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Hamon : « Depuis que Sarkozy est président, on perd tout ! »

Propos recueillis par Romain Lejeune
11 minutes
Hamon : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Depuis que Sarkozy est président, on perd tout !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Porte-parole du parti socialiste, Benoit Hamon est un vrai fan de foot. Militant du salary cap, le supporter du Stade Brestois analyse le clasico, propose de changer les règles du jeu et se rappelle le « Yeah ! » anglais des travées de Stamford Bridge.

Le chant brestois : « Ensemble, nous sommes invincibles » . Prétentieux ou réaliste ?

Tous les chants sont un peu prétentieux. Mais, en même temps, ça traduit bien que pour garder sa place dans l’élite, ce club a besoin d’être solidaire. Comme toutes les équipes de deuxième partie de tableau, qui n’ont pas un budget pharaonique, qui font un recrutement très ciblé : elles sont obligées de jouer sur la solidarité. C’est comme ça que l’on a fait une belle saison l’année dernière, avec une équipe qui gardait bien le ballon. Aujourd’hui, c’est plus difficile. Mais on a un bon entraîneur, un bon groupe.

Qu’avez-vous à dire à Alex Dupont ?

D’abord, j’aime bien ce qu’il raconte. Ce mec respire la sympathie. J’aime bien la manière dont il parle du foot. C’est un type qui a l’air gai, fraternel. Il a une conception du foot plaisir qui est vachement agréable. Je ne l’ai jamais rencontré, mais je l’aime bien. Déjà avec Sedan, il a fait un bon parcours. S’il avait les moyens d’être plus ambitieux en termes d’effectif, j’imagine qu’il ne cracherait pas dessus, mais j’aime bien l’image qu’il renvoie de ce sport et du club. Une image positive, saine, honnête. Il n’est pas dans l’excès de langage, il est dans une sorte de passion positive qui n’est pas contradictoire avec l’idée de faire des bons résultats, donc moi j’aime bien ce mec-là !

Michel Guyot, président du Stade Brestois, a soutenu Le Graët, une bonne chose ?

Je pense qu’il a eu raison de le soutenir. Il fallait faire bouger la Fédération. Je ne connais pas Duchaussoy, mais il y a eu une gestion de l’affaire des quotas que j’ai trouvée désastreuse, une gestion du cas Domenech que j’ai trouvée mauvaise également. Une dégradation de l’image du foot français qui ne peut pas juste incomber au comportement de quelques-uns des sportifs. A un moment, on est jugé pour un bilan. J’étais assez favorable au changement. Après, c’est une maison que l’on transforme progressivement.

Benoit Hamon, aimez-vous vraiment le foot ?

Oui, je pratique toujours un peu d’ailleurs. Je suis les matchs du Stade Brestois et les résultats. Je ne suis plus les matches de Ligue 1 comme je pouvais le faire avant, je n’ai plus le temps.

Vos postes successifs ?

Quand j’étais licencié à l’ASPTT Brest, je jouais plutôt sur l’aile, et quand je suis passé en Ufolep (Ndlr : Union Française des Œuvres Laïques d’Education Physique) en région parisienne, en senior, j’évoluais au poste de milieu défensif. Mais plus jeune, j’ai très vite eu un problème de physique, j’étais un peu frêle.

Quand vous jouiez en région parisienne, c’était avec quel club ?

Ça s’appelait Modestine United ! Un club corpo qui, au départ, était une compagnie de théâtre, et qui a fait un club de foot en raccrochant des joueurs, dont moi. J’y ai joué cinq ou six ans. On jouait sur des terrains stabilisés de la petite couronne contre des équipes comme le Partizan Belleville, contre des clubs d’entreprise ou des associations en championnat Ufolep. Ça jouait pas mal au ballon, on était en milieu de classement dans notre division.

Et il y a un club au parti socialiste ?

Non… on a fait des matchs à une certaine époque, quand François Hollande était porte-parole du PS ! Je me souviens d’un match contre les jeunes socialistes que l’on avait perdu. Ils s’étaient renforcés avec des mecs de Clichy, ils avaient fait une sorte de petit mercato trop discret… Mais François Hollande joue pas mal au ballon, il tripote comme on dit !

Vous disiez être un peu frêle étant jeune, Messi aussi…

Oui, mais il va vite ! Et moi pas assez. Mais j’ai très vite découvert que mon poste de prédilection était milieu défensif. C’est un poste auquel je m’identifiais assez. A vrai dire, je n’étais pas un grand fan des attaquants. Je préférais les milieux ou les défenseurs centraux. J’ai toujours aimé les tacles, le mec qui tricote un ballon dans les pieds de l’autre, celui qui interrompt la marée des attaques adverses par un pied qui traîne, par un pressing intelligent, un bon placement. J’ai toujours été très admiratif de la capacité de certains joueurs à lire le jeu adverse, à être au bon endroit au bon moment, à faire l’essuie-glace en permanence, dans la largeur, dans la longueur.

Quels joueurs par exemple ?

J’étais assez fan de Jean-François Larios, milieu défensif qui a joué à Saint-Etienne et à Bastia. Après, j’ai toujours aimé des mecs comme Luis Fernandez, un vrai défensif, un vrai physique, pas forcément très beau à voir quand il remontait le terrain, mais j’aimais bien ces joueurs- là ! J’ai toujours aimé aussi les Néerlandais comme Johan Neeskens, Johnny Rep devant. De la même manière, j’ai toujours trouvé que Vieira était un grand joueur de foot, surtout à l’époque de l’Euro 2000 où il nous sort des matchs de folie. C’est aussi le moment où il est énorme avec Arsenal ! J’ai toujours aimé les joueurs un peu travailleurs ou un peu pénibles. Deschamps, comme défensif, était un pénible. Gattuso aussi. Même devant j’ai toujours aimé les pénibles, comme Inzaghi par exemple ! Inzaghi, il va te mettre des buts de raccroc. Et puis avec ce joueur, il y a un truc qui m’énerve beaucoup, mais que j’aime en même temps, c’est quand il marque, on croirait qu’il vient de gagner la Coupe du monde, il fait des manifestations de joie débordantes !

Un mot sur Eric Cantona ?

J’adorais Cantonna, comme tout le monde, quand il était le King à Manchester. Il avait quand même une manière de faire son métier complètement atypique, par rapport à la communication chiantissisme du joueur de base, avec les éléments de langage, les trucs pénibles etc. C’était un chaud quoi !

Votre second club de cœur : l’OM. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de l’équipe qui a ramené le plus de monde au Stade Francis le Blé, le 8 août 1986, avec 21 000 personnes ?

Pour être franc, vous avez le club près de chez vous, que vous supportez. Et puis vous avez le club qui monte aux cimes ! Pour parler de l’OM, j’ai toujours préféré l’ambiance du Vélodrome à celle du Parc des Princes. Et puis j’ai aimé cette équipe de Marseille car elle m’a donné du plaisir, elle m’a excité, elle nous a offert la première Coupe des clubs champions. Et puis ils ont sorti des putains de joueurs, avec des équipes de feu, qui vous laissent des souvenirs impérissables. Ils étaient bons partout, sur toutes les lignes. C’était quand même Rudi Völler, Papin, Chris Waddle, Abedi Pelé, Di Meco, Basile Boli, Deschamps, ça déchirait quoi… J’étais fan.

Et le PSG ?

J’étais aussi très heureux quand le PSG a gagné la Coupe des Coupes en Autriche (Ndlr : 1996, face au Rapid Vienne). Une mine de N’Gotty aux trente mètres comme il en mettait parfois. Mais je suis même sûre que certains supporters du PSG étaient heureux quand l’OM a remporté la C1.

L’arrivée des Qataris à Paris, ça vous fait quoi ?

C’est symptomatique de l’époque que l’on vit. Sur le fond, je trouve ça curieux. En plus, j’ai le sentiment qu’ils évacuent progressivement les bons joueurs français de l’effectif. Je trouve par exemple que Sakho a complètement sa place, idem pour Chantôme. Après, c’est un choix, ils veulent mettre du pognon, ils veulent de la visibilité, gagner des titres, vendre des maillots. En revanche, je ne vois pas en quoi Kombouaré ne faisait pas le boulot. J’aime bien ce mec-là, je trouve qu’il a réagi avec une telle classe… chapeau quoi. Bon joueur de foot, très bon entraîneur.

Les investissements qataris : contradictoires avec votre discours sur la régulation financière dans le milieu du football ?

Moi, je suis favorable à un cap des salaires, l’équivalent d’une DNCG (Ndlr : Direction nationale du contrôle de gestion) européenne qui vérifie la nature des comptes. Je suis pour un statut des agents de joueurs, un quota de joueurs formés localement. Je pense qu’avec tout ça, nous aurons des compétitions beaucoup plus régulières, choses que ne veulent pas des clubs comme Chelsea, Manchester, le Barca ou le Real, qui ont des déficits abyssaux. S’il y avait une DNCG européenne, les Galactiques seraient révisés à la baisse et ça redistribuerait un peu les cartes. Mais j’aime regarder le clasico !

Et donc, plutôt Barcelone ou Madrid ?

Je suis un inconditionnel du Barca. Même si je suis content quand Benzema marque !

Pas trop lassant de voir tout le temps les Catalans gagner ?

S’ils gagnaient en jouant comme de la merde, je voudrais bien, mais là, ils jouent super bien. Franchement, l’intelligence tactique de Mourinho n’a pas eu raison de l’intelligence du jeu de Pep Guardiola. Je ne suis pas supporter de l’Espagne, mais je trouve que leur domination du football est une domination positive car ils proposent du jeu.

Retour à vos propositions, sont-elles applicables au niveau européen ?

Jusqu’ici, l’agence européenne a été en partie rejetée par les pays refusant d’avoir une législation relative au financement, car elle remettrait en cause la domination de leur club. Les représentants les plus réticents viennent d’Angleterre et d’Espagne. J’étais l’élu au Parlement européen qui suivait ce rapport : les parlementaires espagnols et britanniques étaient vent debout contre ça.

Que fait l’UEFA ?

Je pense que Platini recherche une synthèse intelligente pour bien utiliser l’argent mis à disposition. Contre l’exploitation des jeunes joueurs, la remise en cause de la formation, le blanchiment, etc. En revanche, je ne comprends pas pourquoi il est contre l’arbitrage vidéo. Je ne saisis pas les arguments. On pourrait définir les limites de l’arbitrage vidéo, mais l’interdire, je ne comprends pas.

L’arrêt Bosman, il faut le modifier ?

Non, c’est très compliqué de le remettre en cause. Aujourd’hui, le vrai problème, c’est qu’il n’y a pas de limite à la masse salariale. A ce propos, le modèle des franchises américaines est bon. Pour les Américains, dans un club, on ne peut pas avoir de masses salariales supérieures à une somme définie à l’avance. Si le club veut mettre tout son argent sur un Messi et un peu moins sur les autres, il le peut, mais au moins, ça met un peu plus de régulation : c’est ça le salary cap. Et la deuxième mesure qui me semble intéressante, c’est la mise en place d’un quota de joueurs formés localement, issus du centre de formation. Cela éviterait que les clubs soient exclusivement composés de joueurs achetés un peu partout dans le monde. Cela créerait également une sorte de lien entre le sport professionnel et le sport amateur.

Si demain, le PS est au pouvoir en France, il pourra donner l’impulsion pour que ces mesures soient applicables au niveau européen ?

Ces décisions relèvent de l’UEFA.

Et sur le plan national ?

On pourrait pousser à ce qu’il y ait une directive pour la création d’une agence européenne des sports, dont le but serait de contrôler les finances des clubs. Moi, ce que je ne souhaite pas, c’est qu’un jour émerge une sorte de ligue européenne du foot, concurrente à la Ligue des Champions, qui créerait un championnat européen dans lequel le ticket d’entrée serait le chiffre d’affaires. Moi, je veux voir régulièrement des Milan-Manchester, mais aussi rêver de pouvoir voir un jour un Brest-Milan. Je veux qu’il y ait un lien entre le sommet et le bas.

Aujourd’hui, le foot fait réfléchir au parti socialiste ?

Oui. Concrètement, nous militons pour que le sport professionnel ne soit pas déconnecté du sport amateur, qu’il y ait de la régulation. Les sommes qui sont brassées justifient qu’il y ait un regard public et un contrôle de cet argent, et qu’il y ait des règles identiques pour tous les clubs européens, dès lors qu’ils évoluent dans les mêmes compétitions. On travaille à ce qu’il n’y ait pas de clubs qui puissent aujourd’hui acheter de grands joueurs, tout en creusant des déficits auxquels n’ont pas droit les clubs français. En France, la DNCG peut rétrograder administrativement un club car l’on impose des règles d’équilibre des comptes plus draconiennes que pour les Anglais ou les Espagnols. Donc il faut travailler à ces harmonisations.

Selon vous, le football a été délaissé par la droite ces dernières années ?

En termes de mesures d’assainissement ou de régulation, à part Roselyne Bachelot qui était allée faire la leçon aux joueurs à Knysna… Ça n’est pas un hasard si, à un moment, il y a eu un parallèle entre la France bling-bling de Sarkozy et le foot bling-bling : nous sommes quand même dans une époque où l’on valorise tout le temps l’argent facile et la jouissance de l’argent ostentatoire. Et puis, quand même, depuis que Sarkozy est président, on perd tout !

Le football, ça signifie quoi pour vous ?

C’est un spectacle. Ça fait rêver les gens, mais ça peut aussi les faire disjoncter. Je pense à ce qu’il s’est passé en Egypte, je pense au hooliganisme en Europe. Je rêve qu’on puisse avoir des stades à l’anglaise. Concernant l’aspect festif, honnêtement, dans le football, le « Yeah ! » qui résonne dans les travées d’un stade anglais lorsqu’il y a un but, c’est pour moi l’un des trucs les plus forts. J’ai vécu ça lors d’une rencontre à Stamford Bridge. C’était génial. « Yeaaaaah ! » .

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