
L’autre patte est interne, plus profonde. Elle s’est dessinée du côté de Grammont. En zone mixte, samedi, les joueurs n’ont pas hésité à louer les méthodes d’entraînement du coach Hantz, comme une révolution après le tandem Baills-Martini. Car Montpellier s’est remis à travailler, à se battre dans les duels et a retrouvé un esprit d’équipe perdu depuis plusieurs semaines. Sur la pelouse, le changement se traduit par une présence retrouvée sur les deuxièmes ballons et un impact affiché, preuve étant les deux coups de casque de Bryan Dabo à Ange-Casanova. Lui préférait insister sur les échanges retrouvés et le retour de la sérénité : « Je ne sais pas encore si on peut parler d’un effet Hantz, mais une chose est sûre, on s’est parlés entre hommes. » Surtout, des hommes qui n’ont pas pris de buts, une performance rare cette saison avec seulement quatre matchs de championnat rendus sans encaisser de buts adverses.
L’amour et le tableau
Au-delà de ce succès, c’est surtout celui de la méthode Hantz qui commence à se dessiner dix-huit ans après ses débuts sur le banc de Rodez. « Avec lui, c’était le football total, se souvient Julian Palmieri, son ancien joueur au Sporting. Pour nous, c’était le coach parfait et son départ du club avait été assez mal vécu. Il sait s’intégrer dans un club, notamment à Bastia, où il nous avait imposé des cours de corse. Au-delà de ça, il a ses idées, elles sont arrêtées, mais il sait surtout se remettre en question. » Le fils de l’Aveyron sait où il veut aller et maîtrise l’ensemble des composants d’un groupe qu’il a déjà disséqué en profondeur. Hantz est un amoureux de la tactique et reconnaît qu’il pourrait modifier son système face à l’OM ou à Lorient le week-end prochain. L’adaptation, toujours.
C’est là où Montpellier peut, et doit, faire la différence avec ses poursuivants après un début de saison galère miné, avant l’arrivée de Hantz, par une série de cinq défaites consécutives en championnat. Pourtant, Montpellier a les armes pour lutter dans un championnat où « tout le monde peut battre tout le monde » , où le cœur l’emportera sûrement bien souvent sur la raison jusqu’en mai. Frédéric Hantz a été choisi pour ça, même s’il est arrivé par défaut après le come-back avorté de René Girard. La famille Nicollin voulait un meneur d’hommes, un coach capable de transcender un groupe et de lui donner les moyens de sa lutte. Du côté du Mans, Hantz n’hésitait pas à imposer des footings à 6 heures du matin, des cours de danse. C’est un homme de mission et de déraison. Mais c’est avant tout un esprit et des méthodes. Et ce Montpellier, celui de samedi, doit confirmer dans ce sens. Le sauvetage passera par là.
Par Maxime Brigand