- Ligue 1
- J2
- Le Havre-Brest
HAC : Hier, c’est loin
Le 8 mars 2009, le HAC battait Sochaux au stade Jules-Deschaseaux. Depuis, le club doyen n’a plus gagné de match à domicile en Ligue 1. Autant dire que le peuple ciel et marine, qui a prévu de mettre le feu ce dimanche face à Brest, fera tout pour que l’équipe de Luka Elsner mette fin à ces 5278 jours d'abstinence.
Ce dimanche, peu importe le résultat, les supporters havrais chanteront à un moment ou à un autre à la gloire de leur légende Jean-Michel Lesage. C’est une tradition depuis que la plus belle patte gauche de l’histoire du football est revenue au bercail, il y a un an, pour entraîner les attaquants du HAC. Il y a quatorze ans, Lesage faisait partie de l’effectif de Frédéric Hantz à l’occasion de ce qui reste la dernière victoire à domicile du club doyen en Ligue 1. À l’époque, c’est au stade Deschaseaux qu’il fallait se rendre pour assister aux petits exploits et aux grandes désillusions des Ciel et Marine. Ce dimanche 8 mars 2009, c’était un jour de petit exploit. Déjà largement largué au classement, le promu havrais éclairait sa lanterne rouge en se payant Sochaux (2-1). Doudou Jacques Faty avait beau ouvrir le score en inscrivant au passage son premier but chez les pros (0-1, 12e), les Normands renversaient la partie grâce à des réalisations de la révélation Amadou Alassane (1-1, 16e) et de Kevin Anin, la pépite du Mont-Gaillard à qui l’on prédisait un brillant avenir et qui plantait alors, lui aussi, son premier pion chez les pros (2-1, 53e).
Les héros s’appelaient Alassane, Anin et Revault
Le destin des deux héros du jour s’avérera particulièrement douloureux. Alassane, qui était encore amateur deux ans auparavant et dont la belle saison (10 buts) laissait présager un conte de fées, devait stopper sa carrière dès cet été 2009 à cause d’un problème cardiaque. Privé de football professionnel, le natif du Havre voyait son quotidien se transformer en un combat administratif permanent et en un tour des clubs amateurs du département, parce qu’il fallait bien joindre les deux bouts, quitte à mettre en péril sa santé. Amadou Alassane, qui a aujourd’hui 40 ans, jouait encore au foot la saison dernière, sous les couleurs de l’US Tréfileries. Un luxe que n’a pas pu se payer Kevin Anin, devenu paraplégique à la suite d’un tragique accident de voiture au printemps 2013, à 26 ans, alors qu’il jouait pour l’OGC Nice.
Ce 8 mars 2009, le HAC tenait aussi sa victoire parce que Christophe Revault se montrait impérial en fin de match. Une fois les gants raccrochés, le plus grand gardien de but de l’histoire du club, vainqueur de l’unique Gambardella du HAC vingt ans plus tôt (1989), était devenu entraîneur, directeur sportif, conseiller du président : bref, un meuble du club doyen. Le genre de surhomme qui laisse un vide énorme du côté de la Porte Océane depuis son décès brutal survenu il y a deux ans.
Ce dimanche, en foulant le billard du Stade Océane, ce sentimental de Jean-Michel Lesage aura sûrement une pensée pour ses anciens collègues de travail qui ont signé la dernière victoire du club à la maison en Ligue 1. D’autant qu’il sait que depuis ce jour-là, le HAC a traversé un tunnel qui a longtemps semblé sans fin. Après ce fameux succès face aux Lionceaux, les Havrais ont bouclé leur saison 2008-2009 à Deschaseaux par des défaites face à Bordeaux (0-3), Caen (1-2), Grenoble (0-1), Saint-Etienne (2-4) et Lille (0-1).
Treize années se sont ensuite écoulées, au cours desquelles tous les entraîneurs qui se sont succédé ont juré que cette année, promis, le HAC avait de bonnes raisons de viser la montée… Et puis Luka Elsner a déboulé, à l’été 2022, avec un discours qui avait le mérite de changer : « L’objectif, c’est de faire revenir les gens au stade. » La qualité du travail du coach slovène combinée aux compétences du directeur sportif Mathieu Bodmer et du président Jean-Michel Roussier ont fait le reste. Le HAC, qui disposait du huitième budget de Ligue 2, est cette saison – et de loin (merci CVC) – le club le plus pauvre de Ligue 1. Le mois dernier, au moment d’annoncer l’arrivée d’Issa Soumaré en provenance du Beerschot pour 400 000 euros, Mathieu Bodmer rappelait ainsi en souriant la réalité du HAC : « On est très heureux d’avoir fait ce transfert ! On a attendu le 22e joueur pour faire un transfert… » Comprendre que les 21 premières recrues de l’ère Roussier-Bodmer-Elsner étaient des joueurs libres.
Arouna Sanganté avait 6 ans
C’est avec ces bouts de ficelle et un public retrouvé que le HAC a fini par sortir de ce grand bourbier qu’est la Ligue 2. Le Havre est de retour en Ligue 1 et cette nouvelle doit ravir les Riyad Mahrez, Benjamin Mendy, Brice Samba, Ferland Mendy, Loïc Badé ou Pape Gueye qui, tour à tour ces dernières années, ont échoué à faire remonter leur club formateur dans l’élite. Arouna Sanganté, lui, y est parvenu. Il avait 6 ans le jour où Alassane, Anin et Revault ont permis aux Barbarians et au Kop Ciel et Marine de danser pour la dernière fois au Havre et en Ligue 1. Sanganté en a aujourd’hui 21, et il est le capitaine d’une équipe qui sait que rien n’est jamais facile quand on joue pour le HAC. Au XXIe siècle, le club doyen est monté à deux reprises en Ligue 1 (2002 et 2008). À chaque fois, il est immédiatement redescendu en Ligue 2. Mais ça, c’était avant.
Par Matthieu Pécot