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Hans-Jürgen Dörner, bien plus qu’un Beckenbauer de l’Est

Par Julien Duez
Hans-Jürgen Dörner, bien plus qu’un Beckenbauer de l’Est

Il allait fêter ses 71 ans dans moins d’une semaine. Dans la nuit de mardi à mercredi, Hans-Jürgen Dörner s’est éteint chez lui, en Saxe, des suites d’une longue maladie. Surnommé le Franz Beckenbauer de l’Est, « Dixie » laisse derrière lui l’image d’une légende dans son club de toujours : le Dynamo Dresde. Mais aussi une empreinte considérable dans le football allemand. Et pas seulement celui de l’ex-RDA.

La première question qui restera après la mort de Hans-Jürgen Dörner est la suivante : bordel, mais d’où vient ce surnom, « Dixie » , qui l’a accompagné tout au long de sa vie ? Poser la question, ce n’est pas forcément y répondre. En janvier dernier, pour ses 70 ans, il jurait au site de la DFB ne plus vraiment savoir d’où était parti le délire. En revanche, il était sûr d’une chose : cela n’avait rien à voir avec les vieilles automobiles du même nom ou le style de jazz dixieland. Pourtant, quelques années auparavant, Dörner affirmait justement que ce surnom lui avait été donné par l’un de ses frères qui l’observait courir comme un dératé derrière les grands de son quartiers avec lesquels il tapait la balle dans les rues de Görlitz, sa ville natale. Ses souvenirs se sont-ils embrouillés avec le temps ? C’est fort possible, tant ses interviews sont ponctuées de multiples « je ne sais plus », « je ne suis pas sûr », ou « je ne m’en rappelle plus très bien ». Mais lui, le libéro du Dynamo Dresde, tout le monde s’en rappellera, et les hommages qui ont suivi l’annonce de sa mort en sont la preuve. Comme une évidence, c’est son club de toujours qui a partagé la triste nouvelle en premier, au matin du mercredi 19 janvier 2022, six jours avant de souffler sa 71e bougie : « Avec la mort de Dixie Dörner, nous ne perdons pas seulement le plus grand joueur de l’histoire du club, mais un homme qui a conquis notre cœur à tous. Pendant plus de cinq décennies, il s’est engagé de manière exceptionnelle pour les couleurs de notre ville et de notre équipe, sur le terrain comme en dehors. »

En jaunisse et noir

Dixie Dörner est né deux ans après la fondation de la République démocratique allemande, dans une cité à la frontière germano-polonaise, où Jens Jeremies et Michael Ballack verront eux aussi le jour avant la chute du Mur. Avec trois frères qui tâtent le cuir et un daron porté sur l’éducation physique, le football vient très rapidement rythmer cette enfance « normale », selon les dires de l’intéressé qui prend sa première licence à Görlitz avant de grimper les échelons jusqu’à, dans la plus pure tradition du sport socialiste, être « délégué » à Dresde pour terminer sa formation au Dynamo, en parallèle de celle de tourneur-fraiseur qu’il exécute sans rechigner. Mais Dixie n’ira jamais pointer à l’usine. À peine majeur, il intègre l’équipe première des Jaune et Noir tout juste reléguée en D2 et c’est en qualité de joueur de l’antichambre qu’il signe sa première cape avec la RDA face au Chili, en entrant en jeu pour une petite demi-heure. On est alors en 1969. De l’autre côté du rideau de fer, le Summer of love bat son plein. À l’Est, c’est un Grand Hiver qui commence pour Dörner : après deux ans sans revoir la sélection, une jaunisse le prive du Mondial 1974, et son nom ne figure donc pas dans la liste des onze camarades ayant infligé un camouflet à leurs frères occidentaux le 22 juin au Volksparkstadion de Hambourg. « J’avais 23 ans et je me suis dit que ce n’était pas si grave, que j’aurais l’occasion de participer à une autre Coupe du monde », philosophait-il après coup.

Pas de bol, on ne reverra plus jamais la RDA dans un tournoi international. Exception faite des Jeux olympiques de Montréal, dont il est du voyage cette fois-ci, qui plus est en pleine possession de ses moyens. Car au moment de débarquer au Canada, Dixie a remporté deux championnats et une Coupe de RDA avec son cher Dynamo. Qui plus est, il s’est imposé comme un joueur à part, un OVNI même. À son poste de libéro, il n’est pas du genre à envoyer des chiches pour dégager la balle, préférant relancer posément, avec un style chatoyant et une vistaqui dénotent au sein d’un pays où prime le style rugueux et agressif. De surcroît, il brille par son apport offensif. Pour preuve : il facture 101 buts en 558 matchs disputés avec le club saxon à la fin de sa carrière en 1986. Pas mal pour un numéro 5 à l’ancienne, bien qu’il portait le 3 ! De quoi lui attribuer le surnom de Beckenbauer de l’Est, bien que la comparaison soit parfois remise en question, tant son exposition est restée inférieure à celle de son homologue de RFA.

De l’importance du foot dans un pays socialiste

Qu’à cela ne tienne, Dixie n’a jamais cherché à se faire un nom ailleurs que dans la patrie des ouvriers et des paysans. Pourtant, les occasions de faire défection n’ont pas manqué puisqu’en Coupes d’Europe, il a affronté notamment Hambourg (en C3), le Bayer Uerdingen (en C2) et le Bayern Munich (en C1). Trois duels inter-allemands et autant de défaites, dont certaines sont passées à la postérité. Mais n’allez pas lui coller une étiquette de loser magnifique ! Au contraire, à Montréal, il repart avec l’or olympique en battant l’URSS en demies et la Pologne en finale. Le tout en ayant inscrit quatre buts (dont trois sur penalty). De cette XXIe Olympiade, la RDA repart avec la deuxième place au tableau des médailles, derrière le grand frère soviétique et les footballeurs ont réussi à prouver au Parti qu’il avait tort de ne pas investir dans les sports collectifs au motif que le ratio athlètes/médailles potentielles était inférieur à celui des disciplines individuelles. Surtout, ce fut l’une des rares occasions où les citoyens allemands de l’Est furent sincèrement fiers de leur pays. Et pour Dixie Dörner, une raison supplémentaire de le servir jusqu’au bout (en plus d’éviter des ennuis à sa famille).

Lorsqu’il fait ses adieux à la scène internationale le 18 mai 1985 face au Luxembourg, il quitte l’équipe nationale en faisant partie du club très sélect des joueurs à avoir atteint les 100 capes. Seul Joachim Streich (102 sélections) a fait mieux. Un an plus tard, il a 35 ans et on lui fait comprendre que sa carrière de joueur est derrière lui. Au total, son armoire à trophées compte cinq championnats, cinq Coupes nationales et trois titres de joueurs de l’année, tous remportés avec le Dynamo Dresde. Parmi les cadeaux qui lui sont remis après son ultime coup de sifflet final, une poupée à son effigie reprenant sa légendaire permanente qui tranchait avec les timides coupes de cheveux mi-longs en vogue à l’époque. « La première fois que je l’ai arborée, c’était à la suite d’un pari avant un match face aux Pays-Bas à Iéna, en 1979. Il y avait cinq ou six bouteilles de champagne en jeu », se souvient l’intéressé. De quoi renforcer un peu plus son image de joueur élégant, apprécié aux quatre coins de la République et tellement à part dans un pays fermé au reste du monde.

Dixie, et maintenant ?

Justement : quand le monde s’ouvre à lui et à ses concitoyens à l’aube des années 1990, il est un entraîneur confirmé ayant déjà pris en charge les jeunes du Dynamo et l’équipe olympique est-allemande. Avec la fusion des deux fédérations, il hérite de la casquette de sélectionneur des U17 de l’Allemagne réunifiée. Et quand en 1996, le Werder Brême le sollicite pour reprendre un club mal en point après son titre remporté par Otto Rehhagel trois ans plus tôt, il n’hésite pas et fonce tête baissée. Son bilan de premier Ossi sur le banc d’un club de l’Ouest : avoir fait passer les Vert et Blanc de la quinzième à une honorable neuvième place. Not great, not terrible. « Je ne regrette rien, mais ce qui m’a le plus surpris, c’est de ne pas avoir reçu d’offres après coup », rejoue l’ex-casque d’or qui rebondira finalement en Égypte, à Al-Ahly, où il enchaîne deux titres d’affilée avec l’une des meilleures équipes du continent. Étrangement, son contrat n’est pas renouvelé, mais comme Dixie a le mal du pays, il retourne en Allemagne sans rechigner. Un flop plus tard au VfB Leipzig (redevenu Lokomotive entre-temps), il se range des bagnoles et entre au conseil de surveillance du Dynamo Dresde où il est triomphalement élu.

Les deux dernières décennies de son existence sont consacrées à raconter ses souvenirs et à vivre sereinement son statut de légende locale. En plus d’avoir renommé une tribune à son nom et affiché son portrait sur la façade du stade, la direction dresdoise l’a honoré à travers un timbre, du merchandising et une pièce commémorative plaquée or 24 carats. Aujourd’hui, elle pleure celui qui a marqué une histoire écrite en grande partie dans un pays qui n’existe plus. À présent, il faudra se souvenir du parcours hors norme d’un homme qui était bien plus qu’une pâle copie socialiste de Franz Beckenbauer. « Tu étais en avance sur ton temps. Pep Guardiola se serait éclaté avec toi », jurait Matthias Sammer, élu footballeur européen l’année de la retraite de Dixie, dont il a brièvement été le coéquipier. « Tu as été l’un des plus importants de tous les joueurs allemands », a ajouté pour sa part le Bavarois Lothar Matthäus. On ne saurait lui donner tort. Après avoir été intronisé au Hall of Fame du football d’outre-Rhin en 2019, Dixie Dörner est entré à tout jamais dans l’histoire d’un pays qui doit traiter ses anciennes gloires sur un pied d’égalité. Peu importe le côté du Mur duquel ils ont brillé.

Dans cet article :
Un nouveau gardien numéro un en vue pour l’Allemagne
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Par Julien Duez

Propos issus du site dfb.de, d'Eurosport, du MDR et du documentaire Dixie Dörner, sorti en janvier 2021.

Photos : Dynamo Dresde / Wikipedia

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