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Hallfredsson, le husky
Ce robuste milieu de terrain est l'un des premiers Islandais à avoir réussi son expatriation, débarqué en Italie en 2007, il n’en est jamais reparti, hormis un bref détour en Angleterre. À 32 ans, il est désormais une valeur sûre de la Serie A. Enfin là où il trouve un peu d’ombre.
« Il y avait un talent-scout de la Reggina qui s’appelait Aldo Cerentola, un ancien entraîneur qui écumait les terrains pays scandinaves. L’été 2007, il ramène deux Danois, Stadsgaard et Tulllberg qui ne feront pas long feu. Bon jusque-là, rien de particulier, en revanche, un Islandais, ça c’était une nouveauté. » Joueur symbole du club calabrais, Salvatore Aronica fut un de ceux qui accueillit Emil en Italie, il avoue en toute honnêteté : « On se demandait un peu ce qu’un Islandais venait faire ici, on était vraiment curieux car le club était habitué à miser sur les Sud-américains. En outre, le président Foti répétait qu’il s’agissait d’un très joli coup. » Formé à l’Hafnarfjörour, transféré à Tottenham dès 2005 qui le prête à Malmö, c’est là qu’il se fait remarquer, et après un passage éclair à Lyn Oslo, Hallfredsson atterrit en Calabre. Sans Albert Gudmundsson passé par le Milan 60 ans plus tôt, il aurait d’ailleurs été le premier ressortissant de son pays à fouler les pelouses italiennes, il se contentera d’en être le plus performant.
De Iceland à Firecity
« Nous étions en altitude, au-dessus de Spoleto en Ombrie, il faisait frais, Emil se trouvait à son aise et avait fait excellente impression, mais quand on est redescendus en Calabre, tout a changé. Il a connu une grosse régression à cause des températures auxquelles il n’était pas habitué » , confie Sasa. Le bon vieil Islandais qui craint la chaleur, un peu cliché certes, mais tout à fait vrai. 22 degrés, c’est la température moyenne de cette ville à la pointe de la Botte avec un bon 30 l’été et évidemment des poussées à 40 et plus : « On l’avait surnommé le husky, comme ces chiens de montagne qui sont en pleine forme l’hiver et tout fatigués l’été. En montagne, il allait à 1000 à l’heure, et quand il est arrivé à Reggio, plus personne. » L’adaptation est compliquée. En plus, le caractère du personnage ne l’aide pas à se mettre au diapason : « Il a lié un peu avec les autres étrangers, mais c’était un mec taciturne, très discret, déjà fiancé quand il est arrivé. Sa nana bossait dans une compagnie aérienne islandaise, il pouvait rentrer assez souvent, genre quand on allait jouer à Rome, hop, il prenait un vol direct pour le pays. » L’expérience calabraise dure deux ans et sera extrêmement négative de son propre aveu : coups de soleil violents, insolations, Emil n’en peut plus et demande expressément à quitter le pays. Direction Barnsley en seconde division anglaise, sans oublier toutefois de léguer un joli souvenir aux habitués du Granillo.
De -10 à numéro 10
Cette fois, les clichés ont la vie dure, puisque l’âpreté d’Albion ne lui sied guère : « Emil a une très bonne technique, un pied gauche magnifique comme on le voit sur ce but, il est également excellent sur coups de pied arrêtés et capable de s’infiltrer balle au pied dans la surface. Un vrai milieu moderne » , analyse Aronica. L’intéressé décide alors de faire machine arrière et n’hésite pas à descendre de deux étages pour se remettre en question, direction le Hellas Verone qui gît alors en D3 italienne. « C’était du pain béni à ce niveau-là. D’ailleurs, on lui a de suite confié le numéro 10, car c’est celui qui avait le profil qui s’en rapprochait le plus. » Luca Ceccarelli a été son capitaine pendant trois ans dans la ville de Roméo & Juliette, un laps de temps qui a vu les Gialloblu passer de la Serie C à la Serie A : « Et Emil a été un des principaux protagonistes de cette ascension, il est vite tombé d’accord avec le coach Mandorlini, deux mecs au caractère identique qui habitaient en plus sur le même palier. Son style a rapidement plu aux supporters qui en ont fait un de leurs préférés. » Surnom ? Le Viking, pas le plus original, mais cela fera l’affaire. Lorsque le fils d’Hallfred tourne, c’est toute l’équipe qui en bénéficie. Relayeur dans un 4-3-3, il tranche les défenses adverses et une fois de retour parmi l’élite, il démontre qu’il y est tout à fait à sa place, que ce soit à Vérone ou à Udine depuis l’hiver dernier.
La voie est ouverte
La leçon est comprise, l’Islandais reste bien au frais dans le Nord-Est : « L’année de la Serie C, on a disputé le match de la montée le 19 juin à Salerne, il faisait déjà chaud à Vérone, le fait de descendre dans le midi l’a rendu malade. Il a passé une semaine très dur psychologiquement, on a tout fait pour le rassurer. À la fin du match qu’on a gagné, il était rincé de chez rincé. Il ne supportait vraiment pas d’aller jouer dans le Sud de l’Italie. » Une condition sine qua non pour la suite de sa carrière : « Bah c’est sûr que si Palerme le veut, il devra exiger de ne jouer que le soir » , lâche son ancien capitaine en s’esclaffant. International dès août 2005 lors d’un amical face… à l’Italie, Emil observe le Calcio et fait comprendre à ses coéquipiers que quelque chose de gros est en train de se tramer du côté de Reykjavík. « Il y a un excellent centre d’entraînement et de formation à la Reggina, lui nous racontait qu’il avait les mêmes infrastructures à la maison, qu’un véritable virage culturel avait été effectué » , raconte Aronica. Depuis Bjarnason (Pescara, Samp avant d’aller à Bâle) et Magnusson (Juventus, Cesena) lui ont emboîté le pas avec succès et plus aucun joueur italien ne se surprend à voir un Islandais comme coéquipier. Enfin, surtout dans le Nord.
Par Valentin Pauluzzi