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Hantz : « Je ne me considère pas dans l’urgence »
Il y a deux semaines, il tapait des balles de golf à l’île Maurice. Aujourd’hui, il est censé reboucher les trous sous la grisaille lorraine. Débarqué cette semaine à Metz pour maintenir les Grenats en Ligue 1, Frédéric Hantz a accepté de faire le point sur les conditions de son arrivée et sur la mission qui l’attend. Avec une équipe ayant connu dix défaites en onze matchs, le Sudiste sait qu’il s’engage sur un parcours de 27 trous truffé d’embûches, dont la première se nomme Marcelo Bielsa dès dimanche.
Bonjour Frédéric. La dernière fois qu’on vous a contacté, juste avant le limogeage de Philippe Hinschberger, vous n’étiez pas du tout dans cette démarche de prendre un poste en cours de saison. Qu’est-ce qui vous a décidé à donner votre accord au FC Metz ?J’ai beaucoup hésité à venir à l’entretien, parce que je n’étais pas prêt, tout simplement. Très franchement, je pensais finir l’année tranquille. Mais quand tu es passionné, il ne te faut pas grand-chose pour repartir. Ça fait neuf mois que je suis parti de Montpellier et, quand tu n’exerces plus, tu ressens un manque. Et puis Metz s’est présenté à ce moment-là. J’ai senti que le fonctionnement actuel du club me correspond bien et que je peux apporter quelque chose. Et puis Metz, c’est le club où j’ai découvert la première division quand j’avais 25 ans (lors de la saison 1992-1993, ndlr). J’ai appris en partie mon métier ici. Et puis je n’avais jamais entraîné de club où j’avais joué en pro, donc ça a eu son importance.
Vous dites que vous n’étiez pas prêt à ça, pourtant la mission qui vous attend sera certainement éreintante. Comment allez-vous gérer ça, à titre personnel ?Ça, j’en ai l’habitude. Surtout qu’après neuf mois sans entraîner, j’arrive avec de la fraîcheur. On sait que dans cette situation, tu sers de bouclier qui va prendre la pression que les dirigeants et les joueurs ne prendront pas. Mais je suis prêt à ça. Le président m’a choisi pour ça, rester en Ligue 1. Il y a la volonté et la conviction que le FC Metz peut se sauver. C’est un défi passionnant. Il y a beaucoup d’énergie à mettre, il faut être précis dans ce qu’on fait, faire attention à ce qu’on va changer : parce qu’il ne faut pas non plus aggraver la situation.
Vous confirmez que Bernard Serin ne vous a pas appelé avant la défaite face à Dijon, synonyme de départ pour Philippe Hinschberger ?Non, non. Je pense qu’il n’avait appelé personne à ce moment-là. Le président a rencontré Philippe à la fin de l’ultimatum et ils ont décidé de se séparer. À partir de là, plusieurs CV sont arrivés sur la table et il a passé quelques coups de fil. Je n’étais pas là à attendre que l’entraîneur en place tombe. On se connaît bien avec Philippe.
Vous avez eu Philippe Hinschberger au téléphone. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?Je l’ai appelé quand j’ai été nommé, comme j’ai l’habitude de le faire quand je remplace un confrère. On a surtout parlé de lui, savoir comment il vivait la situation, qu’est-ce qu’il allait faire. Il est quand même arrivé en décembre 2015, a connu une montée, un maintien, il a valorisé des joueurs… De ce point de vue, le passage de Philippe Hinschberger au FC Metz est une vraie réussite.
Pourtant, le week-end dernier, vous auriez eu mal à la tête en regardant les matchs de vos prochains adversaires, Toulouse et Lille, dans la foulée de celui de Metz à Lyon. Les Grenats donnent à ce point des migraines ?C’est l’enchaînement des trois qui m’a fait mal. Perdre à Lyon, il n’y a pas de honte. Mais quand tu vois Toulouse et Lille jouer juste après, ils présentent autre chose que nous. Je le savais en arrivant, mais ça fait peur. Samedi, le LOSC sera redoutable vu le jeu proposé actuellement. Je pense que c’est une équipe qui ne descendra pas, car ils ont l’engagement et le potentiel athlétique nécessaire pour se maintenir. On doit s’inspirer de ce qu’ils font. Il va falloir être capable d’augmenter le rythme, mettre de l’intensité, se montrer plus spontané. Je l’ai dit aux joueurs : soit on est capable de le faire et on peut espérer, soit on ne l’est pas et on sera vite fixé sur le fait qu’on ira en Ligue 2.
Avec une série de trois victoires, vous pourriez accrocher le bon wagon. Quels sont vos objectifs d’ici la trêve ?Je sais que Metz doit encore jouer 27 matchs en Ligue 1, quoi qu’il arrive. Sur le mois qui vient, il faut d’abord mettre en place des éléments qui nous permettront d’espérer. Mais je ne compte pas le nombre de points qu’il nous faudra à la trêve. Bon, si on y arrive avec moins de trois victoires, c’est quasiment foutu. Sauf qu’aujourd’hui, on peut aussi se raccrocher aux barrages alors qu’avant il fallait viser les 42 points pour se sauver. Il faut aussi s’attendre à ce que d’autres équipes connaissent de grands trous d’air au cours de l’hiver. On doit optimiser tout ce qu’on peut.
En conférence de presse, vous évoquiez les « valeurs de la région » et les « valeurs du club » . Quelles sont-elles ? Le FC Metz est un club populaire dans une région qui a longtemps été ouvrière avec les mines et la sidérurgie. Comme à Lens ou Saint-Étienne, on s’attend à ce que les joueurs mouillent le maillot. Le respect, la fierté : dans ces moments difficiles, le FC Metz doit conserver ces valeurs. Pour moi, il y a aussi la notion de solidarité. Quand je suis arrivé ici à 25 ans, j’ai rencontré une famille que tu n’as pas dans tous les clubs.
Vous avez rencontré vos joueurs mardi. Dans quel état avez-vous récupéré le groupe ?Face à un changement d’entraîneur, les joueurs subissent la situation. Je n’ai pas trouvé un groupe en déliquescence avec des joueurs qui ont lâché ou des disputes en interne. Surtout que les relations entre Philippe et les joueurs étaient excellentes, donc il n’y a pas de satisfaction, mais juste une prise de conscience. De ce que j’ai vu, ils répondent athlétiquement et moralement à la demande. On sent qu’ils ont surtout besoin de quelque chose de nouveau pour se réveiller.
Vous venez à Metz accompagné d’Arnaud Cormier, qui était votre adjoint au Mans et à Montpellier, alors que Sylvain Marchal, un ancien de la maison grenat, intègre aussi le staff. C’est important cet équilibre entre personnes de confiance et personnes liées au club ? Pouvoir compter sur Arnaud, ça me permet de gagner du temps. On doit agir vite : à quatre yeux et deux compétences, c’est plus facile. Comme on se connaît parfaitement, ça me laisse la possibilité de prendre de la hauteur sur le management et la stratégie du club. La promotion en interne de Sylvain est aussi importante parce qu’il connaît parfaitement le club et je l’ai connu quand il jouait à Bastia. Donc c’est un bon compromis.
Vous voilà donc à nouveau dans le rôle du pompier de service. Mais en plus d’éteindre l’incendie, il faudra reconstruire quelque chose de suffisamment solide pour espérer se maintenir. Vous pensez avoir assez de temps pour réussir ça ?Je ne me considère pas dans l’urgence. J’ai une vision très précise du travail que je vais faire avant Noël. Après, on verra les résultats et on fera le point à la trêve sur les orientations à donner. C’est pas plus compliqué que ça. Il faut y aller, sereinement, en étant précis sur le travail demandé, sur les consignes tactiques et sur le choix des joueurs. Mais, effectivement, je ne peux pas échapper au terme de « pompier de service » .
En quoi la situation est différente de celles que vous aviez connues au Havre, à Bastia où à Montpellier, où vous aviez aussi ce rôle-là ?À Montpellier, c’était assez semblable. En revanche à Bastia, je n’ai pas l’impression de l’avoir été. C’était le début de saison, le club descendait en National, j’ai accepté d’y aller, ce n’était pas le rôle de pompier. Pourquoi je me retrouve dans ces situations ? Peut-être que je trouverai des explications à ça quand j’arriverai à la retraite. Mais je ne me suis jamais senti programmé pour ça. Metz est mon sixième club de Ligue 1, je ne pensais jamais en faire autant et je suis fier de ça. Je suis là pour donner le meilleur de moi-même et je prends beaucoup de hauteur par rapport à ce métier. Ma responsabilité est de transmettre des choses positives. Il y a le jeu d’un côté et l’attitude de l’autre, qui doit rester exemplaire qu’il y ait la réussite ou l’échec.
Propos recueillis par Mathieu Rollinger