Hallfredsson, le grand requin blond

Dimanche 26 avril 2008, Stadio Oreste Granillo, Reggio Calabria, dans l’extrême pointe de la Botte. Au bout de la santiag. La Reggina, lanterne rouge, accueille la Juventus et s’amuse à compliquer ses espoirs de seconde place. Numéro 18, pedigree de trappeur, crampons rouges et crâne rasé, Emil Hallfredsson entretient l’espoir et se rappelle au bon souvenir de ses admiratrices en expédiant un maître tir de 30 mètres dans la lucarne de Buffon avant que la Vecchia Signora n’égalise peu après.

Dix-huit mois plus tôt, le géant des fjords s’était signalé une première fois à l’attention de la péninsule en éclaboussant de sa classe un derby contre le Napoli. Il venait de débarquer quelques mois plus tôt du Lyn Oslo où il n’était resté qu’un mois via Tottenham. Le lendemain, la presse le comparait déjà à Gudmunsson, le seul Islandais à avoir foulé les pelouses italiennes. C’était avec le Milan des 40’s finissantes. Hallfy semblait gêné : « Un grand honneur, vraiment. J’aurais aimé qu’il puisse me conseiller » .

A 24 ans, l’armoire de Reykjavik a beaucoup bourlingué mais peu joué. Repéré en Islande par Frank Arnesen, il aura surtout fréquenté la réserve des Spurs avant de s’envoler pour Malmö FF pour y réaliser sa première saison pleine chez les pros (24 matchs, 10 buts). Après avoir failli connaître la Norvège, l’Islandais s’essaye au sud de l’Italie. Le mode de vie des Calabrais le déroute : leur façon de conduire, leur surprenante gestion du klaxon, leur mépris des règles de conduite les plus basiques… Surtout, Hallfy a du mal à se faire aux grosses lunettes de soleil qui trônent sur tout crâne italien digne de ce nom. Massimo Bandiera, attaché de presse de la Reggina : « Le jour où Emil est venu parapher son contrat, je suis allé l’accueillir à l’aéroport. J’avais mes lunettes de soleil sur la tête, comme tous les jours de l’année. Il pensait que c’était un manque de respect et voulait presque s’en retourner en Islande. Avant de comprendre » .

Dans son drôle de pays, « où il est impossible de trouver le sommeil » , le truc d’Emil, c’est de nager avec les requins. Dans l’eau glacée, de préférence : « Cela permet de rester soi-même. Au milieu des requins, on se sent seul paradoxalement. A l’abri et en danger. Un peu comme en haut d’une montagne quand on sait qu’après l’aller, il y a un retour » . Il a bien eu peur, une fois. Une petite écorchure au genou, un peu de sang sec agglutiné aux poils et une odeur qui aurait attiré à lui tous les prédateurs marins de l’Atlantique Nord. Au dernier moment, un ami d’enfance le prévient. « Ce jour-là, je crois bien que Dejän m’a sauvé la vie. » Il était moins une. Pendant les mises au vert, Hallfy « joue de la guitare et je me débrouille » . Mélomane (John Myer, Ben Harper, Damien Rice, Jack Johnson, Radiohead…) et sensible à l’écologie, le trappeur céleste aime refaire le monde et pourfendre quelques mélodies. « En plus, avec les filles, ça marche. C’est grâce à ma guitare que j’ai réussi à séduire ma première copine » .

Quand le spleen s’empare de lui, Emil contemple sa collection de peluches acquises au fil du temps. Et se tourne vers l’avenir : « Je compte finir ma carrière à Hafnarfjördur, à 45 ans. C’est le club que je supporte et que je porte dans mon cœur. Bon, je ne vais pas vous mentir. Jouer à Liverpool ne me déplairait pas » .

L’an prochain, il ne sait pas encore où il sera : probablement pas à la Reggina, qui retournera probablement en Serie B pour la première fois depuis 2003. Pas encore à Liverpool et pas assez mûr pour le retour chez les trolls. « Et pourquoi pas en France ? Bordeaux m’a toujours attiré » .

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